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09/02/2024 | FRANCE | N°23PA01475

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 09 février 2024, 23PA01475


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions des 20 juillet 2018 et 29 mai 2019 par lesquelles le Centre d'action sociale de la ville de Paris (CASVP) a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 406 094,64 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, somme à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018 et la capitalisation des intérêts.
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Par un jugement n° 1915209 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Paris a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions des 20 juillet 2018 et 29 mai 2019 par lesquelles le Centre d'action sociale de la ville de Paris (CASVP) a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 406 094,64 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, somme à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018 et la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1915209 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire récapitulatif et des pièces complémentaires, enregistrés les 7 avril 2023 et 22 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Tisler, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915209 du 7 février 2023 rendu par le tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions des 20 juillet 2018 et 29 mai 2019 par lesquelles le Centre d'action sociale de la ville de Paris (CASVP) a rejeté sa demande indemnitaire ;

3°) de condamner le CASVP à lui verser, à titre principal, la somme de 561 094,64 euros et à titre subsidiaire celle de 406 094,64 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, sommes à parfaire, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au CASVP de procéder au chiffrage des heures supplémentaires qu'il a réalisées et de liquider la somme due sur la base de sa durée de présence effective, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge du CASVP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les juges de première instance qui n'ont pas fait mention de la délibération n° 9 du conseil d'administration du CASVP du 4 avril 2016 fixant les modalités de rémunérations des astreintes et interventions effectuées par certains personnels du CASVP et ont omis de répondre aux moyens tirés du préjudice moral, de la privation de liberté, de l'atteinte à la vie privée et familiale et de la méconnaissance de l'obligation de protéger la santé et la sécurité des travailleurs, ont entaché leur jugement d'un défaut de motivation ;

- le jugement est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir fait usage de leur pouvoir d'instruction ;

- en refusant l'indemnisation des périodes d'astreinte au titre des heures supplémentaires réalisées, le CASVP a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Le dispositif d'astreinte mis en place au sein du CASVP doit être regardé comme un temps de travail effectif ouvrant droit à rémunération, dès lors qu'il demeurait à la disposition immédiate et permanente de son employeur et qu'aucun déplacement extérieur au domicile n'est autorisé, en l'absence de toute modalité prévue à cet effet ;

- les modalités d'encadrement des astreintes générales, continues et absolues sont constitutives d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité du CASVP en méconnaissance de la réglementation communautaire et de la réglementation relative à la réduction de la durée du temps de travail ; en tardant à définir certaines modalités d'application de la réglementation des astreintes, la directrice du CASVP, au demeurant incompétente pour ce faire, a commis une illégalité ;

- l'organisation des astreintes, telle qu'elle a été définie, a eu pour effet de porter atteinte à sa liberté d'aller et venir, à sa dignité, à sa santé et à sa sécurité au travail, ainsi qu'à son droit au respect de sa vie privée et familiale et au respect de son domicile. Elle est constitutive d'une situation de harcèlement moral et présente un caractère discriminatoire fondé sur sa situation familiale et son lieu de résidence ;

- le préjudice financier résultant de l'absence d'indemnisation de ses périodes d'astreinte doit être évalué à la somme de 511 094,64 euros ;

- le préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence liés aux conditions d'exercice de ces astreintes et à leurs répercussions sur son état de santé et sa vie privée et familiale, sera indemnisé à hauteur de 50 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 89/391/CEE concernant la santé et la sécurité au travail ;

- la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant la notion de période de travail ;

- la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant l'aménagement du temps de travail ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n°2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 ;

- l'arrêté n° 00-219 du 3 juillet 2000 portant règlementation applicable aux gardiens des résidences personnes âgées du Centre d'action sociale de la ville de Paris ;

- le règlement particulier adopté par le conseil d'administration du CASVP le 26 décembre 2001 concernant le cycle de travail des agents des résidences appartements ;

- la délibération n°009 du conseil d'administration du CASVP du 4 avril 2016 fixant les modalités de rémunérations des astreintes et interventions effectuées par certains personnels du CASVP ;

- la délibération n° 080 du conseil d'administration du CASVP du 12 octobre 2018 portant organisation de l'activité des gardiens des résidences appartement pour personnes âgées du CASVP ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- les observations de Me Tisler, représentant M. A... et de Me Belahouane, représentant le Centre d'action sociale de la ville de Paris ;

- et les observations de M. C..., représentant syndical.

