Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le président de l'université Paris Descartes a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et d'enjoindre à cette autorité de lui accorder ladite protection fonctionnelle ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1900401 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 3 août 2021, 3 octobre 2021 et 19 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900401 du 2 juin 2021 du tribunal administratif de Paris;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le président de l'université Paris Descartes a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre au président de l'université Paris Cité de lui accorder la protection fonctionnelle ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'université de Paris Cité une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.
Mme B... soutient que :
- le jugement ne comporte pas les signatures prévues par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit et d'appréciation ;
- elle a été victime de plusieurs agissements de harcèlement moral qui ont porté atteinte à sa santé et auraient dû conduire le président de l'université à lui accorder la protection fonctionnelle ;
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2022, l'université Paris Descartes, représentée par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'université Paris Descartes fait valoir que :
- elle doit être mise hors de cause, dès lors que les faits de harcèlement dont fait état la requérante se rattachent à une période où elle était affectée dans les locaux de l'hôpital Cochin Saint-Vincent-de-Paul et non dans ceux de l'université Paris Descartes ; le refus de prolongation d'activité qui lui a été opposé émane non de l'université mais de l'Etat ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;
- les observations de Me Arvis pour Mme B... et celles de Me Stefanova, substituant Me Moreau pour l'université Paris Cité.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., maître de conférences des universités - praticien hospitalier, qui exerçait ses fonctions en dernier lieu au sein de l'Université Paris Descartes, a adressé le 8 septembre 2018 au président cette université un courrier tendant, entre autres choses, à " faire cesser les pratiques répétées et avérées de ''maltraitance administrative'' au sens des articles 6 quinquies, 23 et 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (menaces calomnies et diffamations, atteintes à mon honneur " et à " accomplir les diligences nécessaires pour assurer les réparations adéquates et à hauteur des violences que je subis et continue à subir depuis le vendredi 21 juillet 2006 ". Elle doit être regardée comme ayant sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Du silence gardé sur ce courrier à l'expiration d'un délai de deux mois est née une décision implicite de rejet dont Mme B... a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Paris. Mme B... relève régulièrement appel du jugement n° 1900401 du 2 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. La minute du jugement du 2 juin 2021 du tribunal administratif de Paris comporte la signature du rapporteur, du président de la formation de jugement et du greffier d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté comme manquant en fait.
4. En second lieu, hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs de droit ou d'appréciation.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...) / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ". Aux termes de l'article 6 quinquies de la même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
6. D'une part, les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
7. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Au soutien de sa demande d'annulation du refus d'octroi de la protection fonctionnelle qui lui a été opposé, Mme B... affirme qu'elle a été victime tout au cours de sa carrière de plusieurs décisions administratives, courriers et agissements constitutifs de harcèlement moral qui ont porté atteinte à ses droits et eu pour effet de dégrader son état de santé.
9. La requérante affirme d'abord avoir été illégalement contrainte le 21 juillet 2006 de déménager des locaux qu'elle occupait au sein du 1er étage du bâtiment Ameuille du centre hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, déménagement à l'occasion duquel ses biens et certains matériels utilisés dans le cadre de ses recherches ont été placés sous séquestre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement du tribunal administratif de Paris du 22 avril 2010 n° 0706836, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel du 22 octobre 2012, n° 10PA03301, que ce déménagement a été entrepris en vue qu'il soit procédé à une opération de désamiantage et de destruction des locaux que Mme B... occupait de manière provisoire et, au demeurant, de manière illicite. Il résulte encore des énonciations de l'arrêt précité de la cour administrative d'appel de Paris que l'hôpital Cochin avait entrepris en vain, depuis 2001, plusieurs démarches pour trouver des solutions de réinstallation, que Mme B... avait été prévenue dès décembre 2005 de l'obligation qui lui été faite de quitter les locaux et que ce départ avait initialement recueilli son accord de principe. La requérante ne saurait donc sérieusement arguer de harcèlement l'obligation de déménager à laquelle elle a été contrainte pour des raisons de sécurité et de mise en conformité des locaux. Si Mme B... soutient également que la mise sous séquestre de son matériel décidée à titre conservatoire le 31 juillet 2006 l'aurait empêchée par la suite de poursuivre ses activités de recherche, elle ne l'établit pas, alors qu'il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que cette mise sous séquestre avait été rendue nécessaire pour des raisons de sécurité ainsi que cela ressort notamment du compte rendu de la visite du Comité local d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en date du 27 juillet 2006. Mme B... invoque encore le harcèlement qui selon elle aurait résulté d'un courrier du 9 avril 2009 de la secrétaire générale de l'université Paris V Descartes lui demandant de libérer le bureau qui lui avait été attribué au rez-de-chaussée du site Cochin, ainsi que de la mise en demeure de venir récupérer, sous peine de destruction, ses équipements dans un délai d'un mois qui lui avait été adressée le 11 août 2010 par le groupe hospitalier Cochin. Toutefois, si cette mise en demeure a été annulée pour incompétence de son auteur par un jugement du tribunal administratif de Paris du 10 mai 2012 n° 1017043, de tels courriers n'ont été adressés à la requérante qu'en raison des restructurations alors en cours au sein du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul et ne sauraient sérieusement être regardés comme constitutifs de harcèlement moral.
