La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/03/2024 | FRANCE | N°23PA02208

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 mars 2024, 23PA02208


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé le renouvellement de son titre de séjour mention "salarié", l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2226723 du 14 avril 2023, le tr

ibunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé le renouvellement de son titre de séjour mention "salarié", l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2226723 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2023 et le 20 octobre 2023,

M. A..., représenté par Me Dujoncquoy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "salarié" ou à défaut la mention "vie privée et familiale", sans délai à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas préalablement saisi la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est bien inséré professionnellement ;

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public au regard de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet ne pouvait se fonder sur de seuls " éléments défavorables " connus qui n'ont fait l'objet d'aucune condamnation et en dépit desquels son titre de séjour avait déjà été renouvelé ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du

26 août 1789, le dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et l'article 9 du code civil.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

Sur la décision portant interdiction de retour d'une durée de trois ans :

- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors notamment qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il justifie de circonstances humanitaires de nature à conduire l'autorité administrative à ne pas prononcer une telle mesure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de légalité externe dirigés contre les décisions portant refus de séjour et interdiction de retour sur le territoire français revêtent le caractère d'une demande nouvelle en appel et sont, par suite, irrecevables ;

- les autres moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- et les observations de Me Dujoncquoy, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 23 octobre 1994, entré en France en 2015 selon ses déclarations, a bénéficié, à compter du 12 avril 2018, d'un titre de séjour en qualité de salarié, valable en dernier lieu du 18 septembre 2020 au 17 septembre 2021. Il en a sollicité le renouvellement sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 décembre 2022, le préfet de police de Paris a rejeté cette demande, a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de renvoi, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 14 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes (...) de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers (...) ".

3. Pour refuser à M. A... le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en qualité de salarié, le préfet de police s'est fondé sur la menace pour l'ordre public que représenterait le comportement de l'intéressé, dès lors que ce dernier serait connu défavorablement des services de police pour des faits délictueux commis entre 2017 et 2021.

4. Toutefois, en se bornant à soutenir que M. A... " est connu défavorablement des services de police ", sans apporter aucun élément de preuve autre que le fait d'avoir effectué des " vérifications sur le TAJ [traitement d'antécédents judiciaires] ", ainsi qu'il l'a déclaré dans un courrier électronique de demande d'informations relative à la situation pénale de M. A... adressé à la direction territoriale de sécurité de proximité du département de Paris (DSTP75), qui lui a répondu, par courrier électronique du 24 octobre 2022, qu'elle ne disposait d'aucun élément d'information, le préfet de police n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les faits en cause, énumérés dans un courrier électronique non daté émanant de ses services, lequel est pour partie rédigé au conditionnel, ont bien été commis, excepté ceux de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique ayant donné lieu à une condamnation à 400 euros d'amende par une ordonnance pénale du président du tribunal de grande instance de Paris du 12 avril 2019, mentionnée dans l'extrait du bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé daté du 17 août 2021. Par ailleurs, la gravité de ces derniers faits n'est pas telle qu'ils seraient de nature à caractériser par eux-mêmes une menace à l'ordre public, alors en outre qu'ils sont antérieurs de plus de trois ans et demi à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, en l'absence de production de tout élément de nature à établir la matérialité des faits relevés dans la décision attaquée autre que ceux de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, le préfet n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le comportement de M. A... représenterait une menace à l'ordre public. Il a, par suite, méconnu les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision de refus de renouvellement de titre de séjour d'une erreur d'appréciation.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, dès lors, d'annuler la décision du préfet de police du 20 décembre 2022 portant refus de renouvellement de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour par lesquelles le préfet de police a obligé M. A... à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, en l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de cette interdiction.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2226723 du 14 avril 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 20 décembre 2022 du préfet de police refusant à M. A... le renouvellement de son titre de séjour sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 février 2004, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A GASPARYANLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02208 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02208
Date de la décision : 01/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : DUJONCQUOY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-01;23pa02208 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award