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01/02/2024 | FRANCE | N°22PA04764

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 22PA04764


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2201992 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif d

e Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2201992 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 novembre 2022 et 18 décembre 2023, M. D..., représenté par Me Leloup, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201992 du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 du préfet de Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement n'a pas statué sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soulevé à l'encontre du refus de titre de séjour ;

- le jugement n'a pas non plus statué sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-3 du même code à l'encontre du refus de délai de départ volontaire ;

- le jugement n'a pas davantage statué sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 612-10 du même code et de l'erreur manifeste d'appréciation soulevés à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français ;

S'agissant des décisions contestées prises dans leur ensemble :

- elles ont été prises par une autorité incompétente ;

- elles sont entachées d'un défaut de motivation et d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elles sont entachées d'une erreur de fait ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 423-23 du même code ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi :

- elles méconnaissent les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent par ailleurs les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent en outre les stipulations de l'article 8 de cette convention ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est illégale par voie d'exception, dès lors que la décision portant refus de titre de séjour est elle-même illégale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale par voie d'exception, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est elle-même illégale.

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de l'inscription au fichier du système d'information Schengen :

- il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 96 de la convention du 19 juin 1990.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert ;

- et les observations de Me Leloup, avocat de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., né le 4 février 1990, de nationalité malienne, est entré en France en mars 2016, selon ses déclarations, afin d'y demander le bénéfice de la protection internationale. Le 30 mai 2018, il a fait l'objet d'un arrêté portant transfert aux autorités italiennes, l'intéressé ayant déposé une demande d'asile en Italie en 2015. M. D... s'est maintenu sur le territoire français et a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 11 mai 2021. Par un arrêté du 18 novembre 2021 notifié le 7 janvier 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et l'a signalé au système d'information Schengen. M. D... relève appel du jugement du 3 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Alors que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23, L. 612-3 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation affectant respectivement le refus de titre de séjour, le refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français avaient été soulevés par M. D..., il ne ressort pas des mentions du jugement attaqué que ce dernier aurait statué sur ces moyens, qui ne sont au demeurant pas visés. Il s'ensuit qu'il est entaché d'une omission à statuer.

3. M. D... est donc fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier et doit être annulé. Il y a donc lieu pour la Cour, statuant par la voie de l'évocation, d'examiner les moyens articulés à l'encontre de l'arrêté en litige.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur les décisions contestées prises dans leur ensemble :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-1827 du 19 juillet 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-Saint-Denis le même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation de signature à M. C... B..., signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer les décisions prises en matière de police des étrangers. Dès lors le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit qui fondent le refus de titre. D'une part, l'arrêté vise les 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006, l'article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2006, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le code des relations entre le public et l'administration ainsi que les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. D'autre part, il mentionne la date de son arrivée sur le territoire français, la circonstance qu'il s'est maintenu en situation irrégulière à la suite d'une décision de réadmission en Italie du 30 mai 2018 prise par le préfet de police et que sa situation personnelle et professionnelle ne permet pas son admission exceptionnelle au séjour. Il précise également que l'intéressé est célibataire, sans charge de famille en France et qu'il conserve des attaches dans son pays d'origine. Dès lors, la décision contestée, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle ou familiale de M. D..., contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la décision attaquée qui, ainsi qu'il a été dit, est suffisamment motivée, que le préfet ne se serait pas livré à un examen personnalisé de la situation de l'intéressé.

7. En quatrième lieu, le requérant soutient que c'est à tort que le préfet a retenu qu'il bénéficie d'attaches dans son pays d'origine, qu'il ne justifie pas d'une insertion professionnelle et qu'il ne démontre pas une présence régulière sur le territoire français entre les années 2016 et 2018. D'une part, il fait valoir que sa mère ne réside plus au Mali mais en Côte d'Ivoire, que l'un de ses frères et son père résident régulièrement en France et que lui-même a quitté son pays d'origine à l'âge de 23 ans en raison des risques de persécutions liés aux engagements politiques et militaires de son deuxième frère, porté disparu. D'autre part, il allègue avoir travaillé pour plusieurs sociétés d'intérim en tant que manœuvre à compter de l'année 2017 jusqu'en 2022 sous l'identité de son frère, titulaire d'un titre de séjour. Toutefois, la seule circonstance que la mère de l'intéressé aurait quitté le Mali en 2012 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'il ne démontre pas être totalement dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et qu'il est constant qu'il l'a quitté à l'âge de 23 ans. En outre, si M. D... établit avoir occupé un emploi de manœuvre dans diverses sociétés d'intérim par la production de fiche de paie et d'attestations de concordance démontrant qu'il a travaillé sous l'identité usurpée de son frère, la nature de son activité professionnelle et l'irrégularité de son exercice ne sont pas de nature à justifier une insertion professionnelle d'une intensité et d'une qualité telles qu'il puisse prétendre à une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Enfin, si par la production de nombreuses fiches de paie et d'une convocation à l'enregistrement d'une demande d'asile, M. D... établit sa présence sur le territoire français depuis septembre 2017, cette seule circonstance n'est pas de nature à emporter l'illégalité de la décision attaquée dès lors que la durée de sa présence ne lui ouvre aucun droit au séjour au regard de l'admission exceptionnelle et que le préfet n'a pas motivé sa décision sur ce motif. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être rejetés.

