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13/02/2024 | FRANCE | N°21PA03635

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 13 février 2024, 21PA03635


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... Damerval, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération du conseil régional d'Ile-de-France CR 2019-048 du 19 septembre 2019 intitulée " une politique immobilière dynamique qui permet de rendre de l'argent aux franciliens, valorisation de l'option d'achat sur l'immeuble Influence 2.0 ", ainsi que la délibération du conseil régional d'Ile-de-France CR 2019-087 du 16 décembre 2019 intitulée " valorisation de l'option d'achat sur le bâtimen

t Influence 2 (ajustement de délais) ".



Par un jugement n° 1912456, 2002030 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Damerval, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération du conseil régional d'Ile-de-France CR 2019-048 du 19 septembre 2019 intitulée " une politique immobilière dynamique qui permet de rendre de l'argent aux franciliens, valorisation de l'option d'achat sur l'immeuble Influence 2.0 ", ainsi que la délibération du conseil régional d'Ile-de-France CR 2019-087 du 16 décembre 2019 intitulée " valorisation de l'option d'achat sur le bâtiment Influence 2 (ajustement de délais) ".

Par un jugement n° 1912456, 2002030 du 30 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2021, et un mémoire, enregistré le 3 mai 2022, M. Damerval, représenté par Me Bertella-Geffroy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 30 avril 2021 ;

2°) d'annuler les délibérations du conseil régional d'Ile-de-France CR 2019-048 du 19 septembre 2019 et CR 2019-087 du 16 décembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu irrégulièrement, le tribunal administratif s'étant fondé sur les notes en délibéré présentées le 7 avril 2021 par la région Ile-de-France, qui n'avaient pas été communiquées ;

- les délibérations attaquées ont été adoptées irrégulièrement au regard de l'article L. 4221-4 du code général des collectivités territoriales, en ce qu'elles n'ont pas donné lieu à un avis du service du Domaine ;

- ces délibérations sont entachées de plusieurs erreurs de fait concernant la durée de l'amortissement pris en compte pour comparer la location et l'acquisition, l'estimation de la dotation du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, la valorisation future de l'immeuble, l'estimation des franchises, et le statut de l'immeuble Influence 2 ;

- compte tenu de ces erreurs, le droit à l'information des élus a été méconnu ;

- la conclusion des baux en l'état futur d'achèvement, autorisée par la délibération CR 219-16 du 18 novembre 2016, révèle un contournement de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage public et de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; le bail conclu s'agissant de l'immeuble Influence 2 était un marché public de travaux ; il était soumis à une obligation de transparence selon la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 décembre 2000, dans l'affaire C-324/98, Telaustria et Telefonadress.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 6 avril et le 30 août 2022, la région Ile-de-France, représentée par Me Mauvenu, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de M. Damerval sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de production du jugement attaqué ;

- l'exception tirée de l'illégalité de la délibération CR 219-16 du 18 novembre 2016, qui est devenue définitive, est irrecevable et sans incidence sur la légalité des délibérations attaquées ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 ;

- la loi n 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de M. Damerval,

- et les observations de Me Burckel, pour la région Ile-de-France.

Une note en délibéré, présentée par M. Damerval, a été enregistrée le 31 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération CR 219-16 du 18 novembre 2016, intitulée " Déménagement du siège de la région Ile-de-France à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ", le conseil régional d'Ile-de-France a décidé d'implanter le siège de la région à Saint-Ouen, sur le site Influence, et a autorisé sa présidente à signer pour chacun des immeubles Influence 1 et Influence 2, un bail commercial avec option d'achat, ainsi qu'une promesse unilatérale de vente.

2. Par une délibération CR 2019-048 du 19 septembre 2019, intitulée " une politique immobilière dynamique qui permet de rendre de l'argent aux franciliens, valorisation de l'option d'achat sur l'immeuble Influence 2.0 ", le conseil régional d'Ile-de-France a autorisé sa présidente à signer un protocole d'accord de renonciation au bénéfice de la promesse de vente signée le 27 janvier 2017 entre la région et la société Neximmo 101 s'agissant de l'immeuble Influence 2, ainsi qu'un avenant au protocole d'accord de mise à disposition anticipée de cet immeuble, un avenant au bail commercial et un avenant à la promesse unilatérale de vente. Par une délibération CR 2019-087 du 16 décembre 2019, intitulée " valorisation de l'option d'achat sur le bâtiment Influence 2 (ajustement de délais) ", le conseil régional d'Ile-de-France a substitué une nouvelle version du protocole d'accord de renonciation au bénéfice de la promesse de vente, à la version figurant en annexe 1 à la délibération CR 2019-048 du 19 septembre 2019, a autorisé sa présidente à signer le protocole ainsi modifié et a confirmé l'autorisation donnée à sa présidente de signer les trois avenants mentionnés ci-avant. M. Damerval, conseiller régional d'Ile-de-France, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler ces deux délibérations. Il fait appel du jugement du 30 avril 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si le tribunal administratif a dans son jugement, conformément aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, fait mention des deux notes en délibéré présentées le 7 avril 2021 par la région Ile-de-France, qui n'avaient pas été communiquées, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que ces deux notes contenaient des éléments sur lesquels le tribunal administratif se serait fondé. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur la légalité des délibérations attaquées :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4221-4 du code général des collectivités territoriales : " Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une région donne lieu à délibération motivée du conseil régional portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil régional délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité (...) ".

