La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/02/2024 | FRANCE | N°23PA01497

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 23PA01497


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière CGRD et la société par actions simplifiée OREK ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 17 novembre 2021 par laquelle le président de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a exercé son droit de préemption sur des parcelles cadastrées BI n° 122 et n° 123 au 69-71 rue Michelet à Montreuil (Seine-Saint-Denis).



Par un jugement n° 2117701 du 16 février 2023, le tribunal administ

ratif de Montreuil a annulé la décision.



Procédure devant la Cour :



Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière CGRD et la société par actions simplifiée OREK ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 17 novembre 2021 par laquelle le président de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a exercé son droit de préemption sur des parcelles cadastrées BI n° 122 et n° 123 au 69-71 rue Michelet à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Par un jugement n° 2117701 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 avril 2023, l'Etablissement public foncier d'Île-de-France, représenté par Me Levy, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2117701 du 16 février 2023 ;

2°) de rejeter la requête de la société civile immobilière CGRD et de la société par actions simplifiée OREK ;

3°) de mettre à la charge de la société civile immobilière CGRD et de la société par actions simplifiée OREK le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas démontré que la minute respecte les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur de fait en considérant que la décision n'était pas suffisamment motivée ;

- l'autre moyen soulevé en première instance, tiré de l'absence de réalité du projet, n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2023, la société civile immobilière CGRD et la société par actions simplifiée OREK, représentées par Me Benjamin, concluent à la confirmation du jugement, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Pupponi substituant Me Levy, représentant l'Etablissement public foncier d'Île-de-France,

- et les observations de Me Diallo-Lecamus substituant Me Benjamin, représentant la société civile immobilière CGRD et la société par actions simplifiée OREK.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 17 novembre 2021, l'Etablissement public foncier d'Île-de-France a exercé son droit de préemption sur des parcelles cadastrées BI n° 122 et n° 123 au 69-71 rue Michelet à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Par un jugement du 16 février 2023 dont l'Etablissement public foncier d'Île-de-France relève appel, le tribunal administratif de Montreuil, saisi à ces fins par la société civile immobilière CGRD et la société par actions simplifiée OREK, respectivement propriétaire et acquéreur évincé, a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La minute du jugement attaqué comporte les signatures manuscrites requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui dispose que " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Pour annuler la décision contestée, les premiers juges ont relevé qu'elle n'était pas suffisamment motivée.

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau et à permettre l'adaptation des territoires au recul du trait de côte, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points précédents que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

6. Après avoir visé de nombreux textes, dont la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au grand Paris dont l'article 1er a pour objectif la réalisation de 70 000 logements par an et le schéma régional de l'habitat et de l'hébergement du 20 décembre 2017, la décision mentionne sans autre précision la convention foncière tripartite signée le 14 février 2019 avec l'établissement public territorial Est Ensemble et la commune de Montreuil, les orientations du schéma directeur de la région Île-de-France " en faveur de la densification du tissu urbain ", les objectifs du programme d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune " notamment en matière environnementale et d'encadrement du développement urbain ", rappelle que le programme d'intervention foncière de l'Etablissement lui fixe pour objectif de contribuer au développement, au maintien et à la relocalisation des entreprises, rappelle le classement de la parcelle par le plan de zonage et le règlement du plan local d'urbanisme en zone UM soit " un secteur mixte visant le maintien d'une mixité de fonctions ", et se borne in fine à relever que " la préemption du bien objet de la DIA est stratégique pour la conservation de l'activité sur le territoire " et que son acquisition " permettra de réaliser une opération mixte conservant une activité sur le site ". Ces nombreux visas de droit, qui sont soit étrangers à l'objet de la préemption soit dépourvus de précisions utiles, et ces considérations de fait imprécises, ne permettaient pas à sa seule lecture, de connaitre les motifs de la décision. Il en résulte que cette dernière est ainsi insuffisamment motivée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etablissement public foncier d'Île-de-France n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 17 novembre 2021 portant exercice du droit de préemption sur des parcelles cadastrées BI n° 122 et n° 123 au 69-71 rue Michelet à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Sur les frais liés au litige :

8. La société civile immobilière CGRD et la société par actions simplifiée OREK n'étant pas parties perdantes dans la présente instance, les conclusions de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France tendant à ce qu'une somme soit mise à leur charge au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France le versement à la société civile immobilière CGRD et à la société par actions simplifiée OREK d'une somme totale de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Etablissement public foncier d'Île-de-France est rejetée.

Article 2 : L'Etablissement public foncier d'Île-de-France versera à la société civile immobilière CGRD et à la société par actions simplifiée OREK une somme totale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié l'Etablissement public foncier d'Île-de-France, à la société civile immobilière CGRD et à la société par actions simplifiée OREK.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01497
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELAS DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23pa01497 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award