Une note en délibéré, enregistrée le 24 janvier 2024, a été présentée par Me Grimaldi, pour le Centre d'action sociale de la ville de Paris et n'a pas été communiquée.

Une note en délibéré, enregistrée le 26 janvier 2024, a été présentée par Me Tisler, pour M. A... et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent hospitalier social, exerçait les fonctions de gardien de la résidence appartements " Saint Honoré " du Centre d'action sociale de la ville de Paris (CASVP) et était logé par nécessité absolue de service. Par un courrier en date du 27 juin 2018, il a présenté une demande préalable indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis dans le cadre du dispositif d'astreinte mis en place par l'établissement. Cette demande a été rejetée par une décision du 20 juillet 2018. Par un courrier en date du 26 mars 2019, il a réitéré sa demande, laquelle a été rejetée implicitement par le CASVP. M. A... relève régulièrement appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à la condamnation du CASVP à lui verser la somme globale de 406 094,64 euros, en réparation de l'ensemble de ses préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il résulte des points 6 et 7 du jugement contesté que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés devant eux, ont énoncé précisément les éléments de fait et les motifs qui les ont conduits à écarter toute illégalité fautive commise par le CASVP, le bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif étant sans incidence sur la régularité du jugement. Par ailleurs, dès lors que le tribunal écartait la responsabilité de l'administration et rejetait par suite les conclusions indemnitaires qui lui étaient présentées, il n'avait pas à se prononcer sur le préjudice moral dont l'intéressé entendait obtenir réparation et constitué par la privation de liberté, l'atteinte portée à sa vie privée et familiale, ou les obligations de l'employeur en matière de santé et de sécurité. Enfin, les juges de première instance ont mentionné au point 3 de leur jugement les textes dont il a été fait application, l'absence de référence à la délibération n° 9 du conseil d'administration du CASVP du 4 avril 2016 aux points 6 et 7 du jugement contesté ne pouvant pas, en tout état de cause, révéler une insuffisance de motivation. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué et de l'omission à statuer doivent être écartés.

3. En second lieu, si M. A... soutient que le jugement est irrégulier, faute pour le tribunal d'avoir fait usage de ses pouvoirs d'instruction, il ressort des éléments versés par les parties au dossier de première instance que le tribunal, qui dirige seul l'instruction, disposait des éléments nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige qui lui était soumis, sans procéder à une telle mesure d'instruction, l'intéressé ne précisant au demeurant pas quel élément supplémentaire aurait été nécessaire à la résolution du litige. Dès lors, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'État, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements ". Aux termes de l'article 5 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature, applicable aux agents de la fonction publique territoriale en vertu de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ". Aux termes de l'article 4 du décret du 12 juillet 2001 susvisé : " L'organe délibérant de la collectivité (...) détermine (...) les conditions de mise en place des cycles de travail prévus par l'article 4 du décret du 25 août 2000 susvisé (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " L'organe délibérant de la collectivité (...) détermine (...) les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes, les modalités de leur organisation et la liste des emplois concernés ".

5. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 relatif aux modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la fonction publique territoriale : " (...) bénéficient d'une indemnité non soumise à retenue pour pension ou, à défaut, d'un repos compensateur certains agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant : / 1° Lorsqu'ils sont appelés à participer à une période d'astreinte (...) ". L'article 2 de ce décret dispose que : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ainsi que, le cas échéant, le déplacement aller et retour sur le lieu de travail. / La permanence correspond à l'obligation faite à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel, ou un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, un samedi, un dimanche ou lors d'un jour férié. ". Enfin, aux termes de l'article 3 du même décret : " La rémunération et la compensation des obligations décrites à l'article 1er (...) ne peuvent être accordées aux agents qui bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'une astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. D'autre part, si un agent territorial qui bénéficie d'une concession de logement à titre gratuit pour nécessité absolue de service ne peut pas prétendre au paiement ou à la compensation de ses périodes d'astreinte et de permanence, y compris lorsque ces périodes ne lui permettent pas de quitter son logement, il peut toutefois prétendre au paiement ou à la compensation d'heures supplémentaires, à la double condition que ces heures correspondent à des interventions effectives, à la demande de l'autorité hiérarchique, réalisées pendant le temps d'astreinte ou de permanence, et qu'elles aient pour effet de faire dépasser à cet agent les bornes horaires définies par le cycle de travail.

7. L'arrêté du 3 juillet 2000 portant règlementation applicable aux gardiens des résidences pour personnes âgées du Centre d'action sociale de la ville de Paris prévoit que les gardiens bénéficient d'un logement par nécessité absolue de service et sont astreints à une résidence permanente dans l'établissement pendant toute la durée de leur activité. Leur journée de travail est organisée en trois périodes : le temps de travail effectif dans la plage d'ouverture de la loge de 7 heures à 20 heures, le temps de pause quotidienne fixé à deux heures et le temps d'astreinte fixé localement aux moments de moindre activité, la durée hebdomadaire de travail étant fixée à 39 heures. Le règlement concernant le cycle de travail des agents des résidences appartements annexé à la délibération n° 080 du conseil d'administration du CASVP du 12 octobre 2018 concernant l'organisation de l'activité des gardiens, qui a abrogé le règlement particulier adopté par le même conseil le 26 décembre 2001, précise que durant la nuit le gardien est d'astreinte à son domicile de 20 heures à 7 heures du lundi au vendredi. Ce règlement a réduit l'amplitude horaire d'ouverture de la loge les lundis et vendredis et précisé l'obligation pour les gardiens de demeurer à domicile ou à proximité durant les périodes d'astreinte. Enfin, la délibération n° 009 du conseil d'administration du CASVP du 4 avril 2016 fixe les modalités de rémunérations des astreintes et interventions effectuées par certains personnels de cet établissement.

8. Il résulte de l'instruction que M. A... exerce ses fonctions de gardien d'un établissement sur une durée légale de travail hebdomadaire de 39 heures. Ses horaires de travail sont fixés du lundi au vendredi de 7h00 à 18h00 avec une pause méridienne de deux heures et une astreinte de 11h48 à 13h00, représentant ainsi une journée de travail de 7h48. Il assure également une astreinte, quatre jours par semaine, de 18h00 à 7h00.

9. M. A... soutient que pendant ses périodes d'astreinte, il restait à la disposition permanente et immédiate de son employeur en raison du caractère fréquent des sollicitations des résidents auxquelles il était tenu de répondre et de l'obligation qui était faite aux gardiens de demeurer à leur domicile. Toutefois, si en application de la règlementation applicable aux gardiens des résidences pour personnes âgées du CASVP, les gardiens sont contraints à une résidence permanente au sein de l'établissement pendant la durée de leur service en contrepartie du logement gratuit attribué par nécessité absolue de service et soumis à une période d'astreinte quotidienne qui leur impose d'être à la disposition des résidents, cette circonstance, inhérente à l'exercice d'une astreinte, n'est pas de nature à démontrer, à elle seule, que M. A... était ainsi en situation de travail effectif. En outre, le règlement particulier mentionné, annexé à la délibération du conseil d'administration du CASVP du 12 octobre 2018, dispose que le gardien n'est pas à la disposition permanente et immédiate du Centre. Par suite, la circonstance que M. A... n'aurait pu librement circuler à l'extérieur de l'établissement pendant l'exercice d'une astreinte n'implique pas davantage que ce temps soit qualifié de temps de travail effectif. Il ne démontre ainsi pas avoir été exposé à des contraintes qui auraient, de manière objective et significative, limité sa liberté de vaquer librement à ses occupations personnelles et de se consacrer à sa vie privée et familiale au cours de ses périodes d'astreinte. A ce titre, il ne justifie ni de la fréquence ni de la nature de ses interventions auprès des résidents, autres que celles qui ont donné lieu au paiement d'heures supplémentaires par le CASVP compte tenu du temps de travail effectif accompli et dont le montant n'est d'ailleurs pas contesté, ni de ce que ces interventions n'auraient pas fait l'objet d'un temps de repos compensateur. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le CASVP aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de retenir que les périodes d'astreinte devaient être regardées comme des périodes de travail effectif nécessitant d'être indemnisées à ce titre.

