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04/03/2024 | FRANCE | N°23PA00946

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 04 mars 2024, 23PA00946


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par une ordonnance n° 2204207 du 23 mars 2022, le président du tribunal admin

istratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande.





Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 2204207 du 23 mars 2022, le président du tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mars et 14 septembre 2023, M. D..., représenté par Me Toujas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 23 mars 2022 du président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 du préfet des Hauts-de-Seine ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en constatant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande, le premier juge a entaché l'ordonnance attaquée d'irrégularité ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée a été signée par une personne incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre la décision contestée ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions des articles L. 541-1 et L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a déposé une demande d'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en 2017 et que le préfet n'établit pas, ni n'allègue qu'une décision de l'office lui aurait été notifiée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de sa présence sur le territoire français, à l'intensité de ses liens familiaux en France et à son insertion professionnelle ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'elle a pour effet de séparer l'enfant de son père ou de sa mère ; cette dernière est en situation régulière en France ; elle est de nationalité moldave et n'est pas admissible en Arménie ;

S'agissant de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- la décision contestée est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre la décision contestée ;

- le risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français défini au 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas établi ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

S'agissant de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- la décision contestée est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre la décision contestée ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle fait obstacle à ce qu'il puisse solliciter un visa de court séjour pour voir son enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 décembre 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant arménien, est entré en France le 19 juin 2015 muni d'un visa Schengen délivré par les autorités italiennes et valable du 13 juin 2015 au 12 juillet 2015. A la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 juin 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 octobre 2017, M. D... a fait l'objet le 3 août 2018 d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Le 10 mars 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 19 janvier 2021, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 15 mars 2022, M. D... été interpellé et placé en garde à vue pour des faits de violences par ex-conjoint en présence de mineurs et dégradations volontaires de bien privé. Par un arrêté du 15 mars 2022, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une ordonnance du 23 mars 2022, dont M. D... relève appel, le président du tribunal administratif de Montreuil a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, le président du tribunal " peut, par ordonnance : / (...) 3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours (...) ".

3. Pour estimer que la demande présentée par M. D... était devenue sans objet, le président du tribunal administratif de Montreuil a relevé que l'intéressé, " placé en rétention administrative à la date de l'introduction de sa requête le 17 mars 2022, en a été libéré le lendemain par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux " et considéré qu'" il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant soit encore présent sur le territoire national ni qu'il n'ait manifesté un quelconque intérêt à la poursuite de la procédure qu'il avait initiée alors qu'il était retenu ".

4. Cependant, ni la circonstance que l'autorité judiciaire a mis fin à la rétention dont faisait l'objet M. D..., ni l'absence d'une adresse fixe, d'éléments permettant de considérer que l'intéressé était encore présent en France, à la suite de sa sortie du centre de rétention, ou d'une manifestation de sa part quant à l'intérêt que son recours conservait pour lui, n'ont privé d'effet l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, ni, par suite, privé d'objet les conclusions de l'intéressé, présentées devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation de cet arrêté. Il suit de là que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif a estimé que la demande dont il était saisi était devenue sans objet et a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. Dès lors, cette ordonnance doit être annulée.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

6. En premier lieu, par un arrêté PCI n° 2022-016 du 10 mars 2022 publié au recueil des actes administratifs du 11 mars 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a donné à M. A... B..., adjoint au chef de bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, délégation à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français, les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et les décisions fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées à la date à laquelle les décisions litigieuses ont été prises. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige, M. A... B..., doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, si M. D... soutient que le préfet a méconnu le principe du contradictoire garanti par l'article 41-2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen, alors qu'en tout état de cause, il a été entendu le 15 mars 2022 par les services de police préalablement aux décisions en litige.

8. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine a procédé à l'examen particulier de la situation de M. D... avant de prendre les décisions contestées.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".

10. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. /Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 10 mars 2020 par M. D... a été, ainsi qu'il a déjà été dit au point 1, rejetée par un arrêté du 19 janvier 2021 du préfet des Hauts-de-Seine. Dans ces conditions, le requérant entrait dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 9. M. D... soutient qu'il ne pouvait cependant faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors que le préfet n'établit pas que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juin 2016 rejetant sa demande d'asile lui aurait été notifiée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant a exercé un recours contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant nécessairement reçu notification de la décision de l'office. Par ailleurs, il ressort de ses déclarations lors de son audition le 15 mars 2022 par les services de police qu'il a reconnu que ses recours exercés devant l'OFPRA et la CNDA avaient été rejetés. Le requérant ne soutient pas ne pas avoir eu notification de la décision du 10 octobre 2017 de la CNDA. Il s'ensuit que le préfet des Hauts-de-Seine pouvait légalement prendre à l'encontre de M. D... une décision l'obligeant à quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

13. La décision en litige vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 611-1 3°, L. 611-3, L. 612-1 à L. 612-3 et L. 613-1 à L. 613-5. Elle indique que M. D..., né le 10 août 1987 à Erevan, de nationalité arménienne, a déclaré être entré en France en 2015, que sa demande de titre de séjour a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français pris par le préfet des Hauts-de-Seine le 19 janvier 2021, notifiée le 26 janvier suivant et que l'intéressé se maintient depuis cette date sur le territoire français en situation irrégulière. Elle mentionne en outre que M. D... est célibataire avec un enfant qui n'est pas à sa charge, qu'il a été interpellé pour des faits de violences par ex-conjoint en présence de mineurs et dégradations volontaires de bien privé et qu'ainsi, il ne peut justifier ni de l'entretien ni de l'éducation de son enfant. Elle indique que l'intéressé n'établit pas ni n'allègue être dépourvu de toutes attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et que ses liens personnels et familiaux en France ne peuvent être regardés comme suffisamment anciens, intenses et stables et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet des Hauts-de-Seine a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. D... est entré en France le 19 juin 2015 muni d'un visa Schengen de court séjour, qu'il a fait l'objet le 3 août 2018 d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour a été rejetée par un arrêté du 19 janvier 2021 du préfet des Hauts-de-Seine, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Il est le père d'un enfant né le 1er août 2020 en France, issu de sa relation avec Mme C..., de nationalité moldave. M. D... et Mme C... sont séparés et cette dernière, qui est titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", réside avec l'enfant et ses deux enfants issus d'une précédente union. Il ressort des procès-verbaux d'audition de M. D..., de Mme C... et de sa fille, âgée de douze ans, ainsi que du compte-rendu d'enquête après identification du 16 mars 2022 établis à la suite de l'interpellation du requérant dans l'immeuble dans lequel se trouve le logement de Mme C... que celui-ci a menacé la mère de son enfant, lui a tiré les cheveux et lui a fortement serré le bras en présence de l'enfant âgé de dix-neuf mois et de la fille mineure de Mme C.... Mme C... et sa fille ont déclaré que les faits de violence de M. D... sont récurrents et s'exercent lors de ses visites régulières à son fils. Les faits graves et récurrents de violences commis par M. D... à l'encontre de son ancienne compagne, notamment en présence de son très jeune enfant et de la fille de cette dernière, âgée seulement de douze ans ainsi qu'il a déjà été dit, sont de nature à affecter profondément la cellule familiale et en particulier la sécurité et la santé de son enfant en bas âge. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal d'audition du 15 mars 2022 que M. D... a déclaré aux services de police qu'il rendait visite à son fils plusieurs fois par semaine et que s'il ne versait pas à Mme C... une contribution financière régulière pour subvenir aux besoins de leur enfant, il participait ponctuellement aux dépenses pour son fils quand cela s'avérait nécessaire. Toutefois, les pièces versées au dossier, notamment l'attestation de Mme C... rédigée de manière peu circonstanciée le 19 avril 2023, sont insuffisantes pour étayer ces affirmations. En outre, M. D... réside avec son père qui est également en situation irrégulière. Il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Arménie où réside sa mère et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Au vu de l'ensemble de ces éléments, notamment des violences récurrentes exercées sur son ancienne compagne en présence de leur très jeune fils, et même s'il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er octobre 2020 en tant que mécanicien, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure d'éloignement, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

17. M. D... soutient que la décision en litige a pour effet de séparer son fils de son père ou de sa mère dès lors notamment que cette dernière, ressortissante moldave, ne serait pas admissible en Arménie. Toutefois, eu égard aux éléments énoncés au point 15, notamment la circonstance que les faits graves et récurrents de violences commis par M. D... à l'encontre de son ancienne compagne lors des visites à son très jeune enfant sont de nature à affecter profondément la cellule familiale ainsi que la sécurité et la santé de l'enfant et que l'intéressé ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme contribuant effectivement à l'entretien de son fils, le préfet n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de M. D..., garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en prenant la décision en litige.

18. En cinquième lieu, si M. D... soutient que le préfet a commis une erreur de droit, il n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen.

