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15/03/2024 | FRANCE | N°22PA03646

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 15 mars 2024, 22PA03646


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Le Fusillo a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement nos 1808626, 2007917 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par u

ne requête et un mémoire, enregistrés le 4 août et le 21 décembre 2022, la SARL Le Fusillo, représentée par Me Dumont, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Fusillo a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1808626, 2007917 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août et le 21 décembre 2022, la SARL Le Fusillo, représentée par Me Dumont, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 9 juin 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes ou, subsidiairement, de les modérer ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le caractère vicié de la reconstitution du chiffre d'affaires ;

- l'imposition a été établie à l'issue d'une procédure irrégulière faute de saisine de la commission départementale des impôts au titre de l'exercice 2014 ;

- la méthode de reconstitution retenue par l'administration est viciée ou, à tout le moins, aboutit à une évaluation manifestement exagérée, comme le montrent les bilans des exercices suivants, pourtant non vérifiés par l'administration ; le coefficient de marge brute qui ressort de la reconstitution pour les exercices 2012 à 2014 est dépourvu de toute rationalité, faute de réintégration de charges supplémentaires en regard des recettes supplémentaires ; il n'a pas été tenu compte du réalisme économique ; la reconstitution aboutit à un ticket moyen supérieur à celui correspondant à l'activité normale de la société ; l'incohérence de la méthode est encore attestée par le fait que le nombre de repas résultant de cette reconstitution est supérieur au nombre de sets de tables utilisés ;

- la reconstitution est entachée de nombreuses incohérences, mises en évidence par l'expertise qu'elle produit ;

- aucune distribution n'est à mettre à la charge des époux A... ou, subsidiairement, les distributions doivent être modérées ;

- les pénalités ne peuvent être mises à sa charge dès lors que l'imposition n'est pas due et que, en tout état de cause, l'administration n'établit pas un manquement délibéré ou des manœuvres frauduleuses.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 novembre 2022 et 9 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL Le Fusillo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dumont et de Mme B... pour la SARL Le Fusillo ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Fusillo exerce une activité de restauration en exploitant à Fontainebleau les restaurants " Il Primo Bacio " et " Montebello's Steakhouse ". A la suite d'une vérification de comptabilité menée du 9 avril au 21 décembre 2015, portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013, au cours de laquelle l'administration a rejeté la comptabilité de la société, cette dernière a été destinataire, selon procédure contradictoire, d'une proposition de rectification du 18 décembre 2015 portant notamment sur des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, assorties d'intérêts de retard et de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses. Une seconde vérification de comptabilité menée du 6 janvier au 13 mai 2016, au cours de laquelle la comptabilité de la société a fait l'objet d'un nouveau rejet, a conduit, toujours selon procédure contradictoire, à une proposition de rectification du 20 mai 2016 par laquelle l'administration a rehaussé les résultats de la société pour l'exercice clos en 2014. La SARL Le Fusillo relève régulièrement appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses deux demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et pénalités dues, au titre des exercices clos en 2012 et 2013, d'une part, et au titre de l'exercice clos en 2014, d'autre part.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". A cet égard, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens.

3. En l'espèce, les premiers juges ont indiqué de manière suffisamment précise au point 13 de leur jugement les motifs pour lesquels ils estimaient que la méthode de reconstitution des recettes retenue par l'administration fiscale à la suite du rejet de la comptabilité de la société n'était pas radicalement viciée non plus qu'excessivement sommaire. A cet égard, après avoir rappelé que l'administration s'était employée à récupérer les données supprimées à partir des archives informatiques de la société afin d'établir des minorations de recettes et que la méthode employée par le service reposait exclusivement sur les données enregistrées dans le logiciel Orchestra Point De Vente utilisé par la société et sur celles supprimées par son gérant, les premiers juges ont répondu avec une précision suffisante à l'argumentation de la requérante selon laquelle la reconstitution ensuite opérée ne tenait pas compte du réalisme économique, minorait excessivement les charges du restaurant et aboutissait à des résultats incohérents et à des bénéfices excessifs, en relevant notamment que la société ne proposait aucune méthode de reconstitution alternative et ne produisait aucun document permettant de constater que le vérificateur aurait surévalué ses recettes ou sous-évalué ses charges. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure en litige : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. / Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration ". L'article R. 59-1 du même code dispose : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. / L'administration notifie l'avis de la commission au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition ".

