La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2023 | FRANCE | N°22PA03172

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 novembre 2023, 22PA03172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Kinor a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, d'autre part, la réduction de la retenue à la source, du prélèvement forfaitaire non libératoire appliqués au titre des ann

es 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Kinor a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, d'autre part, la réduction de la retenue à la source, du prélèvement forfaitaire non libératoire appliqués au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2014915/9 du 12 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 juillet 2022 et 17 janvier 2023, la société Kinor, représentée par Me Jacques Guillot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 12 mai 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 893 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le redressement de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros, le rejet d'une charge de 1 995,78 euros, et le rejet de la facture Kechet de 15 000 euros ne sont pas régulièrement motivés ;

- une partie des dividendes attribués au titre de l'année 2016 ayant été versée en 2015 sous forme d'avance, celle-ci ne peut être prise en compte pour établir ces impositions en 2016 ;

- la doctrine administrative référencée 5 I 321 n° 1 1-12-1997, BOI-RPPM-RCM 20-10-10 n° 1, 20-12-2019 assimile l'inscription au crédit d'un compte à un encaissement ;

- la base de calcul de la retenue à la source est erronée ;

- les prélèvements sociaux doivent être réduits en conséquence ;

- la somme de 12 500,21 euros ne correspond pas à une dette de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la taxe déductible à régulariser avait été déduite au titre d'une période prescrite ;

- une écriture de régularisation n'a pas été prise en compte ;

- elle justifie des dépenses de location de salle et de la taxe déductible correspondante ;

- elle justifie du caractère déductible des charges remises en cause par le vérificateur au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ;

- elle conteste par voie de conséquence le redressement au titre du profit sur le Trésor ainsi que les pénalités.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Kinor, qui exerce une activité de traiteur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, ainsi qu'à la réduction de la retenue à la source et du prélèvement forfaitaire non libératoire appliqués au titre des années 2015 et 2016, à la suite de ce contrôle.

Sur la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

3. La proposition de rectification en date du 22 décembre 2017 notifiée à la société requérante comporte la mention des références des textes et énonce les règles sur le fondement desquelles les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été établis. Le redressement de 12 500,21 euros y est justifié par le fait qu'une partie de la taxe collectée n'a pas été portée dans les déclarations de chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2015. La circonstance que par l'effet d'une erreur matérielle, il a été indiqué que la somme de 12 500,21 euros correspondait à un solde de taxe sur la valeur ajoutée débiteur, au lieu d'un solde créditeur, ne pouvait pas par elle-même faire obstacle à ce que la société puisse formuler utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par un courrier du 26 février 2018. La réintégration dans le résultat taxable à l'impôt sur les sociétés de charges précisément identifiées à l'annexe 1 de la proposition de rectification pour des montants de 1 995,78 euros et de 15 000 euros a été motivée respectivement par le fait que la charge n'avait pas été engagée dans l'intérêt de l'entreprise et qu'elle n'était pas justifiée. La société requérante a ainsi disposé de l'ensemble des informations nécessaires pour contester utilement les impositions en litige, quand bien même certaines informations figurant sur la proposition de rectification seraient erronées. Il suit de là que les dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification (...) le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que par sa lettre d'observations en date du 26 février 2018, la société requérante a expressément accepté les rehaussements figurant dans la proposition de rectification en date du 22 décembre 2017, en tant qu'ils concernent, d'une part, la retenue à la source prévue par l'article 119 bis du code général des impôts, le prélèvement forfaitaire non libératoire à l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux sur les dividendes, d'autre part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur un montant de taxe collectée non reversée ainsi que sur un montant de taxe déductible estimée fictive par l'administration et, enfin, les rectifications de la base taxable à l'impôt sur les sociétés fondées sur l'existence d'un profit sur le Trésor limité aux montants de 11 258 euros, 35 598 euros et 25 953 euros respectivement pour chacun des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Dès lors, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales la société requérante supporte, dans cette mesure, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste. Pour le surplus, la charge de la preuve du bien-fondé des rehaussements appartient à l'administration.