5. Ainsi que le tribunal administratif l'a jugé à bon droit, les délibérations attaquées, qui ont pour objet d'autoriser la présidente du conseil régional à renoncer au bénéfice de la promesse de vente signée le 27 janvier 2017 et à l'exercice de l'option d'achat de l'immeuble Influence 2, ne portent ni sur la cession d'un immeuble, ni sur la cession d'un droit réel immobilier, au sens de ces dispositions. La région Ile-de-France n'était donc pas tenue de solliciter l'avis du service du Domaine sur l'opération visée par ces délibérations. Si M. Damerval a entendu soutenir que les délibérations attaquées devaient donner lieu à un avis de ce service en ce qu'elles autorisaient la présidente du conseil régional à signer un avenant au bail commercial conclu le 27 janvier 2017, il n'assortit cette argumentation d'aucun élément. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il est constant que l'étude du cabinet Colliers International actualisée en décembre 2019 pour tenir compte de la dotation du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée dans l'hypothèse d'une levée de l'option d'achat de l'immeuble Influence 2, suivie de l'occupation de cet immeuble pendant douze ans et de sa revente, qui a été soumise au conseil régional avant l'adoption de la délibération CR 2019-087 du 16 décembre 2019, comportait une erreur affectant précisément l'estimation de cette dotation, qui a été sous-estimée de 4 775 790 euros. Il est également constant que, sans cette sous-estimation, cette hypothèse aurait été financièrement plus intéressante pour la région que le scénario de la " monétisation " de l'option d'achat suivie d'une location de l'immeuble pendant douze ans, retenu par le conseil régional. La valeur actualisée nette des coûts (" VAN Cash Flow ") dans ce scénario, aurait en effet été plus élevée de 1 679 197 € que dans l'hypothèse d'un achat suivi d'une occupation pendant douze ans et d'une revente. Toutefois, cette différence est limitée, ne représentant qu'environ 2,5 % des coûts actualisés du scénario retenu. De plus, il ressort des pièces du dossier, notamment des débats devant le conseil régional, que la différence de coûts n'a pas été déterminante dans le choix de la région en faveur du scénario de la " monétisation " de l'option, qui a été guidé, non seulement par ces considérations financières, mais aussi par des considérations relatives à l'évolution du marché de l'immobilier de bureau en Ile-de-France, à l'obsolescence rapide des immeubles de bureau, au loyer avantageux de l'immeuble Influence 2, à la souplesse de gestion liée au statut de locataire et à la volonté de la région de demeurer propriétaire d'immeubles parisiens à caractère historique.

7. Si M. Damerval conteste par ailleurs la durée d'amortissement de douze années, retenue pour étudier l'hypothèse d'un achat de l'immeuble Influence 2, cette durée a été à juste titre définie par rapport à celle de la durée du bail conclu le 27 janvier 2017 dans le cadre d'une comparaison entre l'achat de l'immeuble et la poursuite de ce bail. S'il conteste également la valorisation de l'immeuble et l'estimation des franchises de loyer, prises en compte par le cabinet Colliers International pour étudier le scénario de la " monétisation " de l'option et de la poursuite du bail, il n'assortit cette contestation d'aucune précision chiffrée permettant d'apprécier l'incidence des erreurs éventuelles sur le choix de ce scénario. S'il fait enfin état d'une erreur touchant au " statut de l'immeuble " Influence 2, il n'assortit son argumentation sur ce point d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 4132-17 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil régional a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la région qui font l'objet d'une délibération ". Aux termes de l'article L. 4132-18 de ce code : " Douze jours au moins avant la réunion du conseil régional, le président adresse aux conseillers régionaux un rapport, sous quelque forme que ce soit, sur chacune des affaires qui doivent leur être soumises (...) Sans préjudice des dispositions de l'article L. 4132-17, en cas d'urgence, le délai prévu au premier alinéa peut être abrégé par le président sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. Damerval qui n'a pas contesté dans sa requête et dans son mémoire complémentaire avoir régulièrement reçu le rapport ainsi prévu et l'étude du cabinet Colliers International qui y était annexée, avant chacune des deux délibérations attaquées, n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 4132-17 du code général des collectivités territoriales, et à soutenir que le droit à l'information des élus aurait été méconnu du fait des erreurs entachant cette étude.

9. En dernier lieu, les délibérations attaquées CR 2019-048 du 19 septembre 2019 et CR 2019-087 du 16 décembre 2019, portant renonciation au bénéfice de la promesse de vente n'ont pas été prises pour l'application de la délibération CR 219-16 du 18 novembre 2016. L'exception tirée de l'illégalité de cette délibération est donc en tout état de cause inopérante.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la région Ile-de-France, M. Damerval n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Ile-de-France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Damerval demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. Damerval une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la région Ile-de-France et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Damerval est rejetée.

Article 2 : M. Damerval versera une somme de 1 500 euros à la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Damerval et à la région Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2024.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ La greffière,

E. TORDOLa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21PA03635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03635
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : BERTELLA-GEFFROY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;21pa03635 ?
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