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06/03/2024 | FRANCE | N°23PA04205

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 06 mars 2024, 23PA04205


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2308394/5-2 du 1er ju

in 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2308394/5-2 du 1er juin 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Sall, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 23 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 4 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais, né en 1995, a sollicité le 4 janvier 2021 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, reprises à l'article L. 425-9 du même code à compter du 1er mai 2021. Après avoir saisi la commission du titre de séjour qui a émis un avis défavorable le 23 novembre 2022, le préfet de police a refusé, par un arrêté du 23 décembre 2022, de délivrer à M. A... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. A... fait appel du jugement du 1er juin 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 de ce code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire (...) peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Lorsque l'administration oppose à un étranger le motif tiré de ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

4. Pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour de M. A..., le préfet de police s'est fondé sur l'unique motif tiré de ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public dès lors que, par un arrêt du 24 mai 2018, la troisième chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris a reconnu que l'intéressé était l'auteur de faits de tentative d'agression sexuelle commis le 2 juin 2014 et de faits de tentative de viol commis le 3 mai 2015, qu'elle l'a déclaré irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits et qu'elle a ordonné son hospitalisation d'office dans un établissement de santé chargé d'assurer les soins psychiatriques sans consentement. Si un certificat médical établi le 1er juillet 2022 indique que, depuis qu'il est hospitalisé au sein des hôpitaux de Saint-Maurice, les symptômes de M. A..., qui souffre d'une schizophrénie paranoïde, sont bien contrôlés du fait de la thérapeutique et que son comportement est totalement adapté dans le service, et que l'avis de la commission du titre de séjour du 23 novembre 2022 indique que le psychiatre du requérant a constaté une évolution très favorable à condition de poursuivre un travail important de réhabilitation psychosociale, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'intéressé ne présenterait plus une menace pour l'ordre public à la date de l'arrêté attaqué, alors qu'il a été hospitalisé en raison de sa maladie du 23 octobre 2013 au 31 octobre 2013, du 6 novembre 2013 au 1er décembre 2013, du 3 juin 2014 au 20 juin 2014, du 13 avril 2017 au 12 juin 2017 ainsi que du 21 novembre 2017 au 24 avril 2019, qu'en dehors de ces périodes d'hospitalisation, il a connu deux épisodes de rechute en 2013 et 2017 pour avoir interrompu son traitement médical, que, par un certificat du 3 octobre 2022, le psychiatre du requérant a diagnostiqué un trouble schizophrénique résistant et qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était hospitalisé toujours en raison de sa maladie depuis le 24 avril 2019 au sein des hôpitaux de Saint-Maurice et qu'il n'est autorisé à sortir de l'hôpital que les week-ends pour rendre visite à sa mère. Dans ces conditions, et en dépit du caractère relativement ancien des faits reprochés à M. A..., le préfet de police n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que la présence de l'intéressé en France constituait une menace pour l'ordre public, dès lors que la persistance des troubles psychiatriques, qui ont concouru à la réalisation des faits qui sont reprochés à M. A... et qui présentent une gravité certaine, ne permet pas, malgré les soins qu'il a reçus, de regarder la menace pour l'ordre public comme étant raisonnablement écartée à la date de l'arrêté attaqué.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent sur le territoire français depuis le 6 novembre 2011 et à supposer même que sa mère biologique et son père adoptif résident régulièrement en France, il est constant que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France. Par ailleurs, si le requérant allègue, sans l'établir, que sa grand-mère maternelle vivant au Cameroun est décédée, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du fait que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, la décision attaquée, d'ailleurs prise après que la commission du titre de séjour eut, le 23 novembre 2022, émis un avis défavorable à la délivrance du titre de séjour sollicité, ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04205
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SALL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;23pa04205 ?
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