En ce qui concerne les impositions résultant de la distribution de dividendes :

6. Il est constant que la SARL Kinor, dont le capital est détenu à parts égales par ses deux associés, M. D... B..., domicilié en France, et Mme C... A... épouse B... domiciliée en Israël, a procédé au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016 à la distribution de dividendes à ses deux associés tout en omettant de déposer auprès des services fiscaux les déclarations se rapportant, en ce qui concerne le premier de ces associés, au prélèvement libératoire de 21 % prévu par l'article 117 quater du code général des impôts et aux prélèvements sociaux constitués par la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les contributions additionnelles correspondantes et, en ce qui concerne la seconde associée, à la retenue à la source prévue par les dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts.

7. D'une part, la société requérante soutient que, pour ce qui concerne l'année 2016, l'administration ne pouvait calculer ces impositions sur la base de dividendes d'un montant global de 126 775 euros, dès lors qu'en vertu d'une décision de son assemblée générale du 31 mars 2016, et après déduction des sommes de 8 525 euros et de 8 250 euros représentatives de la retenue à la source inscrites au compte n° 45700 " retenue à la source à payer ", une somme de 110 000 euros a été inscrite le 30 septembre 2016 au crédit du compte n° 45710 " acomptes sur dividendes " autorisant ainsi en 2015 la distribution anticipée de dividendes de l'année 2016 à hauteur de 42 232 euros, de sorte que les dividendes versés aux associés en 2016 sont d'un montant de 67 800 euros, réparti également entre eux. Elle fait valoir qu'en conséquence et par application des articles 12 et 156 du code général des impôts, la base d'imposition des dividendes distribués en 2016 doit être de 33 900 euros pour chacun des associés. A l'appui de ses allégations elle se borne toutefois à produire des inscriptions figurant au grand livre général de l'exercice clos en 2016 retraçant les opérations effectuées sur le compte n° 45710. Si ces écritures comptables sont de nature à établir que des opérations de débit ont été effectuées tout au long de cet exercice depuis ce compte, elles ne suffisent pas, en l'absence notamment de production d'une décision de l'assemblée générale de la société autorisant le versement de telles avances, à justifier l'existence de l'avance de distribution invoquée. Au demeurant, il ressort de ces écritures comptables que le plus souvent le bénéficiaire des sommes n'est pas identifié ni identifiable, sous réserve de quelques virements faisant apparaitre que les bénéficiaires sont, selon les cas, l'un ou l'autre des associés. Ainsi, la SARL Kinor n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que l'assiette de calcul des impositions en litige au titre de l'année 2016 devrait être réduite en défalquant des dividendes distribués par anticipation au cours de l'année précédente. La doctrine administrative référencée 5 I 321 n° 1 1-12-1997 et BOI-RPPM-RCM 20-10-10 n° 1 20-12-2019 qui assimile l'inscription au crédit d'un compte courant d'associé à un encaissement ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

8. D'autre part, aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " 1. Les revenus de capitaux mobiliers entrant dans les prévisions des articles 118, 119, 238 septies B et 1678 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187, lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui ont leur siège en France ou à l'étranger ou qui n'ont pas leur domicile fiscal en France (...) ". Aux termes de l'article 187 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions du 2, le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : / (...) 15 % pour les revenus visés au 1° de l'article 118 (...) ".