10. En deuxième lieu, la seule circonstance que les gardiens sont contraints de demeurer au sein de l'établissement afin de répondre rapidement aux sollicitations des résidents ne suffit pas à établir le caractère absolu de ces astreintes. L'interdiction de sortie de domicile qui leur a été opposée, même temporairement dans l'attente de leur dotation en téléphone portable, ne permet pas, à elle seule, d'établir qu'ils auraient été à la disposition permanente de leur employeur. Par ailleurs, si la règlementation adoptée par le CASVP applicable aux gardiens des résidences pour personnes âgées n'a pas défini l'étendue d'un périmètre de sortie autorisée au cours des périodes d'astreinte ou n'a introduit que tardivement la dotation des gardiens d'un téléphone portable professionnel, ces circonstances ne permettent pas de retenir un défaut d'encadrement de ces périodes d'astreinte de la part du CASVP, le directeur de ce Centre étant au demeurant compétent, au titre de ses pouvoirs d'organisation du service, pour définir les modalités d'application de cette réglementation en l'absence de délibération du conseil d'administration du Centre. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les modalités d'encadrement de ces périodes d'astreinte seraient constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité du CASVP.

11. En troisième lieu, M. A... ne démontre pas que l'organisation des astreintes édictée par le CASVP aurait été prise en méconnaissance de la règlementation applicable en matière de prévention et de sécurité des agents, notamment en terme de risques psycho-sociaux, par la seule circonstance qu'elle prévoit une obligation de résidence permanente au sein de l'établissement, où est situé son domicile, au cours de ces périodes, ou par la circonstance que le système d'alarme susceptible d'être déclenché par les résidents est relié à la loge. A ce titre, il ne justifie par aucune pièce la fréquence et la nature des interventions liées au déclenchement de ce dispositif au cours de l'exercice des astreintes. Cette obligation de présence n'est pas davantage, en tant que telle, susceptible de révéler une situation de harcèlement ou une discrimination directe ou indirecte fondée sur son lieu de résidence et sur sa situation familiale. Ainsi qu'il a été dit au point 9, il n'est pas établi que l'intéressé, logé avec sa famille par nécessité absolue de service, n'ait pu se consacrer à ses activités personnelles et à sa vie privée et familiale durant l'exercice des astreintes auxquelles il était assujetti ou que les modalités d'exercice des astreintes soient constitutives d'une violation de domicile. Il est par ailleurs constant que les gardiens bénéficient, hors congés annuels, d'une pause méridienne de deux heures et de deux jours de repos consécutifs durant les week-ends. Enfin, la seule circonstance que les gardiens aient été tenus de demeurer à domicile durant leurs astreintes et n'aient été dotés d'un téléphone portable professionnel qu'à compter de l'année 2018, n'est pas de nature à démontrer une violation des libertés individuelles, notamment la liberté constitutionnelle d'aller et venir, ou une atteinte à la dignité humaine.

12. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de faute de nature à engager la responsabilité du CASVP, M. A... ne peut prétendre à l'indemnisation d'aucun préjudice. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au directeur général du Centre d'action sociale de la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 9 février 2024.

La rapporteure,

C. LORINLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23PA01475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01475
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI-MOLINA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;23pa01475 ?
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