10. Mme B... affirme ensuite avoir fait l'objet de plusieurs décisions administratives illégales et vexatoires. A ce titre, elle argue des décisions en date du 22 juillet 2008, par lesquels le ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative et le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche l'ont admise à la retraite pour atteinte de la limite d'âge et radiée des cadres à compter du 13 mars 2009, ainsi que de la décision du 23 mars 2009 par laquelle lui a été concédée sa pension de retraite. Toutefois, si la décision du 22 juillet 2008 a été annulée pour incompétence de son auteur par un jugement du tribunal administratif de Paris n° 0817937-0900282 du 17 février 2011, et si la décision de concession de sa pension du 23 mars 2009 a été annulée par voie de conséquence de cette annulation par un jugement n° 1013715 du 13 décembre 2012 du même tribunal, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été définitivement radiée des cadres et admise à la retraite à compter du 13 mars 2009 par un arrêté du 19 décembre 2011 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Le recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre de cette décision par Mme B... a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Paris n° 1204168 du 4 avril 2013 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n° 13PA02161 du 18 septembre 2014. Par ailleurs, dès lors que son admission à la retraite a été légalement décidée par l'arrêté du 19 décembre 2011, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se plaindre du défaut d'exécution du jugement précité du 17 février 2011. Dans ces conditions, il est manifeste qu'aucune des décisions précitées n'est susceptible de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.
11. Mme B... soutient encore avoir fait l'objet de la part du doyen de la faculté de médecine d'un courrier vexatoire en date du 11 septembre 2006. Il ressort toutefois de ce courrier, qui n'était pas destiné à l'intéressée mais au directeur du centre hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, que le doyen de la faculté a seulement fait état, en des termes mesurés, du " difficile problème " que constituait le cas de Mme B... et d'une appréciation défavorable de son activité universitaire en raison notamment de son absence d'activités de recherche et d'une activité d'enseignement jugée " faible ". Quel que soit le bien-fondé de cette appréciation, ce courrier n'est en rien susceptible de faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral.
12. Au regard de ce qui précède, et en dépit de la production par Mme B... d'un certificat médical de juin 2015 émanant de son médecin psychiatre attestant d'un " état dépressif majeur d'intensité sévère ", aucun des agissements dénoncés émanant des diverses administrations dont dépendait la carrière de Mme B... n'est susceptible de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral auquel l'octroi de la protection fonctionnelle, au demeurant plus de dix ans après les faits, aurait permis de mettre fin. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision implicite lui refusant l'octroi de la protection fonctionnelle serait entachée d'illégalité.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande de " mise hors de cause " de l'université Paris Cité, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais d'instance :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'université Paris Cité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
16. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B..., partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions précitées.
Sur l'amende pour recours abusif :
17. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".
18. La requête présentée par Mme B..., sous couvert d'une demande d'obtention de la protection fonctionnelle pour des faits dont il est manifeste qu'ils ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et datant pour certains d'entre eux d'une quinzaine d'années, alors en outre que l'intéressée a été radiée des cadres pour atteinte de la limite d'âge en 2011, a pour seul effet de contraindre le juge à se pencher de nouveau sur des décisions et agissements administratifs ayant déjà fait l'objet, depuis l'année 2007, d'une quinzaine de décisions de justice définitives du tribunal administratif et de la cour administrative d'appel de Paris. Dans ces conditions, et compte tenu du caractère manifestement infondé des moyens articulés à son soutien, la requête présente un caractère abusif et il y a donc lieu, en application des dispositions citées au point précédent, de condamner Mme B... à une amende pour recours abusif d'un montant de 600 euros.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme A... B... versera une somme de 1 500 euros à l'université Paris Cité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Mme A... B... est condamnée à une amende pour recours abusif de 600 euros.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à l'université Paris Cité et au directeur départemental des finances publiques de Paris.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Vinot, présidente de chambre,
M. Marjanovic, président assesseur,
M. Dubois, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOIS
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04465 2