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04/03/2024 | FRANCE | N°23PA01754

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 04 mars 2024, 23PA01754


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel le préfet de la Seine-et-Marne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2104910 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 avril 2023, , M. D...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel le préfet de la Seine-et-Marne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2104910 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2023, , M. D..., représenté par Me Langagne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104910 du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder, dans le délai d'un mois, au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait, en se fondant sur l'existence de deux compagnes différentes alors que la communauté de vie avec son épouse de nationalité allemande a repris ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'un défaut de motivation.

La requête de M. D... a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba

- et les observations de Me Langagne, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 11 mai 1960 à Matadi (Congo), est entré en France en 2004 et y a épousé une ressortissante allemande. Il a bénéficié, en dernier lieu, d'une carte de résident en qualité de conjoint d'une ressortissante française, valable du 24 novembre 2008 au 23 novembre 2018. Le 9 janvier 2017, il a fait l'objet d'une condamnation à quatre années d'emprisonnement pour des faits d'agression sexuelle sur la nièce de son épouse, mineure, puis il a été placé en libération conditionnelle à compter du 20 août 2018. Par un arrêté du 9 mai 2021, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. M. D... relève appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. D..., le préfet de Seine-et-Marne s'est fondé, d'une part, sur le motif tiré de la rupture de la communauté de vie avec son épouse, en considérant que M. D... était séparé de son épouse depuis 2017, qu'il vivait seul après avoir vécu en concubinage avec une compatriote en situation irrégulière et que de ce fait, il ne pouvait pas prétendre à un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne conformément aux dispositions de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni à une carte de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du même code et, d'autre part, sur le motif tiré de la menace à l'ordre public que le comportement de M. D... constitue selon lui, au regard notamment des faits ayant donné lieu à la condamnation pénale dont l'intéressé a fait l'objet le 9 janvier 2017.

3. Il est constant que la communauté de vie entre M. D... et son épouse a cessé en 2017 en raison de la procédure pénale diligentée à l'encontre de l'intéressé pour des faits d'agression sexuelle à l'encontre de la nièce mineure de son épouse, résidant au domicile conjugal. Toutefois, M. D... fournit des justificatifs établissant la communauté de vie avec son épouse avant l'engagement des poursuites pénales, notamment l'attestation de vie commune à Melun établie en 2009. En outre, il justifie de la reprise de la communauté de vie postérieurement, le couple étant domicilié à la même adresse à Melun, ainsi qu'il ressort notamment des courriers émanant de la Direction générale des finances publiques en 2018 à leurs deux noms, des avis d'imposition au titre des années 2019 et 2021 à leurs deux noms, de l'attestation de son épouse du 1er juin 2021 indiquant être toujours mariée au requérant et des quittances de loyers de 2021, établies à leurs deux noms. Au surplus, ainsi que le souligne le requérant, aucune des pièces versées au dossier n'est de nature à établir l'existence d'une procédure de divorce avec son épouse, notamment au regard des mentions portées sur la copie intégrale de leur acte de mariage datée du 16 février 2022 et versée au débat. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. D... aurait vécu en concubinage avec une compatriote, le nom de B... C... mentionné dans l'arrêté attaqué correspondant au nom d'usage de son épouse. Dans ces conditions, au regard des pièces versées au débat, le requérant avait, à la date de l'arrêté attaqué le 19 mai 2021, une communauté de vie avec son épouse. Par conséquent, M. D... est fondé à soutenir que le motif tiré de la rupture de la communauté de vie avec son épouse est entaché d'une erreur de fait.

4. Eu égard à la nature de l'erreur ainsi commise par le préfet et à l'influence qu'elle a pu avoir dans l'examen auquel il a procédé de la situation de M. D..., et alors que les faits sur lesquels il se fonde pour caractériser un comportement constituant une menace à l'ordre public sont anciens, bien que particulièrement graves, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de Seine-et-Marne aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif tiré de la menace à l'ordre public que représente le comportement de M. D....

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2104910 du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 19 mai 2021 du préfet de Seine-et-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne et, en application de l'article R. 751-10 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Melun.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01754 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01754
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL JOVE-LANGAGNE-BOISSAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;23pa01754 ?
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