19. En sixième lieu, il ressort des éléments énoncés aux points 15 et 17 que le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation du requérant.

20. En dernier lieu, M. D... ne peut utilement soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui ne fixe pas le pays de destination de la mesure d'éloignement, méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les conventions de Genève de 1949.

21. Il résulte des points 9 à 20 que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise par le préfet des Hauts-de-Seine.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

22. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de M. D... dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

24. La décision en litige vise l'article L. 612-2, les 4° et 5° de l'article L. 612-3 et l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que l'autorité administrative peut décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français s'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation, que M. D... ne justifie d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français, qu'il s'est déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet des Hauts-de-Seine le 19 janvier 2021 notifiée le 26 janvier 2021 et que, par ailleurs, il a explicitement déclaré lors de son audition par les services de police qu'il n'envisageait pas un retour dans son pays d'origine et qu'il ne se conformera donc pas à la mesure d'éloignement. Ainsi, le préfet des Hauts-de-Seine a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

25. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; /5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

26. M. D... soutient que le risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français défini au 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas établi dès lors qu'il dispose d'un passeport et d'une résidence stable, comme l'a retenu le juge des libertés et de la détention dans son ordonnance du 18 mars 2022 mettant fin à la mesure de rétention administrative, qu'il exerce une activité professionnelle sous contrat de travail à durée indéterminée et que son fils et son père, malade et handicapé à 80 %, résident en France. Toutefois, il ressort du procès-verbal d'audition du 15 mars 2022 que M. D... a déclaré aux services de police qu'il n'exécutera pas la mesure d'éloignement du fait de la présence en France de son jeune fils et de son père. Dans ces conditions, à supposer même que la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours édictée le 19 janvier 2021 par le préfet des Hauts-de-Seine ne lui aurait pas été notifiée, le préfet des Hauts-de-Seine pouvait, pour le seul motif énoncé au 4° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer qu'il existe un risque que M. D... se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet et, par suite, décider, sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.

27. En quatrième lieu, si M. D... soutient que le préfet a commis une erreur de droit, il n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen.

28. En cinquième lieu, il ressort des éléments énoncés aux points 15 et 17 que le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation du requérant.

29. En sixième lieu, M. D... ne peut utilement soutenir que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors que le préfet des Hauts-de-Seine ne s'est pas fondé sur le motif d'une menace à l'ordre public pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.

30. En septième et dernier lieu, M. D... ne peut utilement soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, qui ne fixe pas le pays de destination de la mesure d'éloignement, méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les conventions de Genève de 1949.

31. Il résulte des points 20 à 30 que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet des Hauts-de-Seine refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

32. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".

33. En premier lieu, la décision fixant le pays à destination duquel le requérant pourra être éloigné d'office vise l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne la nationalité de M. D... et porte l'appréciation selon laquelle elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, le préfet des Hauts-de-Seine a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

34. En deuxième lieu, M. D... n'assortit pas les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les conventions de Genève de 1949 et est entachée d'une erreur de droit des précisions suffisantes permettant d'en apprécier leur bien-fondé.

35. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation du requérant.

36. En quatrième et dernier lieu, M. D... ne peut utilement soutenir que la décision fixant le pays de destination dans lequel il est légalement admissible, méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

37. Il résulte des points 32 à 36 que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet des Hauts-de-Seine fixant le pays à destination duquel le requérant pourra être éloigné d'office.

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

38. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. /Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

39. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a développé des liens affectifs avec son fils âgé de dix-neuf mois. Cette relation affective caractérise l'existence de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, et même si M. D... a exercé des violences sur la mère de l'enfant en présence de ce dernier, la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'illégalité.

40. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens articulés par M. D... à l'appui de sa contestation de cette décision, que celui-ci est fondé à demander l'annulation de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans,

Sur les conclusions à fin d'injonction :

41. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire et de celle fixant le pays de destination n'implique pas de mesure d'exécution. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-Seine ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation du requérant et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler doivent être rejetées.

42. En revanche, aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006 / Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 613-7 de ce code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement ". Aux termes de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription / (...) ".

43. Il résulte des dispositions citées au point précédent que l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français implique nécessairement l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen résultant de cette décision. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de faire procéder à cet effacement à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

44. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2204207 du 23 mars 2022 du président du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : La décision du préfet des Hauts-de-Seine du 15 mars 2022 prononçant à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de faire procéder à l'effacement du signalement de M. D... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus de la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00946 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00946
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : TOUJAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;23pa00946 ?
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