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29/02/2024 | FRANCE | N°23PA01806

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 23PA01806


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2022 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois.



Par un jugement n° 2225073 du 7 février 2023, le magistrat désigné par le

président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2022 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois.

Par un jugement n° 2225073 du 7 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 12 juillet 2023, M. A..., représenté par Me El Amoudi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2225073 du 7 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les arrêtés attaqués sont insuffisamment motivés et entachés d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire sont entachées d'erreur de fait et d'erreur de droit ;

- les arrêtés litigieux ont été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 7 janvier 1981, est entré en France en 2015. Par arrêtés du 1er décembre 2022, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. M. A... relève appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit aux points 3 et 4 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré (...), s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour (...) ".

4. Pour obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet de police, après avoir visé le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a relevé que l'intéressé, " qui ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français : / est dépourvu de document de voyage (passeport) et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ".

5. Toutefois, si M. A... établit qu'il est entré en France sous couvert d'un visa valable du 10 juillet 2015 au 10 janvier 2016, il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de son visa sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et qu'il entrait ainsi dans les prévisions du 2°) de l'article L. 611-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette substitution de base légale, sollicitée par le préfet de police, n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

6. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a commis une erreur de fait et une erreur de droit de nature à emporter l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que les moyens ne peuvent qu'être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

8. M. A... soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors que son signalement par les services de police le 1er décembre 2022 n'a pas donné lieu à des poursuites pénales et que les faits de violence volontaire qui lui sont reprochés ont un caractère isolé. Toutefois, à supposer même que le comportement de M. A... ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement le 15 février 2016 et le 12 novembre 2018. Dès lors, le préfet de police pouvait légalement lui refuser un délai de départ volontaire pour ce seul motif. Par suite, il n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A... soutient qu'il réside sur le territoire français depuis septembre 2015, qu'il y a fixé le centre de sa vie privée et familiale dès lors que sa sœur, de nationalité française y réside, son père étant décédé au Sénégal. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, célibataire et sans charge de famille, n'établit pas la nécessité de demeurer auprès de sa sœur de nationalité française, ni être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où réside sa mère, dont le requérant ne justifie pas qu'elle aurait quitté le Sénégal pour s'installer en France. Par suite, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

12. D'une part, le préfet de police a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de M. A... dès lors qu'aucun délai de départ ne lui a été accordé pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire national prononcée à son encontre. D'autre part, comme exposé aux points 8 et 10, le requérant ne justifie pas de liens suffisamment anciens et intenses avec la France et a fait l'objet en 2016 et 2018 de mesures d'éloignement. Dès lors, le préfet de police a pu, sans méconnaître les dispositions précitées ni commettre d'erreur d'appréciation, décider de prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour d'une durée de trente-six mois.

13. Il résulte de tout ce qui précède que A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01806 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01806
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : EL AMOUDI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23pa01806 ?
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