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12/03/2024 | FRANCE | N°22PA02776

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 mars 2024, 22PA02776


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



MM. D... G... et E... C... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 27 mai 2021 par laquelle le ministre du logement et de l'aménagement, chargé des transports interinsulaires, a accordé à M. F... un permis de construire pour des travaux de terrassement de trois plates-formes munies de leurs voies d'accès, sur la parcelle cadastrée n° 161, section S, à Pirae.



Par un jugement n° 2100387 du 10 mai 2022, le

tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande.



Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. D... G... et E... C... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 27 mai 2021 par laquelle le ministre du logement et de l'aménagement, chargé des transports interinsulaires, a accordé à M. F... un permis de construire pour des travaux de terrassement de trois plates-formes munies de leurs voies d'accès, sur la parcelle cadastrée n° 161, section S, à Pirae.

Par un jugement n° 2100387 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juin 2022, MM. G... et C..., représentés par Me Tauniua G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 10 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 27 mai 2021 par laquelle le ministre du logement et de l'aménagement, chargé des transports interinsulaires, a accordé un permis de construire à M. F... ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 350 000 francs Pacifique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'ils ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir dès lors qu'ils sont voisins immédiats de la parcelle concernée par les travaux et que ces derniers auront pour effet de nuire à l'occupation paisible de leur propriété ainsi qu'à l'environnement, faute de réseaux d'eau, d'électricité, d'assainissement et de voirie ; ces travaux affecteront le paysage en raison de l'abattage d'arbres, et généreront des nuisances sonores ;

- la décision du 27 mai 2021 a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le titre de propriété du pétitionnaire n'a pas été produit, en méconnaissance des dispositions de l'article A. 114-8 du code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le maire de Pirae n'a pas donné son avis sur l'alimentation en eau, la sécurité incendie et le ramassage des ordures, en méconnaissance des dispositions de l'article A. 114-9 du code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le permis de construire litigieux méconnaît les dispositions des articles Lp. 114-8 alinéa 3, D. 114-7, A. 114-10, A. 114-10-1 et A. 114-12 du code de l'aménagement de la Polynésie française, ainsi que les dispositions du chapitre 8 " zone NA " du règlement du plan général d'aménagement de la commune de Pirae, et de ses articles 9 NA.3, NA.4 et NA.5 ; il n'existe pas de réseaux d'eau et d'électricité et de voirie adaptés, et aucun certificat de conformité des réseaux n'a été produit ; le plan du réseau routier propre à la desserte de la parcelle n'est pas produit ; les plates-formes dont la construction est autorisée ne sont pas constructibles ;

- eu égard au volume des déblais et remblais, une notice d'impact était obligatoire, en application du code de l'environnement ;

- aucune autorisation d'abattage d'arbres n'est produite.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2023, la Polynésie française, représentée par Me Gilles Jourdainne, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la demande est irrecevable, faute d'intérêt à agir de MM. G... et C... ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2023, M. A... F..., représenté par Me Robin Quinquis, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de MM. G... et C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande est irrecevable, faute d'intérêt à agir de MM. G... et C... ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 5 juin 2023.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004,

- le code de l'urbanisme,

- le code de l'aménagement de la Polynésie française,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., propriétaire de la parcelle cadastrée S 161 à Pirae, bénéficie d'un permis de construire pour des travaux de terrassement de trois plates-formes munies de leurs voies d'accès, accordé le 27 mai 2021 par un arrêté du ministre du logement et de l'aménagement de la Polynésie française, et publié au Journal officiel de la Polynésie française le 8 juin 2021. MM. G... et C... demandent à la cour d'annuler le jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, applicable de plein droit en Polynésie française en application des articles 7 et 14 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles dont M. G... et M. C... sont propriétaires, cadastrées respectivement S 108, S 112 et S 113, et S 111, ne jouxtent pas la parcelle S 161, concernée par les travaux de terrassement litigieux. Les appelants font valoir que le projet autorisé va nuire à leur occupation paisible des lieux, notamment en ce que les constructions seraient susceptibles de générer des nuisances sonores et ne respecteraient pas l'environnement, affectant notamment le paysage en raison de l'abattage d'arbres. Toutefois, ils se bornent, en première instance comme en appel, à faire ainsi état d'éléments très abstraits et généraux, se prévalant notamment d'atteintes qui résulteraient d'éventuelles constructions ultérieures, alors que les travaux autorisés concernent seulement des terrassements de plates-formes munies de leurs voies d'accès. La circonstance, à la supposer établie, que le projet impliquerait l'abattage d'arbres, dans une zone boisée, ne suffit pas dans les circonstances de l'espèce à justifier une atteinte directe aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens de MM. G... et C..., la parcelle concernée étant au demeurant située en zone NA du plan général d'aménagement de la commune de Pirae, définie par le règlement dudit plan comme une " future zone d'urbanisation ". Enfin, les désagréments causés par la réalisation même des travaux, nécessairement temporaires, ne sauraient à eux seuls constituer une atteinte susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance d'un bien. Par suite, les appelants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté du 27 mai 2021 du ministre du logement et de l'aménagement de la Polynésie française.

5. Il résulte de ce qui précède que MM. G... et C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à MM. G... et C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers le versement de la somme de 1 000 euros à M. F..., sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de MM. G... et C... est rejetée.

Article 2 : MM. G... et C... verseront la somme de 1 000 euros à M. F... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G..., à M. E... C..., à la Polynésie française et à M. A... F....

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La rapporteure,

G. B...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02776
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;22pa02776 ?
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