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08/03/2024 | FRANCE | N°23PA04558

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 08 mars 2024, 23PA04558


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 août 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.



Par un jugement n° 2320727 du 4 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 6 novembre 2023, le préfe

t de police demande à la Cour :



1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement du tribunal administratif de Paris du 4 octobr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 août 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2320727 du 4 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 novembre 2023, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement du tribunal administratif de Paris du 4 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. C... en première instance.

Il soutient que :

- la juge de première instance a statué " ultra petita " en fondant les motifs de sa décision sur une circulaire du ministre de l'intérieur italien du 5 décembre 2022 et une décision du Conseil d'Etat néerlandais du 26 avril 2023 qui n'étaient pas produites au dossier ;

- c'est à tort que la juge de première instance a retenu que l'arrêté en litige avait été pris en méconnaissance des articles 3-2 et 17 du règlement n° 604/2013/UEE du 26 juin 2013 ;

- c'est également à tort que le jugement a, par voie de conséquence, enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil ;

- aucun des autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris n'est fondé.

La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit d'observation.

Par un courrier du 26 janvier 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever le moyen d'ordre public tiré d'un non-lieu à statuer sur la requête dans la mesure où l'arrêté de transfert du 25 août 2023 ne sera plus susceptible d'exécution à l'issue d'un délai de six mois à compter de la notification du jugement intervenue le 4 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan né le 15 janvier 1987, a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris au mois de juin 2023. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été préalablement enregistrées par les autorités italiennes. La demande de prise en charge adressée à ces autorités le 21 juin 2023 a donné lieu à un accord implicite. Par un arrêté du 25 août 2023, le préfet de police a décidé le transfert de M. C... aux autorités italiennes. Le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 4 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. C... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil.

Sur le moyen d'annulation retenu par la magistrate désignée :

2. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 de ce règlement : " (...) chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".

3. Pour annuler la décision attaquée en retenant que le préfet de police avait méconnu les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire, la juge de première instance a estimé qu'il existait un risque sérieux que la demande d'asile de M. C... ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile compte tenu, d'une part, de la lettre circulaire du 5 décembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur italien a demandé, pour des raisons techniques, une suspension temporaire des transferts à destination de l'Italie et, d'autre part, d'une décision du 26 avril 2023 par laquelle le Conseil d'Etat des Pays-Bas s'est prononcé contre les transferts des demandeurs d'asile vers ce pays, étant précisé, au surplus, que les autorités italiennes n'ont qu'implicitement accepté la prise en charge de l'intéressé.

4. Toutefois, le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Italie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption est réfragable s'il y a des raisons sérieuses de croire sur la base d'éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l'Union, qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 4 de la charte.

5. En l'espèce, M. C... soutient qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Au soutien de ce moyen, l'intéressé fait valoir le durcissement de la politique migratoire italienne et plus largement le traitement réservé aux étrangers et aux réfugiés depuis la présidence du Conseil des ministres par Giorgia Meloni et Mateo Salvini en se référant, d'une part, à des articles de presse et à des rapports publiés par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) en 2020 et 2021, d'autre part, à la lettre circulaire du 5 décembre 2022 émanant du ministère de l'intérieur italien aux termes de laquelle l'Italie sollicite la suspension temporaire des transferts à destination de son territoire et, enfin, à une décision du 26 avril 2023 du Conseil d'Etat des Pays-Bas retenant que les transferts vers l'Italie ne sont plus possibles en raison du manque de structures d'accueil. Toutefois, aucune pièce du dossier ne permet de démontrer qu'à la date de la décision contestée, la demande de suspension des transferts vers l'Italie était encore en vigueur. Ni les considérations très générales exposées par M. C... sur la politique migratoire décidée en Italie, ni les articles de presse et les extraits de rapports établis en 2020 et 2021 par l'OSAR produits au dossier de première instance, ne suffisent à fonder des doutes sérieux sur l'existence en Italie, à la date de l'arrêté attaqué, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Ces mêmes pièces ne permettent pas d'établir qu'en cas de transfert vers ce pays, il existerait un risque que M. C... ne bénéficie pas d'un examen de sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qu'il y serait exposé à un risque réel de traitements inhumains ou dégradants, quand bien même les autorités italiennes ont implicitement accepté la prise en charge de sa demande d'asile, au demeurant postérieurement à la lettre circulaire du 5 décembre 2022. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que la juge de première instance a annulé son arrêté du 25 août 2023 au motif qu'il aurait méconnu les articles 3-2 et 17 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par ce règlement.

6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal :

7. En premier lieu, par arrêté n° 2023-00971 du 23 août 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police du même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme B... A..., attachée d'administration de l'Etat, directement placée sous l'autorité de M. Pierre Villa, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile, à effet de signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions au nombre desquelles figure la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ".

9. L'arrêté en litige vise notamment les règlements (CE) n° 1560/2003 et n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatifs aux critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. Il précise que la comparaison des empreintes digitales de M. C... au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'elles avaient été enregistrées par les autorités italiennes préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France et que la saisine le 21 juin 2023 de ces autorités sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement n° 604/2013 a donné lieu à un accord implicite intervenu le 22 août 2023. Par ailleurs, il mentionne notamment que la demande de l'intéressé ne relève d'aucune des dérogations prévues aux articles 3-2 et 17 du règlement n° 604/2013 et que la mesure de transfert ne contrevient pas à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. C... ne pouvant se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte une motivation suffisante pour permettre à M. C... de comprendre les fondements juridiques et les éléments de fait à l'origine de la mesure de transfert. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement et doit nécessairement être communiquée oralement au demandeur d'asile si celui-ci est analphabète. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les brochures dites " A " et " B ", intitulées " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui comprennent l'ensemble des informations devant être communiquées en vertu des dispositions précitées, ont été remises à M. C... le 7 juin 2023, en langue pachtou dont il n'est pas contesté qu'elle soit comprise par l'intéressé. Par ailleurs, M. C... ne saurait utilement se plaindre de ce que la notice d'information destinée aux seules personnes dont l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France et portant sur le choix de la langue dans laquelle ils souhaitent être entendus, ne lui aurait pas été remise, la communication de cette notice n'étant pas rendue obligatoire dans le cas d'une décision de transfert vers un autre Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie tenant au droit à l'information tel que garanti par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé l'intéressé d'une garantie.

13. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié d'un entretien individuel réalisé à la préfecture de police le 7 juin 2023 au cours duquel il a bénéficié de l'assistance d'un interprète en langue pachtou assurée par l'association ISM interprétariat, organisme agréé. Si en vertu de l'article R. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police est, à Paris, l'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'entretien individuel requis pour l'application de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 soit mené par un agent de la préfecture, qui, n'étant pas le signataire de la décision de transfert, n'a pas à bénéficier d'une délégation de signature du préfet de police pour procéder à cet entretien. Si le résumé de l'entretien individuel ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui l'a conduit, il ressort des pièces du dossier que cet entretien a été mené par un agent du bureau de l'accueil de la demande d'asile de la délégation à l'immigration à la préfecture de police et a ainsi été conduit par un agent qualifié au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité dudit agent restant sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par ailleurs, si M. C... fait valoir que le compte-rendu de l'entretien ne mentionne pas sa durée et ne comporte aucune mention relative à la possibilité de relecture de son compte-rendu, il ne conteste pas avoir pu présenter ses observations à cette occasion et n'établit pas, ni même n'allègue, que les informations recueillies qui ont permis de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, soient inexactes ou incomplètes, ou encore qu'il aurait été empêché de présenter l'ensemble des informations qu'il aurait estimé indispensables de porter à la connaissance du préfet de police avant l'édiction de la décision en litige. Enfin, et alors qu'il ne peut utilement se prévaloir de l'absence de remise de la notice d'information ainsi qu'il a été dit au point 11, la circonstance alléguée qu'aucune copie de l'entretien ne lui aurait été remise, à la supposer établie, n'a, en l'espèce, privé l'intéressé d'aucune garantie. Il ne ressort donc pas des pièces du dossier que M. C..., qui a signé le compte-rendu de cet entretien individuel sans réserve, aurait été privé d'une garantie prévue par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, ce moyen doit être écarté.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-1, et non L. 211-5 comme invoqué, du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que la procédure contradictoire préalable qu'elles prévoient, n'est pas applicable aux décisions statuant sur une demande, ce qui est le cas en l'espèce. M. C..., qui a d'ailleurs bénéficié de l'entretien mentionné ci-dessus, ne saurait donc invoquer utilement soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement n° 604/2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") " Eurodac " avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée (...) ". Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles 15, 18 et 19 du règlement (CE) de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

16. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la consultation du fichier " Eurodac " qui a permis de constater que les empreintes digitales de M. C... avaient précédemment été enregistrées par les autorités italiennes dans la catégorie 2, soit à raison à raison du franchissement irrégulier des frontières de l'Union européenne, a été effectuée le 2 juin 2023. D'autre part, le préfet de police produit la requête aux fins de prise en charge adressée le 21 juin 2023 aux autorités italiennes dont elles ont accusé réception le jour même dans le cadre du réseau " DubliNet " par le point d'accès national italien, cette transmission étant intervenue conformément à l'article 21 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, en application de l'article 22 précité du même règlement, les autorités italiennes sont réputées avoir accepté implicitement cette prise en charge, ce dont elles ont été informées par le " constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " qui leur a été adressé le 24 août 2023, ainsi qu'en justifie le préfet de police par la production du formulaire dont il a été accusé réception également le jour même. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable. (...) ".

18. D'une part, si M. C... se prévaut de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, il n'assortit ce moyen d'aucune précision susceptible d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, si les conditions de notification de l'arrêté litigieux peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans incidence sur sa légalité.

19. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

20. D'une part, M. C... ne démontre pas qu'il serait exposé à un risque personnel de traitement inhumain et dégradant en Italie ainsi qu'il a été énoncé au point 5 du présent arrêt, en se bornant à faire valoir des considérations générales tenant à la politique du gouvernement italien en matière d'immigration et en se référant à des articles de presse et à des rapports publiés par l'OSAR en 2020 et 2021. D'autre part, la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers l'Afghanistan, mais seulement de prononcer son transfert aux autorités italiennes chargées de l'examen de sa demande de protection internationale et M. C... ne justifie pas que les autorités de ce pays le renverraient en Afghanistan sans réel examen des risques auxquels il serait exposé. A ce titre, il ne démontre pas par la production d'une décision des autorités italiennes du 27 mai 2023 qui lui refuseraient l'accès au territoire de ce pays, au demeurant non traduite, qu'il serait exposé à un risque de renvoi vers son pays d'origine sans examen de sa demande d'asile, alors même que cette pièce fait état d'une absence de demande de protection internationale et est antérieure à l'accord implicite donnée par ces mêmes autorités à la prise en charge de M. C... au titre de sa demande d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées, et, par suite, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, doivent ainsi être écartés.

21. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 août 2023 décidant le transfert de M. C... aux autorités italiennes, a enjoint de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2320727 du 4 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 8 mars 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04558
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-08;23pa04558 ?
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