Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société L'atelier Coiffure Barbier a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision du 31 août 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 240 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros, ainsi que la décision du 23 octobre 2020 rejetant son recours gracieux et d'autre part, de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes.
Par un jugement n° 2010548 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2023, la société L'Atelier Coiffure Barbier, représentée par Me Luciano, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 février 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 31 août 2020 du directeur général de l'OFII, ainsi que la décision du 23 octobre 2020 de rejet de son recours gracieux ;
3°) de la décharger de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge ;
4°) d'annuler les titres de perception du 15 décembre 2020 correspondant à la contribution spéciale et à la contribution forfaitaire ;
5°) d'enjoindre à l'administration fiscale de lui restituer les sommes saisies ;
6°) de mettre à la charge de l'OFII le versement à la société de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 8251-1 et L. 8253-1 du code du travail, dès lors qu'elle été victime d'une fraude ou d'une usurpation d'identité, pensant de bonne foi embaucher un salarié de nationalité française ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les anomalies de la carte nationale d'identité n'étaient pas aisément décelables pour un œil non averti ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le Parquet du Tribunal de grande instance de Meaux a classé sans suite la procédure ;
- la société n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article
L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2023, l'OFII, représenté par Me de Froment conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société L'Atelier Coiffure Barbier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009,
- le code du travail,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 3 décembre 2019 au sein du salon de coiffure géré par la société L'Atelier Coiffure Barbier, les services de police ont constaté la présence en action de travail d'un ressortissant algérien, démuni de titre l'autorisant à travailler et séjourner en France et non déclaré. Par une décision du 31 août 2020, le directeur général de l'OFII lui a appliqué la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 240 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros. La société L'Atelier Coiffure Barbier a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 23 octobre 2020 rejetant le recours gracieux qu'elle a formé le 9 octobre 2020 à l'encontre de la décision du 31 août 2020 ainsi que d'être déchargée des sommes mises à sa charge. Elle relève appel du jugement du 17 février 2023 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes, en formulant des conclusions nouvelles en appel tendant à l'annulation des deux titres de perception du 15 décembre 2020 correspondant à la contribution spéciale et à la contribution forfaitaire.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du directeur de l'OFII :
2. La société l'Atelier Coiffure Barbier soutient, en premier lieu, que la décision du
31 août 2020 est insuffisamment motivée et, en particulier, qu'elle n'indique pas les modalités de calcul de la somme mise à sa charge, en se bornant à faire référence à l'article R. 8253-2 du code du travail. Il ressort toutefois de cette décision qu'elle mentionne les dispositions applicables du code du travail, le relevé des infractions par référence au procès-verbal établi à la suite du contrôle du 3 décembre 2019, ainsi que le montant de la somme due et précise en annexe le nom du salarié concerné. En outre, il ressort de la décision litigieuse que le montant de la contribution spéciale mise à la charge de la société appelante y est explicité par référence au montant précisé à l'article R. 8253-2 du code du travail avec la mention " un travailleur x 3,62 (taux horaire minimum garanti) x 2 000 soit un montant de 7 240 euros au titre de la contribution spéciale ". Par suite, les bases de calculs étaient clairement exposées et le moyen manque en fait.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 8253-1 de ce code dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-8 de ce même code : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article
L. 5312-1 ". L'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu les articles L. 822-2 et L. 822-3 du même code, dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'elles prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
5. La société l'Atelier Coiffure Barbier soutient, en deuxième lieu, que la décision litigieuse méconnaît les dispositions des articles L. 8251-1 et L. 8253-1 du code du travail, dès lors qu'elle été victime d'une fraude ou d'une usurpation d'identité, pensant de bonne foi embaucher un salarié de nationalité française et que cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les anomalies de la carte nationale d'identité produite par le salarié n'étaient pas aisément décelables pour un œil non averti.
6. Si la société l'Atelier Coiffure Barbier a produit la copie de la carte nationale d'identité qui lui aurait été présentée par le salarié, elle n'établit pas, contrairement à ce qu'elle soutient, avoir demandé l'original au salarié alors qu'il ressort du procès-verbal du
4 novembre 2019 d'audition de ce dernier par les services de police, qu'à la question " qu'avez-vous présenté comme document pour être embauché ' " il a répondu : " mon passeport algérien ", en indiquant que si le gérant de la société lui avait demandé d'apporter une pièce d'identité, il ne l'avait jamais fait malgré les réclamations de son employeur. Par suite, il ne peut être regardé pour établi que la société l'Atelier Coiffure Barbier se serait assurée que ce salarié disposait de la nationalité française. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de fait doivent en conséquence être écartés.
7. Si la société l'Atelier Coiffure Barbier soutient, en troisième lieu, que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le Parquet du Tribunal de grande instance de Meaux a classé sans suite la procédure engagée à son encontre, cette circonstance à la supposée établie est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse dès lors que l'existence d'une décision pénale de classement sans suite ne fait pas obstacle au prononcé des sanctions administratives prévues par les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Enfin, si l'Atelier Coiffure Barbier soutient qu'elle n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'il résulte de ce qui précède que les faits d'occupation d'un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier sont matériellement établis.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société L'atelier Coiffure Barbier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions à fin d'annulation, de décharge et d'injonction, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que
l'OFII, qui n'est pas la partie perdante, verse la somme que demande la société L'atelier Coiffure Barbier au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 1 500 euros à l'OFII sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société L'atelier Coiffure Barbier est rejetée.
Article 2 : La société L'atelier Coiffure Barbier versera à l'OFII une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société L'atelier Coiffure Barbier et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
N° 23PA01488 2