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10/01/2024 | FRANCE | N°22PA02453

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 10 janvier 2024, 22PA02453


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la décharge en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.



Par un jugement no 2010316/7 du 29 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :



Par une requête et u

n mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 16 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Paponnet, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la décharge en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement no 2010316/7 du 29 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 16 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Paponnet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés dans le cadre de la première instance et d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la présente instance.

Il soutient que :

- c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que son domicile fiscal se situait en France dès lors qu'aucun des critères prévus à l'article 4 B du code général des impôts n'était rempli au titre des années 2012 et 2013 ;

- au cours des années en litige, son foyer se trouvait en Bulgarie dès lors qu'il y vit en concubinage avec une ressortissante bulgare avec laquelle il a eu un enfant né en 2012 ;

- il ne disposait plus de foyer en France dès lors que depuis son divorce en 2008, il n'exerçait plus de droit de garde à l'égard de son fils mineur, seulement un droit de visite et ne voyait sa fille majeure que deux fois par an ;

- dès lors que son foyer se situait en Bulgarie, le critère subsidiaire relatif au lieu de séjour principal n'est pas applicable et, en tout état de cause, le nombre de jours passés en France permet seulement de constater qu'il a été amené à se déplacer très régulièrement dans le monde et séjourne en Bulgarie, en France et dans d'autres pays ;

- au cours des années en litige il exerçait, à titre principal, une activité professionnelle en Bulgarie dès lors qu'il était salarié de la société IAKO Bulgaria et de la société Monea 2012 et que l'essentiel de ses revenus a été versé par ces deux sociétés ;

- s'il a effectué de nombreux déplacements en France, il n'y exerce aucune activité professionnelle et encore moins une activité professionnelle principale ;

- en application de la doctrine de l'administration publiée au BOI-IR-CHAMP-10 n° 220 en date du 12 septembre 2012, son activité principale doit être regardée comme exercée en Bulgarie dès lors que la plus grande part de ses revenus mondiaux ont été procurés par l'activité des sociétés bulgares ;

- le centre de ses intérêts économiques se situe en Bulgarie dès lors que la source essentielle de ses revenus est dans ce pays ;

- la documentation administrative publiée le 25 juin 2014 au BOI-IR-CHAMP-10 n° 230 et 250 prévoit qu'en cas de pluralité d'activités ou de sources de revenus, le centre des intérêts du contribuable se trouve dans le pays d'où l'intéressé tire la majeure partie de ses revenus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que la convention franco-bulgare du 14 mars 1987 ne fait pas obstacle à l'imposition en France des revenus de M. B... dès lors que celui-ci n'est pas résident bulgare au sens de l'article 1er de cette convention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la République française et la République populaire de Bulgarie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu en date du 14 mars 1987 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Nadia Zeudmi Sarahoui,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration a considéré que son domicile fiscal se situait en France en 2012 et 2013 et qu'il devait ainsi être soumis en France à l'impôt sur le revenu sur la totalité de ses revenus. Par deux propositions de rectification des 18 décembre 2015 et 9 juin 2016, l'administration fiscale lui a notifié des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré. Ces rectifications ont été confirmées par une réponse aux observations du contribuable du 25 octobre 2016. M. B... fait appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur l'application du droit interne :

2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt.

4. M. B... soutient qu'au cours des années en litige, il était salarié de la société de droit bulgare IAKO Bulgaria, qu'il a créée en avril 2010, qu'il est également devenu salarié de la société de droit bulgare Monea 2012 qu'il a créée en mai 2012 et que cette activité professionnelle, exercée à titre principal, lui a procuré la majeure partie de ses revenus.

5. Il résulte cependant de l'instruction que M. B... est également, en France, associé de l'EURL Altdiscount et en était le gérant depuis sa création jusqu'au 7 janvier 2012, date à laquelle la gérance de l'entreprise a été confiée à Mme A.... Au cours des années en litige, cette entreprise a remboursé à M. B... des frais de déplacement, correspondant à des voyages entre la France et la Bulgarie, à hauteur de 22 718 euros en 2012 et 16 182 euros en 2013. Il n'est pas contesté par le requérant que ces déplacements revêtaient un caractère professionnel. Le service a par ailleurs relevé, au cours du contrôle, que l'examen de la messagerie de la société Protech Industrie avait révélé l'existence de plusieurs courriels échangés entre M. B... et divers interlocuteurs, notamment l'expert-comptable de l'EURL Altdiscount et l'hébergeur d'un site internet, révélant que M. B... avait assuré en 2012 et 2013 la direction et la gestion de l'entreprise Altdiscount.