5. D'une part, il résulte de l'instruction qu'à la suite du rejet de ses observations formées sur la proposition de rectification du 18 décembre 2015, la SARL Le Fusillo a sollicité auprès de l'administration, par courrier du 4 avril 2016, la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il ressort de ce courrier que la saisine ainsi sollicitée ne concernait que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dues au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et non celles dues au titre de l'exercice 2014, lesquelles n'ont d'ailleurs fait l'objet d'une proposition de rectification qu'ultérieurement, le 20 mai 2016. La société requérante, qui ne conteste pas n'avoir formé aucune demande expresse en ce qui concerne les rappels d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2014, ne saurait sérieusement soutenir, en se prévalant de la jonction opérée par les juges de première instance entre les deux affaires portant respectivement sur les exercices 2012 et 2013 et sur l'exercice 2014, que la demande présentée dans le courrier du 4 avril 2016 valait implicitement demande de saisine de la commission départementale au titre de l'exercice 2014 ou que l'administration aurait dû prendre l'initiative d'une telle saisine eu égard à la similitude des contestations. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition au titre de l'exercice clos en 2014 ne peut qu'être écarté.

6. D'autre part, un contribuable n'est pas fondé à se prévaloir, au soutien de moyens par lesquels il conteste la régularité de la procédure d'imposition, de l'interprétation administrative de la loi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des diverses doctrines citées par la SARL Le Fusillo ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

7. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et lorsque le contribuable n'a pas accepté les rehaussements qui lui avaient été notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt.

8. Il ressort des motifs des propositions de rectification en date du 18 décembre 2015 et du 20 mai 2016 que, pour écarter comme insincère et non-probante la comptabilité des deux restaurants exploités par la SARL Le Fusillo, le service vérificateur s'est fondé sur les discordances entre les fichiers utilisés par la société pour justifier de sa comptabilité et les fichiers retrouvés dans les sauvegardes et les veilles de son système informatique, sur l'existence de " suppressions logiques " non retracées au journal des évènements et sur les nombreuses anomalies observées au niveau de l'horodatage et des numéros d'ordre des enregistrements. Le service a estimé que ces anomalies et " suppressions logiques " présentaient un caractère récurrent et massif révélant l'existence de modifications a posteriori des données de caisse par un logiciel externe au système, destiné à éluder des recettes. La SARL Le Fusillo, qui ne conteste pas en appel le caractère non probant et insincère de sa comptabilité et le rejet dont elle a fait l'objet, n'a sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que pour les rehaussements d'imposition dus au titre des exercices 2012 et 2013, et non pour ceux dus au titre de l'exercice 2014, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt.

9. Pour les exercices 2012 et 2013, l'imposition ayant été établie conformément à l'avis émis par la commission départementale lors de sa séance du 29 septembre 2017, la charge de la preuve de l'exagération de l'imposition incombe à la société requérante. En revanche, pour l'année 2014, en l'absence de saisine de la commission départementale, la charge de la preuve est supportée par l'administration.

En ce qui concerne le grief tiré du caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode de reconstitution du résultat imposable appliquée par l'administration :

10. Il résulte de l'instruction que, pour procéder à la reconstitution des recettes dégagées par les restaurants de la SARL Le Fusillo, le service vérificateur s'est fondé, pour une part importante du montant des rehaussements, sur le montant exact des tickets faisant l'objet de minorations ou suppressions qu'il a pu retrouver à partir des fichiers de sauvegarde et de veille ayant enregistré les recettes avant leur minoration ou leur suppression. Le montant du chiffre d'affaires ressortant de ces sauvegardes ou des veilles a alors été comparé à celui déclaré par la société, et le montant plus élevé mentionné par ces sauvegardes ou veilles a été retenu. Le service a également été en mesure de retracer avec précision le montant des recettes minorées par " suppressions logiques ", c'est-à-dire par effacement de lignes de ticket après leur règlement, compte tenu de l'absence de suppression physique des enregistrements, au titre des jours pour lesquels il ne disposait pas des fichiers de veille ou de sauvegarde. Enfin, pour tenir compte de la fraude par modification de certaines lignes, le ratio constaté entre les recettes éludées et celles ayant fait l'objet de suppressions logiques pendant les périodes couvertes par des fichiers sauvegardés a été appliqué aux montants des suppressions logiques identifiées pour les périodes non couvertes par les fichiers de sauvegarde ou de veille.