9. La SARL Kinor soutient que la retenue à la source déterminée au titre des années 2015 et 2016 aurait dû être calculée sur la base des dividendes effectivement perçus, nets de retenue à la source, soit respectivement les sommes de 16 102,50 euros et de 33 900 euros. Toutefois, pour l'application des dispositions précitées de l'article 119 bis du code général des impôts, si la retenue à la source devait, en l'espèce, être liquidée au taux conventionnel de 15 % sur la somme correspondant au " montant brut des revenus mis en paiement " au sens de l'article 48 de l'annexe II au code général des impôts dès lors qu'il est constant que ce prélèvement n'avait pas été acquitté spontanément par la société Kinor, le montant brut des dividendes mis en paiement devait comprendre, en plus des produits effectivement versés à Mme A..., un montant égal à l'avantage résultant, pour cette dernière, de ce que la somme ainsi reçue n'avait pas supporté la retenue à la source. C'est par suite à bon droit que le taux de la retenue à la source appliqué aux sommes versées pour tenir compte de cet avantage a été fixé à 15/85ème par l'administration. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 7., la société requérante ne justifie pas de la réduction de la base d'imposition qu'elle invoque. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que pour ce motif la retenue à la source aurait été calculée sur une base erronée.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

10. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) ".

11. L'administration a déduit des écritures comptables de la société requérante que celle-ci avait omis de déclarer et de reverser au Trésor, au titre de l'exercice clos en 2015, un montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros. Si la société requérante soutient que cette dette est inexistante dès lors que le vérificateur a constaté que cette somme constituait un solde débiteur de taxe, il résulte de l'instruction que la constatation d'un solde débiteur de taxe procède d'une erreur matérielle consistant pour l'administration à inverser la colonne débit et la colonne crédit du compte de taxe sur la valeur ajoutée collectée. La société requérante n'apporte dès lors pas la preuve qui lui incombe de ce que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 12 500 euros serait injustifié.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

12. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1- La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. - 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; ". Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti ne peut exercer son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les éléments du prix d'une opération imposable que lorsqu'il s'est acquitté du prix demandé pour les biens qui lui ont été livrés ou pour les services qui lui ont été rendus et qu'il détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée.

13. En premier lieu, l'administration a remis en cause au titre respectivement des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 11 257,75 euros, 23 097,82 euros et 25 953,17 euros, estimant, au vu de soldes créditeurs constatés au compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible, lesquels sont de nature à faire présumer que le contribuable a déduit plus de taxe sur la valeur ajoutée qu'il n'était en droit de le faire, que ces montants, qui résultaient d'une majoration de la taxe déductible dont la société requérante disposait au regard des opérations qu'elle avait réalisées, étaient constitutifs d'une taxe sur la valeur ajoutée fictive. Il appartient en conséquence à la société Kinor d'établir que le rappel est exagéré au regard des droits à déduction de taxe dont elle disposait effectivement au cours de cette période.

14. La SARL Kinor soutient d'une part, en ce qui concerne l'exercice clos en 2014, que la taxe sur la valeur ajoutée déductible en cause comprend un montant de 8 076,95 euros, qui figurait en taxe à régulariser lors de l'exercice précédent qui était prescrit lors du contrôle fiscal. Toutefois, en se bornant à produire un extrait du grand livre général sur lequel figure au 1er octobre 2013 un montant de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser de 8 076,95 euros inscrit au crédit du compte n° 44566 puis au débit du compte n° 44580, non étayé par des pièces permettant de connaître la nature de cette somme et a fortiori de justifier qu'il s'agissait d'une taxe déduite à tort au titre d'une période prescrite, la société requérante n'établit pas que la somme retenue par le service au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort au cours de l'exercice clos en 2014 aurait été exagérée.

15. La SARL Kinor soutient d'autre part, en ce qui concerne l'exercice clos en 2015, que le solde du compte à régulariser est de 25 823,28 euros, et non 46 855,78 euros, dès lors que l'administration aurait dû prendre en compte une écriture de 21 032,50 euros portée au compte " TVA à régulariser " au 1er octobre 2014. Il résulte toutefois de l'instruction que pour rappeler à hauteur de 23 097,82 euros le montant de taxe déductible en litige, l'administration fiscale s'est fondée sur une opération d'extourne de 34 355,57 euros qui avait artificiellement fait disparaitre le solde créditeur du compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible au 30 septembre 2015, et diminué le rappel d'un " à nouveau " de 11 257,75 euros correspondant à la taxe déduite à tort et déjà redressée au titre de l'exercice précédent. En se bornant à produire un extrait du grand livre général sur lequel figurent au 30 septembre 2015 au crédit du compte n° 44580, un montant de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser de 46 855,78 euros ainsi qu'un solde de 25 823,28 euros après déduction d'un montant de 21 032,50 euros qui était inscrit au débit du compte au 1er octobre 2014, sans fournir le moindre élément permettant d'apprécier la consistance de ces écritures au regard du rappel effectué par le service, la société requérante n'établit pas l'exagération des sommes rappelées à ce titre.

