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09/02/2024 | FRANCE | N°23PA01093

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 février 2024, 23PA01093


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2211234 du 14 février 2023, le tribunal administratif d

e Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2211234 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2023, Mme B..., représentée par

Me Kengne, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai après avoir saisi la commission du titre de séjour, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la contrariété à l'ordre public international du for du jugement de divorce rendu par le tribunal de première instance de Kaloum (République de Guinée) le

10 février 2017 ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- la décision attaquée est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;

- le préfet ne pouvait se fonder légalement sur un jugement de divorce qui n'est pas reconnu en France et ne lui est pas opposable ;

- elle justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses liens personnels et familiaux en France ;

- la décision attaquée viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français sont illégales en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz, rapporteur,

- les observations de Me Kengne, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante malienne née le 21 juin 1987, est entrée en France le

29 juin 2015 accompagnée de ses deux enfants mineurs, sous couvert d'un visa de long séjour délivré en qualité de conjoint de scientifique. Elle a bénéficié de titres de séjour en cette même qualité entre le 16 février 2016 et le 17 novembre 2017. Le 14 janvier 2021, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 janvier 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans. Mme B... relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme B... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait se prévaloir du jugement de divorce rendu le 10 février 2017 par le tribunal de première instance de Kaloum, qui révèle, selon elle, une fraude et une situation contraire à la conception française de l'ordre public international, pour lui opposer l'absence de communauté de vie avec son époux et le défaut d'intensité et de stabilité de ses liens personnels et familiaux en France. Toutefois, en premier lieu, il ressort de l'arrêté du préfet du

4 janvier 2022 que ce dernier, pour opposer à la requérante le défaut d'intensité, d'ancienneté et de stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ne s'est pas fondé, à titre principal, sur la circonstance qu'elle aurait été divorcée de son époux. En second lieu, les premiers juges, qui ont statué sur l'admission exceptionnelle au séjour de Mme B... " sans préjudice de (sa) situation maritale ", ont conclu qu'à supposer établie la circonstance que le préfet aurait mentionné à tort que l'intéressée aurait été divorcée de son époux depuis 2017, celle-ci était toutefois " sans influence sur l'appréciation de son admission exceptionnelle au séjour qui ne répond pas à des considérations humanitaires et qui ne se justifie pas au regard de motifs exceptionnels ". Par suite, les premiers juges, qui ont ainsi entendu signifier que le préfet aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs de sa décision, n'ont pas entaché leur jugement d'une omission à statuer mais ont simplement procédé à une neutralisation du motif tiré du divorce de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, Mme B... reprend en appel son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige. Elle ne développe toutefois au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

4. En second lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté querellé ni d'aucune autre pièce versée au dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen approfondi et personnalisé de la situation personnelle de la requérante. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doit, ainsi, être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".

6. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. D'une part, Mme B... justifie, par les pièces produites pour la première fois en appel, de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis juin 2015, le préfet ne pouvant à cet égard lui opposer une mesure d'éloignement du 4 mai 2018 non exécutée pour considérer que son séjour ne pouvait être pris en compte depuis une date antérieure au délai d'exécution de cette mesure. Toutefois, la durée de séjour de l'intéressé ne saurait, à elle seule, constituer un motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 précité. D'autre part, la requérante n'ayant occupé qu'un emploi à temps partiel entre mars 2016 et novembre 2018 en qualité d'agent de service ne saurait se prévaloir d'une insertion professionnelle significative en France. Par ailleurs, s'agissant de sa vie privée et familiale sur le territoire national, si l'intéressée est entrée en France accompagnée de ses deux enfants mineurs nés en 2008 et 2011 pour y rejoindre son époux, titulaire d'un titre de séjour en qualité de chercheur, il ressort des pièces du dossier qu'elle en est séparée depuis 2017. A cet égard, Mme B... produit des pièces par lesquelles son époux indique notamment que le couple aurait repris la vie commune entre décembre 2019 et février 2022 et qu'elle serait très active dans l'éducation et l'entretien de leurs enfants qui résident avec lui. Toutefois, ces pièces ne permettent pas d'établir l'intensité et la stabilité des relations familiales de Mme B..., que ce soit avec son époux ou avec ses enfants, dès lors en particulier qu'il ressort de plusieurs autres pièces du dossier que les deux époux ont toujours eu deux adresses différentes, la requérante résidant de manière continue à Bondy depuis son arrivée en France et son époux demeurant à Noisy-le-Sec. De plus, les pièces produites par la requérante relatives à ses enfants, soit une facture de cantine pour sa fille ainée en date du

23 décembre 2016, un bulletin scolaire du premier semestre de l'année 2022/2023, postérieur à l'arrêté en litige, et des certificats de scolarités antérieurs à 2017 ne sauraient suffire à établir que l'intéressée participerait activement à l'entretien et l'éducation de ses enfants. Enfin, si

Mme B... fait valoir que le préfet ne pouvait légalement mentionner qu'elle était divorcée depuis l'année 2017, pour les motifs précisés au point 2, ce dernier ne s'est pas fondé à titre principal sur ce motif pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressée, ainsi qu'il a été également dit au point 2, de sorte qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait pas mentionné ce divorce. Dans ces conditions, la requérante ne justifie d'aucune circonstance humanitaire ou motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'opposabilité du jugement de divorce du 10 février 2017 du tribunal de Kaloum, le moyen tiré de ce que le préfet, en rejetant la demande d'admission exceptionnelle au séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si Mme B... invoque les stipulations qui précèdent, elle ne justifie pas, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. Ainsi qu'il a été dit au point 7, Mme B... ne justifie pas, par les pièces versées aux débats, de l'intensité et de la stabilité de sa vie privée et familiale en France, notamment avec ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

12. Enfin, les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Bruston, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01093 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01093
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : KENGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;23pa01093 ?
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