11. La méthode ainsi retenue repose sur les propres données de l'exploitation enregistrées dans le logiciel Orchestra Point De Vente utilisé par la société et, pour une part très limitée, pour suppléer au manque d'information résultant des manœuvres frauduleuses ayant consisté à modifier de façon répétée certaines des recettes enregistrées, sur une extrapolation de ces données. Cette méthode n'est pas sérieusement remise en cause par le rapport rédigé à la demande de la société, en août 2017, par un expert informaticien, qui fonde au demeurant plusieurs de ses ratios sur un nombre de jours de contrôle largement exagéré. Si la société requérante argue du manque de réalisme économique de la méthode employée par le service et soutient qu'elle conduirait à un ticket moyen excessif et à des bénéfices disproportionnés au regard de ceux constatés lors des exercices 2015 à 2020 ou au regard du montant des charges qui seraient nécessairement induites par le rehaussement des recettes auquel le vérificateur a procédé, les montants dont elle se prévaut à l'appui de sa démonstration ne ressortent en tout état de cause d'aucun document comptable. Dans ces conditions, la méthode de reconstitution des recettes appliquée par le vérificateur ne peut être regardée comme excessivement sommaire ou radicalement viciée.

En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2012 et 2013 :

12. La société requérante soutient que la méthode de reconstitution de son résultat imposable ne tiendrait pas compte des conditions réelles d'exploitation de ses restaurants, et se prévaut à cet égard des résultats d'exploitation observés au titre des exercices postérieurs à ceux de la période vérifiée. Cependant, elle n'établit pas que les bénéfices de ces exercices postérieurs auraient été obtenus dans des conditions d'exploitation qui n'auraient pas varié par rapport à celles des exercices en litige. Par ailleurs, la production d'un fichier, qui n'est assorti d'aucune garantie d'authenticité, retraçant les chiffres d'affaires et les taux de marge de divers restaurants localisés à proximité de ceux exploités par la société ne permet pas davantage d'établir le caractère disproportionné des résultats auxquels la mise en œuvre de la méthode contestée aboutit. En se bornant à soutenir que ses charges auraient été sous-évaluées, la société appelante ne propose aucune autre méthode de reconstitution que celle consistant à appliquer aux rehaussements en base retenus par l'administration un taux de charge, non justifié, de 90 %, dont il n'est pas établi qu'il correspondrait à la réalité économique des restaurants exploités. Si la société requérante soutient que l'évaluation du nombre de couverts servis pour l'année 2012 serait incohérente au regard du nombre de sets de table qu'elle aurait acquis lors de cet exercice, le ministre fait valoir sans être contesté que le nombre total de sets de table acquis pour les trois exercices s'élève à 195 000, soit un nombre supérieur aux 187 467 couverts évalués sur l'ensemble des trois exercices rectifiés. Dans ces conditions, la société ne saurait être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe ainsi qu'il a été dit au point 9, de la surévaluation de son résultat imposable au titre des exercices 2012 et 2013.