16. En second lieu, l'administration a remis en cause au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible qu'elle a estimés dépourvus de pièces justificatives. La SARL Kinor conteste le refus de prise en compte par l'administration au titre de l'exercice clos en 2014 de la taxe ayant grevé une dépense de 22 875 euros hors taxes correspondant à une location de salle. Les duplicatas de factures de l'entreprise Hilton produites à ce titre ne sont pas libellés au nom de la société requérante et ne sauraient suffire à ouvrir à cette dernière un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qu'ils mentionnent. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction, au regard du libellé de ces documents, que les dépenses correspondantes aient été engagées pour les besoins des opérations imposables, les factures produites par la société à destination de ses clients ne permettant pas le recoupement entre la date des prestations fournies à ses derniers et la date des prestations acquises auprès de l'entreprise Hilton. D'autre part, la facture de l'entreprise Marriott a été établie en novembre 2015 et ne comporte aucune mention permettant d'établir ainsi que le soutient la société, qu'il s'agirait d'un duplicata établi à cette date. La société requérante ne disposait par suite pas, au titre de la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 au titre de laquelle elle a déduit la taxe correspondante, d'une facture lui permettant d'exercer son droit à déduction conformément aux dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit estimer que la dépense de 22 875 euros ne pouvait ouvrir droit à une taxe sur la valeur ajoutée déductible pour la société requérante et remettre en cause par voie de conséquence le montant de taxe déduit à tort.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

17. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

18. En premier lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2015, de charges pour un montant de 10 900 euros et 11 750 euros, et, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge de 8 289,30 euros au motif qu'elle étaient dépourvues de justificatifs. La société requérante soutient que dans sa lettre du 29 mars 2018 en réponse à ses observations l'administration a abandonné les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à ces dépenses. Toutefois, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur jugement à cet égard, la seule circonstance que l'administration ait renoncé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée concernant les dépenses mentionnées ci-dessus ne suffit pas à établir que celles-ci constitueraient des charges déductibles du résultat imposable. Les observations de la société relatives aux écritures comptables constatées à l'ouverture de l'exercice suivant en ce qui concerne la somme de 11 750 euros ne sont pas de nature à justifier du bien-fondé de l'écriture de charge constatée au titre de l'exercice clos en 2015. Le moyen tiré de ce que " la réception des factures de charges par la société confirme la validité de factures à recevoir à la clôture de l'exercice 2014/2015 " n'est pas assorti des pièces justificatives permettant d'en apprécier le bien-fondé et la portée.

19. En deuxième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2014 et 2015, de charges de montants respectifs de 420,95 euros correspondant à une prestation fournie par l'entreprise Mercedes et de 1 308,60 euros correspondant à une prestation fournie par l'entreprise Regul Family Flor, après avoir relevé que les factures produites pour en justifier étaient libellées au nom de " Kinor Décor ". La société requérante soutient que la première de ces factures a été libellée par erreur au nom de " Kinor Décor " et que la seconde correspond à une prestation de fourniture de fleurs réalisée par l'entreprise Kinor Décor, qu'elle a payée. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir de manière probante qu'elle aurait été bénéficiaire des prestations ainsi facturées, de sorte que tant l'administration que les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point, ont pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable.

