Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Francophonie avenir a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a implicitement rejeté sa demande de ne plus utiliser la marque " French Impact " dans l'espace public.
Par un jugement n° 2006809 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 décembre 2022 et 5 et 29 janvier 2024, l'association Francophonie avenir, représentée par la SCP Arvis avocats, doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a implicitement rejeté sa demande tendant à ce qu'elle n'utilise plus, dans l'espace public, la marque " French Impact " ;
3°) d'enjoindre à la ministre de la transition écologique et solidaire de retirer l'expression " French Impact " de l'ensemble des supports de communication destinés au public français sur le territoire national ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que ses visas sont incomplets ;
- les termes " French Impact " ne présentent pas de caractère technique ayant vocation à être traduits par la commission d'enrichissement de la langue française ;
- par une décision du 2 juillet 2021, la commission d'enrichissement de la langue française a approuvé " les mots, termes et expressions et tournures de la langue française attestés dans les huitième et neuvième éditions du Dictionnaire de l'Académie française et dans le Trésor de la langue française " et il convient de vérifier si l'expression " French Impact " et pas seulement le terme " Impact " y figure ;
- subsidiairement, si l'expression " French Impact " ne devait pas être regardée comme une marque, elle ne vise pas qu'un public étranger ;
- il n'y aurait pas lieu de moduler les effets d'une éventuelle annulation.
Par des mémoires enregistrés les 8 et 25 janvier 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'association Francophonie avenir ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 94-665 du 4 août 1994 ;
- le décret n° 96-602 du 3 juillet 1996 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Arvis, représentant l'association Francophonie avenir.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 14 février 2020, l'association Francophonie avenir a demandé à la ministre de la transition écologique et solidaire de ne plus utiliser dans l'espace public la marque " French Impact ". Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a implicitement rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".
3. D'une part, le jugement attaqué n'avait pas à préciser, dans ses visas, les articles des lois dont il fait application. Ces articles sont au demeurant mentionnés dans les motifs du jugement. D'autre part, le tribunal pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, ne pas viser ni ne mentionner l'article 2 de la Constitution, l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539 et la décision de la commission d'enrichissement de la langue française du 2 juillet 2021, dès lors qu'il ne s'est pas fondé sur ces textes pour prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que les visas du jugement seraient incomplets doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 2 de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française : " Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire. / Les mêmes dispositions s'appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle ". Aux termes de l'article 14 de la même loi : " I. L'emploi d'une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d'une expression ou d'un terme étrangers est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française. / Cette interdiction s'applique aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, dans l'exécution de celle-ci. / II. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux marques utilisées pour la première fois avant l'entrée en vigueur de la présente loi ". Pour l'application de ces dispositions, le décret du 3 juillet 1996 relatif à l'enrichissement de la langue française a créé une commission générale de terminologie et de néologie, devenue commission d'enrichissement de la langue française, et prévu que les termes et expressions que cette commission retient sont soumis à l'Académie française et publiés au Journal officiel de la République française. Aux termes de l'article 11 de ce décret : " Les termes et expressions publiés au Journal officiel sont obligatoirement utilisés à la place des termes et expressions équivalents en langues étrangères : (...) / 2° Dans les cas prévus aux articles 5 et 14 de la loi du 4 août 1994 susvisée relative à l'emploi de la langue française (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que, pour les noms de marque de fabrique, de commerce ou de service, l'obligation d'emploi de la langue française, dont le principe est posé par l'article 2 de la loi du 4 août 1994, obéit aux dispositions particulières de l'article 14 de cette loi qui prévoit que l'emploi, dans le nom d'une marque utilisée pour la première fois après l'entrée en vigueur de la loi, d'une expression ou d'un terme étranger à la langue française, n'est interdit aux personnes morales de droit public que s'il existe une expression française de même sens approuvée par la commission d'enrichissement de la langue française et publiée au Journal officiel de la République française.
6. Il n'est pas contesté par l'association Francophonie avenir que le terme " French ", pas plus, au demeurant, que l'expression " French Impact ", de la marque " French Impact ", déposée auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle n'avait pas, à la date de la décision en litige, fait l'objet de l'approbation, par la commission d'enrichissement de la langue française, d'un terme français équivalent publié au Journal officiel. Il s'ensuit que ce terme, alors même qu'il ne présente pas de caractère technique, ne dispose pas d'équivalent en langue française au sens des dispositions de l'article 14 de la loi du 4 août 1994. Par suite, la marque " French Impact " ne méconnait pas l'obligation d'employer la langue française dans les cas prévus par la loi du 4 août 1994.
7. Il résulte de ce qui précède que l'association Francophonie avenir n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Francophonie avenir est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Francophonie avenir et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05155