Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
Par un jugement n° 2116036 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 12 et 16 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2116036 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que résidant en France depuis plus de dix ans, elle devait être précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de cet article dans la mesure où le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait calculer la durée de sa présence en France uniquement à compter de la dernière mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de cet article ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire pendant deux ans est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1998, modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 4 juin 1971 et entré en France en 2001 selon ses déclarations, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 26 octobre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit sa demande, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné et a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Par un jugement du 16 décembre 2022, dont M. B... fait appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions d'annulation :
2. Il ressort des pièces que M. B... établit résider en France de manière habituelle depuis l'année 2013, soit depuis près de huit années à la date de la décision contestée. L'intéressé justifie également, en produisant l'intégralité de ses bulletins de salaire et son contrat de travail, travailler dans un restaurant italien depuis le 2 janvier 2018 à temps complet pour une durée indéterminée, les premières années comme plongeur, puis comme commis de cuisine. Son employeur atteste de ses qualités relationnelles, de son efficacité, de sa ponctualité et de son sérieux et fait part de son souhait de pouvoir pérenniser sa présence au sein de son établissement. M. B... verse par ailleurs au débat ses avis d'imposition, lesquels font état des revenus perçus. Il justifie en outre avoir de la famille en France, notamment un frère et sa femme, de nationalité française, un autre frère et deux neveux, tous en situation régulière sur le territoire. Dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment à la durée de son séjour en France et à la pérennité de son intégration professionnelle, M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant de faire droit à sa demande de titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
3. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 2, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2116036 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 26 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEU
La présidente,
J. BONIFACJ La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00173