Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le compte-rendu de son entretien professionnel au titre de l'année 2020 et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le retirer de son dossier administratif.
Par un jugement n° 2114692 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 mai et 20 novembre 2023, Mme D..., représentée par Me Gernez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler le compte-rendu de son entretien professionnel au titre de l'année 2020 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de retirer ce compte-rendu de son dossier individuel dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation et d'omissions à statuer en ce qu'il n'a pas répondu à tous ses arguments ;
- son évaluation est entachée d'un vice de procédure en ce que l'entretien a été conduit par une personne incompétente ;
- son évaluation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gernez, représentant Mme D..., et de Mme B..., représentant le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., attachée principale d'administration de l'Etat affectée au bureau du contentieux statutaire et de la protection des fonctionnaires au sein du ministère de l'intérieur, a été reçue en entretien professionnel le 29 mars 2021 en vue de son évaluation au titre de l'année 2020. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. D'une part, Mme D... ne précise pas en quoi le point 4 du jugement attaqué serait insuffisamment motivé. Par ce point 4, le tribunal a, en tout état de cause, écarté comme inopérant un moyen auquel il n'était pas tenu de répondre. D'autre part, pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les appréciations de son compte-rendu d'entretien professionnel, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de Mme D..., a retenu qu'elle n'avait produit que soixante-trois mémoires dans l'année évaluée et a écarté son argumentation tendant à expliquer sa production par le peu de dossiers qui lui étaient attribués. Il a, ce faisant, suffisamment motivé son jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. / Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'entretien professionnel est conduit par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire à la date de l'entretien. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien professionnel au titre de l'année 2020 de Mme D... a été mené, le 22 mars 2021, par Mme A..., cheffe du bureau du contentieux statutaire et de la protection juridique des fonctionnaires au sein duquel était affectée Mme D..., et supérieure hiérarchique directe de l'intéressée, qui était l'autorité compétente pour conduire son entretien d'évaluation, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, sur la période évaluée, elle n'était pas encore sa supérieure hiérarchique directe.
6. En second lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 28 juillet 2010 : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève (...) ".
7. D'une part, Mme D... ne conteste pas n'avoir produit que soixante-trois mémoires au cours de l'année 2020 et que ce nombre était insuffisant au regard de l'objectif qui lui avait été assigné. Si elle soutient que la faiblesse de sa production est liée au peu de dossiers qui lui ont été attribués, elle ne justifie d'aucun signalement à sa hiérarchie de l'insuffisance de son stock, le seul échange de courriers électroniques du 13 août 2020 qu'elle produit ne pouvant être regardé comme un tel signalement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait par ailleurs valoir que le nombre de dossiers qui lui ont été attribués était lié au délai moyen de traitement de ses requêtes, de 492,6 jours au 31 décembre 2020 contre 107,9 jours pour une rédactrice du même bureau, sans que Mme D... ne conteste ces chiffres ni n'apporte d'éléments, telle l'ancienneté de ses dossiers, de nature à les expliquer. Il ressort également des pièces du dossier que bien que n'ayant, selon elle, pas assez de dossiers à traiter,
Mme D... n'a pas respecté les délais de production dans une instance ou a demandé à plusieurs reprises inutilement des pièces dans un autre dossier qu'elle aurait pu traiter sans attendre. Enfin, la circonstance que Mme D... aurait subi un déclassement de ses fonctions depuis le mois de février 2019 de par l'absence de toute difficulté des dossiers qui lui étaient attribués ne peut en tant que telle être à l'origine du faible nombre de mémoires en défense produit. D'autre part, il ressort du compte-rendu d'entretien professionnel de
Mme D... au titre de l'année 2020 que sa manière de servir, évaluée " très satisfaisante " sur les cinq items l'année précédente, n'a été évaluée que " satisfaisante " s'agissant de la qualité du travail, de l'engagement professionnel et du sens des responsabilités. Mme D... n'apporte cependant aucun élément de nature à contredire cette analyse, la seule circonstance que ses précédentes évaluations étaient élogieuses n'étant pas de nature à établir que ces appréciations, au demeurant positives, seraient entachées d'erreur manifeste.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 9 février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bruston, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01983