Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Thésée Ingénierie a saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 9 443 288 francs CFP en réparation du préjudice subi du fait de son éviction qu'elle estime irrégulière du marché relatif à la maîtrise d'œuvre pour la requalification urbaine de la RT1 en traversée de Bourail, conclu entre la société Etik et la Nouvelle-Calédonie.
Par un jugement n° 2000292 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 août 2021, la société Thésée Ingénierie, représentée par Me Elmosnino, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 9 443 288 francs CFP ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 350 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les critères de sélection des offres prévus au règlement particulier d'appel d'offres (RPAO) n'ont pas été respectés dès lors que les critères d'évaluation portant sur l'aspect technique des offres n'ont pas été portés à la connaissance des candidats, le sous-critère de la " compétence des moyens humains affectés à l'étude " a été apprécié à partir du sous-détail des prix, qui n'était pas mentionné parmi les critères de jugement prévu au RPAO ;
- la société attributaire du marché n'avait pas obtenu la meilleure note au critère du prix et n'a été retenue que grâce à l'application de ce nouveau sous-critère ;
- dès lors qu'elle disposait de chances très sérieuses de remporter le marché, elle a le droit d'être indemnisée de la perte de marge nette escomptée qui, sur l'opération, s'élevait à 35 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2022, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la société d'avocats Meier-Bourdeau Lecuyer § associés, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Thésée Ingénierie au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Thésée Ingénierie sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics en Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lecuyer pour la Nouvelle-Calédonie.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié les 4 et 6 mai 2017, la Nouvelle-Calédonie a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché de maîtrise d'œuvre relatif à la requalification urbaine de la route territoriale n° 1 (RT1) en traversée de Bourail, à l'issue de laquelle a été retenu le bureau d'études Etik. La société Thésée Ingénierie, qui avait déposé un dossier de candidature, a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 9 443 288 francs CFP en réparation du préjudice subi du fait de son éviction du marché, qu'elle estime irrégulière. Par un jugement du 27 mai 2021, dont la société Thésée ingénierie relève appel, le tribunal administratif Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
2. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général.
3. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Le pouvoir adjudicateur n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de chacun de ces critères.
4. La société Thésée Ingénierie soutient, comme en première instance, que le rejet de son offre serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les candidats n'ont pas été informés par les documents de la consultation que l'un des sous-critères d'appréciation du critère technique tenant à la " compétence des moyens humains " serait apprécié à partir d'un élément nommé " sous détail des prix " devant lui-même être regardé comme un sous-critère d'attribution du marché.
5. Il résulte de l'instruction que le règlement particulier d'appel d'offres (RPAO) du marché litigieux énonce, dans son article 11.2, que les offres seront évaluées à partir de deux critères, la valeur technique de l'offre et le prix, pondérés à hauteur respectivement de 60 % et de 40 %. Le critère technique, noté sur 20, est lui-même décomposé en trois sous-critères : le sous-critère " pertinence et qualité de la méthodologie " noté sur 5 points, le sous-critère " outils et moyens matériels affectés à la présente étude ", noté sur 5 points et le sous-critère " compétence des moyens humains affectés à la présente étude ", doté de 10 points. Il résulte du rapport d'analyse technique des offres que l'appréciation de ce dernier sous-critère a été réalisée à partir d'un seul élément, nommé " sous-détail des prix ", portant sur les trois missions, études d'avant-projet (AVP), études de projet (PRO) et direction de l'exécution des travaux (DET), chacune des deux premières phases étant notée 2 et la dernière 3. Or, cet élément nommé " sous-détail des prix " qui répartit par ailleurs les points selon les postes en jeu (directeur, chargé d'études, secrétariat) ou selon les missions (réunion et déplacements) ne peut être regardé comme un critère qui aurait dû être communiqué aux candidats alors qu'il ne constituait qu'un élément d'appréciation, défini par le pouvoir adjudicateur pour préciser ses attentes au regard du sous-critère " compétence des moyens humains affectés à la présente étude ", et qui n'était pas susceptible d'exercer une influence sur la présentation des offres, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. La société Thésée Ingénierie n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elle a été irrégulièrement évincée du marché de maîtrise d'œuvre relatif à la requalification urbaine de la RT1 en traversée de Bourail. Par suite, la demande de la société Thésée Ingénierie tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière doit être rejetée.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Thésée Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
7. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la société Thésée ingénierie au titre du même article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Thésée Ingénierie est rejetée.
Article 2 : La société Thésée Ingénierie versera une somme de 1 500 euros à la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Thésée Ingénierie et à la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Pagès, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2024.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04862