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09/02/2024 | FRANCE | N°23PA01366

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 février 2024, 23PA01366


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2116891 du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Mo

ntreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2116891 du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Moulouade, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet ne pouvait légalement lui opposer le défaut de prise en compte de son séjour à raison d'une mesure d'éloignement qu'il n'aurait pas exécutée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- il remplit les conditions d'une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article

L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bissau-guinéen né le 6 août 1991, entré en France le

7 janvier 2015 selon ses déclarations, a sollicité, le 8 février 2021, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 novembre 2021, le préfet de la

Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 22 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la

Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. A... avant de rejeter sa demande de titre de séjour. Par suite, le moyen doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ".

4. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

5. M. A... soutient qu'il est en situation de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions qui précèdent. Toutefois, s'il produit une " demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger ", remplie par son employeur, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci aurait été effectivement adressée à l'administration compétente. Ainsi, contrairement à ce qu'il affirme, M. A... ne saurait être regardé comme détenant une autorisation de travail dans les conditions prévues par les articles

L. 5221-2 et suivants du code du travail. Par suite, M. A... n'établit pas qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à faire obstacle à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".

7. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. D'une part, M. A... justifie, par les pièces produites, sa résidence habituelle sur le territoire français depuis juillet 2015, le préfet ne pouvant à cet égard lui opposer une mesure d'éloignement du 8 février 2018 non exécutée pour considérer que son séjour ne pouvait être pris en compte depuis une date antérieure au délai d'exécution de cette mesure. Toutefois, la durée de séjour de l'intéressé, à la supposer même significative, ne saurait en tout état de cause, à elle seule, constituer un motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 précité. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a occupé un emploi de plongeur dans un restaurant entre octobre et décembre 2017, un emploi d'agent de service dans une entreprise de nettoyage en mars et avril 2019 et un emploi d'employé polyvalent depuis le 19 avril 2019 sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, il ne justifiait, à la date de l'arrêté en litige, que d'environ trois ans d'activité professionnelle depuis son entrée en France en 2015. Ainsi, M. A... ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire, ni, en tout état de cause, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, d'une qualification professionnelle particulière ou spécifique justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Enfin, s'agissant de sa vie privée et familiale, M. A... n'apporte aucun élément précis sur les liens de toute nature qu'il aurait noués en France et n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans. Par suite, le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire ou motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet, en rejetant la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté.

9. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".

11. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement prendre à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français en conséquence du refus de la délivrance du titre de séjour qu'il a pris à son encontre.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :

13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 612-7 du même code : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 de ce code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.

Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

14. En premier lieu, pour prendre à l'encontre de M. A... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis a notamment motivé sa décision par la circonstance que l'intéressé s'était soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement prononcée par le préfet de police le 8 février 2018, notifiée le même jour. Par ailleurs et compte tenu de ce qui a été dit au point 8, l'intéressé ne justifie pas de liens particulièrement anciens et intenses avec la France. Dans ces conditions, en fixant à deux ans la durée de son interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de police n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris en tout état de cause la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces deux motifs, ne pouvant légalement opposer à l'intéressé une ancienneté de séjour restreinte à la période antérieure au délai d'exécution de la mesure d'éloignement du 8 février 2018, ainsi qu'il a été dit au point 8.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et

des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Bruston, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01366 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01366
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : MOULOUADE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;23pa01366 ?
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