6. Il résulte également de l'instruction que M. B... était le gérant de fait de l'EURL Protech Industrie, entreprise ayant pour associé unique le frère du requérant et qui a été créée en 2010 à la suite du placement en liquidation judiciaire de la société Internationales Armatures qui avait pour associés M. B... et son frère. Il a été établi au cours du contrôle, par l'examen de la messagerie professionnelle de l'entreprise Protech Industrie, que M. B..., qui était présenté comme étant le patron par les secrétaires commerciales de l'entreprise, exerçait un pouvoir de décision et de direction à l'égard des salariés de cette société et qu'il était l'interlocuteur du comptable et de la commissaire aux comptes de l'entreprise. L'examen de la messagerie de la société Protech Industrie a également révélé que les déplacements réalisés par M. B... donnaient lieu au préalable à des échanges de courriels entre M. B... et les secrétaires commerciales de la société, que M. C... B..., frère du requérant, n'avait envoyé ou reçu aucun courriel au cours de la période vérifiée si ce n'est dans le cadre d'un abonnement à une lettre d'information et que M. B... était intervenu dans l'organisation du déménagement des locaux de l'entreprise Protech Industrie notamment en visitant les nouveaux locaux et en donnant ses instructions au personnel de l'entreprise pour le rangement des pièces. Contrairement à ce que soutient M. B..., si le nombre de courriels relevé par l'administration est très inférieur à celui que contenait la messagerie de la société, il est suffisant pour considérer que l'intéressé a exercé au sein de la société Protech Industrie les fonctions de gérant de fait. Ces éléments sont corroborés par la signature, par M. B..., d'un contrat de cession de pièces pour automobiles, le 1er juin 2012, avec la société Monea 2012, d'un contrat avec la banque HSBC pour la mise en place d'un service " transfert de fichiers " et d'une confirmation de réception de marchandises le 6 juillet 2012. Il a également été relevé que la société Protech Industrie avait pris en charge, au titre des années 2012 et 2013, des frais liés aux déplacements de M. B..., notamment entre la France et la Bulgarie, et que celui-ci utilisait la carte bleue rattachée à l'un des comptes bancaires de l'entreprise. Si le requérant soutient que ces déplacements étaient en réalité réalisés pour le compte de ses sociétés bulgares et que les frais liés à ces déplacements ont été pris en charge par la société Protech Industrie à la suite de travaux de sous-traitance réalisés par l'une de ces société bulgares et que ces déplacements sont également justifiés par la réalisation de " missions de sourcing ", il ne verse aucune pièce de nature à établir que ces frais n'ont pas été pris en charge par la société Protech Industrie dans le cadre de l'activité propre de cette société.

7. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. B... a assuré, au cours des années en litige, la gestion des sociétés Altdiscount et Protech Industrie alors même qu'il n'en était pas le gérant de droit. Si M. B... soutient que, contrairement à ce qu'a constaté l'administration, son activité professionnelle était exercée à titre principal auprès de ses sociétés bulgares, qui génèrent un important chiffre d'affaires et avec lesquelles il était lié par un contrat de travail, il a été établi par le service que les sociétés Monea 2012 et IAKO Bulgaria ont réalisé en 2012 et 2013 la quasi-totalité de leurs chiffres d'affaires via les société françaises Altdiscount et Protech Industrie qui étaient clientes de ces sociétés. Il a également été relevé que les opérations d'achats et prestations de service réalisées par les sociétés bulgares étaient en réalité préparées notamment par les secrétaires de la société Protech Industrie, donc depuis la France. Ainsi, la seule circonstance que M. B... avait conclu un contrat de travail avec la société IAKO Bulgaria, puis avec la société Monea 2012, sociétés qu'il a lui-même créées, n'est pas de nature à établir qu'il a effectivement exercé en Bulgarie à titre principal, une activité professionnelle pour ces sociétés. Enfin, la durée de présence significative en France de M. B... au cours des années en litige corrobore le fait que l'activité exercée auprès des sociétés Altdiscount et Protech Industrie était exercée à titre principal. Dès lors, l'administration a pu à bon droit considérer que le domicile fiscal de M. B... se situait en France au titre des années 2012 et 2013 en application des dispositions du b) du 1 de l'article 4 B du code général des impôts.

Sur le bénéfice de la documentation administrative :

8. M. B... se prévaut de la documentation administrative publiée au BOI-IR-CHAMP-10 n° 220 en date du 12 septembre 2012 qui prévoit que " Lorsque le contribuable exerce simultanément plusieurs professions ou la même profession dans plusieurs pays, l'intéressé est considéré comme domicilié en France s'il y exerce son activité principale. / L'activité principale s'entend de celle à laquelle le contribuable consacre le plus de temps effectif, même si elle ne dégage pas l'essentiel de ses revenus. / Dans l'hypothèse où un tel critère ne peut être appliqué, il convient de considérer que l'activité principale est celle qui procure à l'intéressé la plus grande part de ses revenus mondiaux. ".

9. Il résulte cependant des éléments exposés au point 7 du présent arrêt que l'activité professionnelle en France de M. B... doit être regardée comme ayant été exercée à titre principal en France en 2012 et 2013. Il n'y a, dès lors, pas lieu de rechercher quelle activité a procuré à l'intéressé la plus grande part de ses revenus mondiaux.

Sur l'application de la convention franco-bulgare :

10. Aux termes de l'article 1er de la convention entre la République française et la République populaire de Bulgarie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu en date du 14 mars 1987 : " 1. La présente Convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou des deux Etats contractants. / 2. Au sens de la présente Convention, sont considérés comme résidents : / a) De la République populaire de Bulgarie, les personnes physiques qui ont la nationalité de la République populaire de Bulgarie, les personnes morales et groupements de personnes ayant leur siège en République populaire de Bulgarie ou y étant enregistrés ; / b) De la République française, les personnes qui, en vertu de la législation française, sont assujetties à l'impôt en France en raison de leur domicile, de leur résidence, de leur siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. ".

11. M. B... n'ayant pas la nationalité bulgare, il ne peut être regardé comme étant résident de la République populaire de Bulgarie, de sorte que les stipulations de la convention précitée ne font pas obstacle à l'application de la loi fiscale française et à l'imposition en France des revenus perçus par l'intéressé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île de France et de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2024.

La rapporteure,

N. ZEUDMI SAHRAOUILe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02453
Date de la décision : 10/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : G&P AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-10;22pa02453 ?
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