Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui leur ont été assignées au titre de l'année 2014, à raison de l'indemnité transactionnelle que Mme A... a perçue dans le cadre de son licenciement.
Par un jugement n° 2013648/1-1 du 2 novembre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 décembre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Hervé Oliel, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 novembre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que l'indemnité transactionnelle de licenciement est exonérée de l'impôt sur le revenu en application des dispositions du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dès lors que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui exerçait les fonctions de secrétaire au sein de la Fondation Josée et René de Chambrun, a été licenciée le 25 juillet 2014 au motif du " refus abusif de la modification de ses horaires de travail ". Elle a perçu la même année une indemnité légale de licenciement de 26 725 euros et une indemnité transactionnelle de licenciement de 90 666,80 euros. Les requérants, qui ont déclaré la somme de 21 813 euros au titre des traitements et salaires perçus par Mme A... en 2014, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de l'administration fiscale, qui leur a notifié des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus en réintégrant notamment dans leur base imposable un montant de 39 678 euros correspondant à la partie de l'indemnité de licenciement considérée par elle comme imposable. Par un jugement du 2 novembre 2022, dont M. et Mme A... relèvent appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions portant sur la réintégration, dans leurs revenus imposables, de l'année 2014 de l'indemnité de licenciement à concurrence d'un montant de 36 819 euros.
2. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa version alors en vigueur : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2,
L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; ". Aux termes de l'article 1235-3 du code du travail dans sa version alors en vigueur : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux (...) ".
3. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exonérées d'imposition. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.
4. Il résulte de l'instruction que Mme A... était salariée de la Fondation Josée et René de Chambrun depuis le 1er janvier 1993, en qualité de secrétaire bilingue, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée sur un emploi à temps plein. Elle a ensuite demandé et obtenu d'exercer son activité à temps partiel à compter du 1er octobre 2006. Son employeur lui a fait connaître, le 11 juin 2014, son intention d'apporter des modifications à ses horaires et à son temps de travail pour mieux répondre aux besoins de la fondation. A la suite du refus de ces modifications opposé par Mme A..., son employeur a prononcé son licenciement et lui a versé, outre l'indemnité légale de licenciement, une indemnité globale forfaitaire de licenciement d'un montant de 90 666,80 euros dans le cadre d'un protocole transactionnel conclu entre les parties le 25 août 2014. Si son employeur a regardé le licenciement comme fondé sur une cause réelle et sérieuse résultant du refus de Mme A... d'accepter " une modification de ses horaires de travail ", il n'est pas contesté que Mme A... a bénéficié à compter du 1er octobre 2006, pendant huit années continues, d'un temps partiel, ce qui ressort au demeurant des bulletins de salaires qui lui ont été délivrés, produits au dossier, sans qu'il ne résulte d'aucune pièce que l'employeur ait entendu en subordonner le bénéfice à des conditions spécifiques. Par ailleurs le protocole transactionnel signé entre Mme A... et son employeur le 25 août 2014 indique expressément que la proposition de modification faite à Mme A... portait sur les horaires de travail et " l'augmentation du temps de travail ". Le contrat de travail doit ainsi être regardé comme ayant été modifié et, dès lors, l'augmentation des heures de travail proposée par l'employeur en 2014 constituait une modification substantielle du contrat de travail. Il en résulte que le licenciement, fondé sur le refus de Mme A... de voir ses heures de travail augmentées, doit être regardé comme ayant été prononcé sans cause réelle et sérieuse. Par suite, Mme et M. A... sont fondés à soutenir que l'indemnité transactionnelle versées par l'employeur de Mme A... est exonérée d'impôt sur le revenu en application des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts à hauteur du montant demandé, soit 36 819 euros.
5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à obtenir l'annulation du jugement attaqué et la réduction de la base de leurs revenus imposables à l'impôt sur le revenu et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2014 d'un montant de 36 819 euros, ainsi que la décharge des impositions correspondantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du 2 novembre 2022 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La base imposable à l'impôt sur le revenu et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus assignée à M. et Mme A... au titre de l'année 2014 est réduite de 36 819 euros.
Article 3 : M. et Mme A... sont déchargés, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mis à leur charge au titre de l'année 2014 en conséquence de la réduction prononcée à l'article précédent.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre
- Mme Topin, présidente assesseure,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2024.
La rapporteure,
E. TOPINLe président,
I. BROTONS
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05489 2