Sur le refus de titre de séjour :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

9. M. D... se prévaut de son activité professionnelle et de sa présence sur le territoire français. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, la nature et le caractère irrégulier de son activité professionnelle ne sont pas de nature à justifier une insertion professionnelle d'une intensité et d'une qualité telles qu'il puisse prétendre à une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Par ailleurs, il est constant que M. D... a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement par un arrêté du 30 mai 2018. Ainsi, ni les conditions et la durée de séjour de l'intéressé, lequel s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, ni la nature de ses emplois occupés ne sauraient suffire à constituer, au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au vu desquels le préfet ne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ou d'erreur de droit, s'abstenir de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ". Enfin, M. D... se prévaut de la présence de son père et de son frère en France. Toutefois, les pièces du dossier, notamment l'attestation d'hébergement émise par son père et l'attestation émise par son frère, laquelle se borne à relater les circonstances dans lesquelles il a accepté de fournir sa carte séjour afin que l'intéressé puisse travailler au sein des diverses sociétés d'intérim, ne sont pas de nature à démontrer l'intensité des liens qu'il partage avec ces derniers. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation en s'abstenant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

11. En l'espèce, s'il ressort des pièces du dossier que M. D... est présent sur le territoire français de manière continue depuis l'année 2017 et que son frère et son père résident en France, ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, il ne produit aucune pièce de nature à établir l'intensité des liens qu'il partage avec eux. Par ailleurs, la seule circonstance qu'il aurait usurpé l'identité de son frère pour travailler au sein de sociétés d'intérim ne permet pas d'établir l'existence de tels liens. En outre, l'insertion professionnelle dont se prévaut M. D... n'est pas de nature à établir une insertion d'une particulière intensité dans la société française en raison de la nature des emplois occupés. Enfin, M. D... ne peut utilement se prévaloir de la situation sécuritaire de son pays d'origine au soutien d'un moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le préfet n'a donc pas méconnu les dispositions précitées, ni commis une erreur manifeste d'appréciation ou une erreur de fait. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

12. En dernier lieu, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait déposé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut utilement soutenir que le préfet aurait méconnu ces dispositions. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

14. M. D... soutient être atteint d'une hépatite B aiguë et chronique nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, faisant ainsi obstacle à une mesure d'éloignement. Toutefois, les divers documents médicaux n'apportent aucune précision sur la nature, la gravité, l'étiologie et l'évolution de sa pathologie, ni même d'élément quant à l'indisponibilité d'un traitement adapté dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet était fondé à estimer que le requérant ne se trouvait pas dans la situation prévue par le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile empêchant son éloignement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

16. En l'espèce, si M. D... soutient que sa compagne et lui-même attendent un enfant, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressé était célibataire et sans charge de famille en France. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit aux points 8 et 10 du présent arrêt, ses seules expériences professionnelles en tant que manœuvre au sein de différentes sociétés d'intérim ne permettent pas de le regarder comme justifiant d'une insertion professionnelle particulière. En outre, si son père atteste l'héberger, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille présents en France, en particulier avec son frère, qui, au demeurant, et ainsi qu'il ressort de son attestation, lui avait initialement refusé l'utilisation de son identité. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis et n'a ainsi ni méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D....

17. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

18. En l'espèce, M. D..., dont la demande de protection internationale a été rejetée, ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité de ses allégations relatives aux persécutions dont il aurait fait l'objet avec sa famille alors qu'il résidait au Mali en raison des engagements politiques et militaires de son frère. Ainsi, les seules productions relatives à la situation sécuritaire, humanitaire et politique au Mali ne peuvent, à elles seules établir qu'il serait personnellement exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Mali et ce nonobstant la production d'articles de presse sur la situation dans la région dont il est originaire.

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

19. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

20. Il est constant que M. D... a fait l'objet d'une décision de réadmission en Italie par un arrêté du 30 mai 2018 du préfet de police, et qu'il s'est, depuis, maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, ni son activité professionnelle, ni sa situation personnelle ne permettent de le regarder comme justifiant de circonstances particulières de nature à faire obstacle à son éloignement au sens de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

21. En premier lieu, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit, en conséquence, être écarté.

22. En deuxième lieu, la décision litigieuse vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait mention de faits précis relatifs à la situation de M. D... qui justifient cette décision, notamment les circonstances qu'il s'est soustrait à une première mesure d'éloignement. En outre, la décision en litige précise qu'il ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment forts et caractérisés avec la France. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

23. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la décision attaquée qui, ainsi qu'il a été dit, est suffisamment motivée, que le préfet ne se serait pas livré à un examen personnalisé de la situation de l'intéressé.

24. En quatrième lieu, Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

25. En l'espèce, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de M. D... dès lors qu'aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé pour se conformer à la décision de réadmission en Italie prononcée à son encontre. Ainsi, compte tenu notamment de l'ancienneté de la présence en France du requérant, du caractère irrégulier de son séjour à partir de 2018, de la nature de son emploi, de l'absence de preuve de l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille présents sur le territoire français, et de l'absence de circonstances humanitaires, le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées, prononcer une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur l'inscription au système d'information Schengen :

26. Lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions dirigées à l'encontre de cette décision sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2021 du préfet de Seine-Saint-Denis. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

28. L'État n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à sa charge les sommes demandées par M. D... au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201992 du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... D... devant le tribunal administratif de Montreuil et l'ensemble de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er février 2024.

L'assesseure la plus ancienne

I. JASMIN-SVERDLINLe président - rapporteur

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04764
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : LELOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22pa04764 ?
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