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01/03/2024 | FRANCE | N°23PA00163

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 mars 2024, 23PA00163


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2204897 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :




Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023, Mme A... D..., représentée par la SELARL Chaloupecky Hase...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204897 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023, Mme A... D..., représentée par la SELARL Chaloupecky Hasenohrlova Silvain, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour " étranger malade " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son avocate renonce au bénéfice de la contribution de l'Etat.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, en ce que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un vice de procédure du fait de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- sa motivation stéréotypée révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n° 23PA01122 du 28 avril 2023.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Saint-Macary a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante marocaine née le 26 janvier 1966, est entrée irrégulièrement en France en 2015 selon ses déclarations. Elle a sollicité, le 23 septembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 11 avril 2022, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

2. Par un arrêté du 1er mars 2021 publié au recueil des actes administratifs et signé, la préfète du Val-de-Marne a donné délégation à M. B... C..., sous-préfet de

Nogent-sur-Marne, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige, qui manque en fait, doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". L'article R. 425-13 de ce même code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. En premier lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 24 février 2022 que le médecin rapporteur, dont les nom et prénom figurent sur l'avis, n'a pas siégé au sein du collège de médecins. Dès lors, le moyen tiré de ce que le médecin rapporteur aurait siégé au sein du collège manque en fait et doit, par suite, être écarté.

5. D'autre part, les médecins signataires de l'avis prévu par les dispositions précitées ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Dans ces conditions, Mme D... ne peut utilement soutenir que le préfet n'apporterait pas la preuve de la collégialité de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII le 24 février 2022.

6. En second lieu, pour refuser de délivrer à Mme D... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète du Val-de-Marne s'est fondée sur la circonstance que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, comme l'a d'ailleurs retenu le collège de médecins de l'OFII. Ni les allégations de la requérante, qui se borne à soutenir, sans en apporter au demeurant la moindre preuve, que la prise en charge médicale dont elle bénéficie au titre de la dépression et de la dystonie cervicale dont elle dit souffrir ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine, ni les pièces médicales qu'elle produit ne sont de nature à remettre en cause le bien-fondé du motif retenu par la préfète du Val-de-Marne. Par suite, cette dernière n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient Mme D..., il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la préfète du Val-de-Marne a procédé à un examen particulier de sa situation avant de l'obliger à quitter le territoire français.

9. En troisième lieu, les moyens dirigés contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas fondés, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

10. En quatrième lieu, pour les motifs exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. D'une part, la décision contestée n'a pas pour effet de fixer le pays à destination duquel Mme D... doit se rendre. D'autre part, Mme D... n'établit pas que l'arrêt de son suivi en France aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité s'apparentant à des traitements inhumains et dégradants. Le collège de médecins de l'OFII a d'ailleurs retenu qu'elle pouvait voyager sans risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne le pays de destination :

13. Le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs exposés au point 6.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bruston, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00163
Date de la décision : 01/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : HASENOHRLOVA-SILVAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-01;23pa00163 ?
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