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08/03/2024 | FRANCE | N°23PA03613

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 08 mars 2024, 23PA03613


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2308169 du 21 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pa

ris a annulé l'arrêté attaqué, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2308169 du 21 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de trois mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée le 7 août 2023 sous le n° 23PA03613, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le juge de première instance a entaché le jugement contesté d'une erreur de droit en limitant l'annulation de l'arrêté en litige au défaut de production de cette décision par le préfet ;

- il appartenait à M. D... de joindre à sa requête l'arrêté attaqué ;

- c'est à tort que le juge de première instance a accueilli les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige ;

- aucun des moyens soulevés par M. D... en première instance n'est fondé.

La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit d'observation en défense.

II- Par une requête, enregistrée le 7 août 2023 sous le n° 23PA03614, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2308169 du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. D..., ressortissant sri-lankais né le 1er août 1995, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de douze mois. Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait régulièrement appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de trois mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. Les requêtes susvisées nos 23PA03613 et 23PA03614, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 23PA03613 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, le moyen tiré de ce que le juge de première instance a entaché le jugement contesté d'une erreur de droit en limitant l'annulation de l'arrêté attaqué au défaut de production de cette décision par le préfet, qui n'est pas susceptible d'être utilement soulevé devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation, doit être écarté comme étant inopérant.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

4. Aux termes de l'article R. 776-18 du code de justice administrative qui, en vertu de l'article R. 776-13-2 du même code, est applicable aux litiges relatifs aux décisions d'obligation de quitter le territoire français prises sur le fondement du 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions attaquées sont produites par l'administration ".

5. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué produit pour la première fois en appel que la mesure d'éloignement du territoire a été prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En application des dispositions précitées du code de justice administrative, il incombait à l'administration de produire cet arrêté par exception aux dispositions de l'article R. 412-1 du même code, contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Saint-Denis. Or, en dépit de la mesure d'instruction qui lui a été adressée en ce sens le 14 avril 2023, le préfet de la

Seine-Saint-Denis n'a pas produit cet arrêté, ni même produit de mémoire en défense. Il n'a ainsi pas mis le juge de première instance à même de s'assurer que l'arrêté en litige avait été signé par une autorité compétente, ni qu'il était suffisamment motivé.

6. Toutefois, d'une part, l'arrêté en litige a été signé par Mme A... B..., cheffe du bureau de l'éloignement qui disposait d'une délégation de signature accordée par un arrêté n° 2023-0538 du préfet de la Seine-Saint-Denis du 10 mars 2023, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. D'autre part, l'arrêté attaqué qui vise les textes sur lesquels il se fonde et énonce les circonstances de fait relatives à la situation personnelle de l'intéressé, répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en litige du 11 avril 2023 aux motifs tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées.

7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal :

8. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. D... avant de prendre l'arrêté attaqué.

9. En second lieu, M. D... soutient résider en France depuis le mois d'août 2018 et exercer une activité professionnelle de cuisinier depuis le mois de mars 2019 au titre de laquelle il a introduit une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié au mois de septembre 2022. D'une part, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Ainsi, si M. D... verse au dossier des bulletins de salaire couvrant les mois de mars 2019 à mars 2023, il ne peut pour autant utilement soutenir qu'il serait susceptible d'obtenir la régularisation de sa situation et de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour dont l'attribution résulte de l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. D'autre part, l'intéressé, dont la demande d'asile introduite au mois de septembre 2018 a été rejetée tant par l'office français de protection des réfugiés et apatrides que par la cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucune précision sur les liens personnels dont il entend se prévaloir France, alors même qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille et a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt-trois ans où il ne démontre pas, ni même n'allègue être dépourvu de toute attache familiale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Seine-Saint-Denis doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Seine-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 avril 2023, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de trois mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu en conséquence d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de la demande de M. D... auxquelles il a été fait droit en première instance.

Sur la requête n° 23PA03614 :

11. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA03613 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation dans son ensemble du jugement du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA03614 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA03614 du préfet de la

Seine-Saint-Denis.

Article 2 : Le jugement n° 2308169 du 21 juillet 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 8 mars 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03613, 23PA03614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03613
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-08;23pa03613 ?
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