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01/03/2024 | FRANCE | N°22PA00532

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 01 mars 2024, 22PA00532


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Faun Environnement a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution, à hauteur de la somme de 478 618 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014.



Par un jugement n° 2003519 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Faun Environnement a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution, à hauteur de la somme de 478 618 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2003519 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 février 2022 et 14 juin 2022, la société Faun Environnement, représentée par le CMS Francis Lefebvre Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003519 du 2 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la restitution sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une inexacte interprétation des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts, lesquelles, conformément au principe de liberté de choix de l'ordre d'imputation des déficits consacré par la jurisprudence, ne font pas obstacle à la possibilité d'isoler les déficits reportables en fonction de l'exercice au cours duquel ils sont nés ;

- dès lors qu'elle a fait le choix de gestion d'imputer en priorité les déficits reportables les plus anciens, le déficit né au cours de l'exercice clos en 2007 et résultant notamment de la déduction injustifiée d'une provision de 753 000 euros pour dépréciation de titres de participation relative à la société Faun SAS, doit être regardé comme ayant été intégralement consommé à la clôture de l'exercice clos en 2012 ; pour le même motif, le déficit né au cours de l'exercice clos en 2008, et résultant notamment de la comptabilisation d'un mali de confusion de 583 000 euros consécutif à l'annulation des titres de la société Faun SAS, doit être regardé comme ayant été consommé à hauteur de 528 562 euros à la clôture de l'exercice clos en 2012 ; par conséquent, dans cette mesure, les rectifications apportées par le service aux résultats des exercices clos en 2007 et 2008 n'ont pas eu d'influence sur le résultat de l'exercice non prescrit clos en 2013 ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative exprimée au point 190 de l'instruction BOI-CF-PGR-10-20, publiée le 3 février 2016, confirmée au point n° 290 de l'instruction BOI-IS-DEF-10-20, publiée le 3 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marjanovic ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Austry, pour la société Faun Environnement.

Considérant ce qui suit :

1. La société Faun Environnement, qui exerce une activité de conception et de commercialisation de véhicules de collecte des déchets ménagers et industriels et a absorbé par voie de confusion de patrimoine sa filiale Faun SAS le 1er janvier 2008, a présenté, entre 2006 et 2009, des résultats constamment déficitaires, pour un montant cumulé de 4 915 693 euros à la clôture de l'exercice clos le 31 décembre 2009, ramené à 1 416 380 euros à la clôture de l'exercice clos le 31 décembre 2012 après imputations successives sur les résultats bénéficiaires des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, l'administration fiscale a réduit d'un montant de 1 291 309 euros le stock des déficits restant à reporter à l'ouverture de l'exercice clos en 2013, après avoir remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2007, d'une provision de 753 000 euros pour dépréciation des titres de sa filiale Faun SAS, et du mali de fusion consécutif à l'absorption de cette filiale, porté en déduction des résultats de l'exercice clos en 2008 à hauteur d'un montant de 538 309 euros. Dans la mesure où elles procèdent de ces rectifications, la société Faun Environnement a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Par la présente requête, elle relève régulièrement appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.

Sur le terrain de la loi fiscale :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes, d'autre part, du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période antérieure au 20 septembre 2011 : " Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants. ". A compter du 21 septembre 2011, la déduction prévue par ces dispositions s'exerce " dans la limite d'un montant de 1 000 000 euros majoré de 50 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant ".

3. La combinaison de ces dispositions, dès lors qu'elle permet à une entreprise d'imputer sur les bénéfices imposables d'un exercice non couvert par la prescription les déficits d'exercices précédents même couverts par la prescription, autorise également l'administration à vérifier l'existence ou le montant de ces déficits et, par suite, à remettre en cause, le cas échéant, les résultats prétendument déficitaires d'exercices prescrits, les rectifications apportées, le cas échéant, à ces résultats ayant toutefois pour seul effet de réduire ou de supprimer les reports déficitaires opérés sur le résultat fiscal des exercices non prescrits même lorsqu'ils constatent un déficit fiscal, en augmentant le déficit de ces exercices et en influant ainsi sur les résultats servant de base à l'imposition de chaque exercice même si celle-ci est nulle compte tenu de la situation fiscalement déficitaire.

4. Au demeurant, si la société Faun Environnement fait valoir que, conformément à l'intention qu'elle aurait eue de prendre la décision de gestion, qu'elle s'estime légitime à prendre, d'imputer en priorité ses déficits reportables les plus anciens, le déficit né au cours de l'exercice clos en 2007 devrait être regardé comme ayant été intégralement consommé à la clôture de l'exercice prescrit clos en 2012, et que, pour le même motif, le déficit né au cours de l'exercice clos en 2008, devrait être regardé comme ayant été consommé à hauteur de 528 562 euros à la clôture du même exercice prescrit clos en 2012, elle n'appuie ses allégations d'aucun début de preuve de nature à justifier des modalités selon lesquelles elle aurait été susceptible de procéder effectivement à l'imputation, sur les résultats bénéficiaires des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, des déficits respectivement constatés au titre des exercices clos en 2006, 2007, 2008 et 2009.

5. Dans ces conditions, le reliquat de déficits reportables de la requérante, d'un montant de 1 416 380 euros, constaté à l'ouverture de l'exercice non prescrit clos en 2013 résultait indistinctement de l'ensemble des résultats déficitaires des exercices prescrits concernés dont l'administration fiscale était, par suite, en droit de vérifier le montant. En conséquence, dès lors qu'elle ne conteste pas le bien-fondé des motifs de la remise en cause par le service vérificateur, d'une part, de la déduction, au titre de l'exercice clos en 2007, d'une provision de 753 000 euros pour dépréciation de titres de participation relative à la société Faun SAS, et, d'autre part, de la déduction, au titre de l'exercice clos en 2008, d'un mali de confusion de 583 000 euros consécutif à l'annulation des titres de la même société, la société Faun Environnement n'est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que c'est à tort que l'administration fiscale a réduit d'un montant total de 1 291 309 euros la charge qu'elle avait déduite de son résultat imposable de l'exercice clos en 2013, sur le fondement de I de l'article 209 du code général des impôts, au titre de son déficit reportable à l'ouverture de cet exercice.

Sur le terrain de la doctrine administrative :

6. Les énonciations du point 190 de l'instruction BOI-CF-PGR-10-20, publiée le 3 février 2016, selon lesquelles " lorsqu'en application du I de l'article 156 du CGI, un contribuable entend imputer sur ses revenus d'une année déterminée un solde déficitaire déclaré par lui au titre d'une année antérieure pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration est en droit de contrôler l'existence et le montant du déficit reportable alors même que les années au cours desquelles se serait produit ledit déficit seraient couvertes par la prescription ", et celles du point 290 de l'instruction BOI-IS-DEF-10- 20, publiée le 3 juin 2013, selon lesquelles " l'administration est fondée à vérifier les exercices qui suivent l'exercice déficitaire, même s'ils sont bénéficiaires et couverts eux-mêmes par la prescription, dans la mesure où le déficit résiduel considéré par l'entreprise comme un élément de la détermination du bénéfice imposable de l'exercice vérifié et non prescrit, est le résultat de la différence entre le déficit initial et d'éventuels résultats bénéficiaires réalisés dans l'intervalle et qui ne l'ont pas totalement absorbé. Mais, bien entendu, aucune imposition ne saurait être établie au titre des exercices prescrits ", ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt. Par suite, la société Faun Environnement ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Faun Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Faun Environnement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Faun Environnement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI).

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 1er mars 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVICLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22PA00532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00532
Date de la décision : 01/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-01;22pa00532 ?
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