En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2014 :

13. Le service a justifié la reconstitution de recettes à laquelle il a procédé par la méthode exposée au point 10. Toutefois, la SARL Le Fusillo fait valoir que cette reconstitution aboutit à des recettes éludées d'un montant de 470 285 euros alors qu'elles avaient été évaluées à 257 737 euros et 331 657 euros pour les exercices 2012 et 2013, sans que cette hausse ne soit justifiée par des conditions d'exploitation propres à l'exercice 2014, et conduit à admettre que son résultat imposable atteindrait 899 705 euros en 2014. Or il résulte des montants portés sur la proposition de rectification que le chiffre d'affaires total retenu par le vérificateur, incluant les recettes déclarées et celles éludées, s'élève pour l'exercice 2014 à un montant de 2 549 472 (2 079 187 + 470 285) euros toutes taxes comprises, et que le ratio entre le résultat imposable retenu par le vérificateur et ce chiffre d'affaires TTC à laquelle aboutit cette reconstitution s'élève à 35,3 pourcent, soit une proportion dont l'administration ne conteste pas sérieusement qu'elle est très largement supérieure à celle généralement observée dans le secteur de la restauration, et éloignée de tout souci de réalisme économique. Compte tenu de ces éléments, et en l'absence d'éléments justificatifs plus précis produits par l'administration, sur laquelle pèse la charge de la preuve de l'absence d'exagération des bases d'imposition ainsi qu'il a été dit au point 9, la SARL Le Fusillo est fondée à soutenir que la méthode de reconstitution, faute d'admettre la déduction d'aucune charge du chiffre d'affaires reconstitué, présente un caractère sommaire. En l'absence de méthode de reconstitution alternative suffisamment fiable présentée par cette société, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en ramenant de 899 705 euros à 588 369 euros le résultat imposable de l'exercice clos en 2014, par application aux recettes reconstituées de la société du ratio constaté entre le résultat imposable déclaré par la société au titre de l'exercice 2014 et le chiffre d'affaires TTC déclaré au titre de ce même exercice, lequel s'élève à 23,1 pourcent (479 733 / 2 079 187) selon les montants non contestés de la proposition de rectification.

Sur les majorations pour manœuvres frauduleuses :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". Les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

15. Alors que la société requérante se borne, pour contester cette majoration, à remettre en cause la reconstitution de son chiffre d'affaires, il résulte de ce qui précède que la vérification de comptabilité a mis en évidence une minoration délibérée des recettes sur chacun des exercices vérifiés, mise en œuvre par l'utilisation récurrente d'un procédé informatique permettant la minoration de tickets et l'annulation de lignes de ticket. En faisant état de ces éléments, l'administration apporte la preuve que la société a délibérément modifié un nombre notable de données de caisse au moyen d'un outil informatique, afin de minorer ses recettes et de dissimuler cette omission en donnant toutes les apparences de la sincérité à sa comptabilité pour égarer les pouvoirs de contrôle de l'administration. Par suite, ces agissements caractérisant des manœuvres frauduleuses, elle justifie du bien-fondé de l'application de la majoration au taux de 80 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts.

16. En revanche, le montant des pénalités dues au titre de l'année 2014 doit être réduit à due proportion de la réduction de droits résultant du point 13 du présent arrêt.

Sur les autres moyens :

17. D'une part, le présent litige ne concernant que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SARL Le Fusillo, le moyen tiré de l'illégalité de la réintégration, au titre de l'impôt sur le revenu, des recettes éludées dans les revenus des maîtres de l'affaire ne peut qu'être écarté comme inopérant.

18. D'autre part, en indiquant que " conformément au principe dévolutif de l'appel, la SARL Le Fusillo s'en rapporte pour l'essentiel à ses écritures de première instance sur ce point et complète ces dernières ", la société appelante, qui n'a d'ailleurs pas joint ses mémoires de première instance à sa requête d'appel, ne peut être regardée comme ayant soulevé d'autres moyens que ceux auxquels il a été répondu ci-dessus.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le Fusillo est seulement fondée à obtenir la décharge partielle, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014 à raison de la réduction de la base d'imposition définie au point 13 du présent arrêt. Elle n'est en revanche pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

20. L'Etat n'étant pas dans la présente instance la partie principalement perdante, les conclusions de la SARL Le Fusillo présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SARL Le Fusillo au titre de l'exercice 2014 est ramenée de 899 705 euros à 588 369 euros.

Article 2 : La SARL Le Fusillo est déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2014 à raison de la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Le Fusillo est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Fusillo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour ;

- Mme Vinot, présidente de chambre ;

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOISLa présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03646 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03646
Date de la décision : 15/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : DUBAULT BIRI & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-15;22pa03646 ?
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