20. En troisième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2015 et 2016, de charges de montants respectifs de 18 500 euros et 15 000 euros correspondant à des dépenses engagées auprès de l'entreprise Kechet, après avoir estimé, pour la première de ces dépenses qu'aucun justificatif n'était fourni et, pour la seconde, que la société requérante avait produit une facture qui n'était pas rédigée en langue française. Si la SARL Kinor fait valoir que ces dépenses correspondent à l'achat de produits alimentaires casher nécessaires à son activité de traiteur et produit pour ces deux dépenses des factures assorties d'une traduction, ces factures, dont le destinataire est désigné par la seule formule " dear Kinor France ", ne peuvent en tout état de cause être regardées comme étant libellées au nom de la société requérante, et aucun élément du dossier ne permet de constater que la société requérante a effectivement bénéficié de contreparties en échange du paiement de ces factures. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable.

21. En quatrième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre des exercices clos en 2015 et 2016, de charges de montants respectifs de 1 995,78 euros et 1 410,12 euros correspondant à des dépenses de voyages en Israël facturées par l'entreprise Baltard Tourisme 2001, les estimant sans lien avec l'intérêt de la société et ainsi, en tout état de cause, injustifiées. La SARL Kinor soutient que ces dépenses correspondent à des voyages professionnels effectués en Israël afin de rencontrer des fournisseurs et des partenaires dans le cadre de son développement commercial. Toutefois, les factures de cette entreprise de voyages, qu'elle verse aux débats, sont libellées au seul nom de M. D... B..., gérant de la société, et elle ne fournit en outre aucun justificatif permettant d'établir que ces voyages présenteraient un lien avec son activité, et notamment aucune information sur les fonctions exercées dans la société par les autres participants à ces voyages. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable.

22. En cinquième lieu, l'administration a remis en cause la déduction de diverses charges correspondant à des dépenses de voyages et de séjours en Espagne, organisés selon les dires de la société requérante lors de la fête religieuse de Pessah afin de fidéliser sa clientèle et de promouvoir son image. La SARL Kinor soutient que la dépense de 1 060 euros engagée auprès de l'opérateur Transavia correspondant à un trajet aller et retour entre Paris et Malaga concerne un séjour effectué par trois membres de son personnel à l'occasion de la fête de Pessah et non par des clients. Toutefois, elle se borne à alléguer qu'elle organise des séjours en Espagne pour fidéliser et développer sa clientèle sans apporter d'éléments permettant de justifier précisément du but de ce voyage, ni d'ailleurs établir que les voyageurs appartiendraient à son personnel. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit estimer que les dépenses correspondantes ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable.

23. En sixième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, de charges de montants de 300 euros et de 10 000 euros correspondant à des dépenses engagées auprès des entreprises Hôtel IPV et Yossi Apport Affaire Hadad, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor soutient qu'il est établi qu'elle a accueilli un groupe à l'hôtel IPV en Espagne, mais sans produire la facture qu'elle prétend avoir fournie. En outre, elle allègue avoir engagé la seconde de ces dépenses pour l'organisation de l'opération " repas casher " lors d'un séjour en Espagne, dans le cadre des fêtes de Pessah, en précisant que le paiement a été effectué par un tiers, qu'elle a remboursé ensuite, mais ne produit pas davantage de justificatif. Dès lors, l'administration a pu à bon droit estimer que ces dépenses ne constituaient pas des charges déductibles de son résultat imposable.

24. En septième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge d'un montant de 1 389,84 euros correspondant à une dépense engagée auprès de l'entreprise Shlomo Rent a Car, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor soutient toutefois que cette dépense correspond à une location de voiture en Israël, en se prévalant à ce titre d'une facture datée du 30 août 2016. Toutefois, si elle allègue que cette location est intervenue à l'occasion d'un déplacement professionnel effectué dans ce pays par son gérant, M. B..., elle n'apporte aucun élément pour justifier du lien entre cette location et son activité. Il suit de là que l'administration a pu à bon droit estimer que cette dépense ne constituait pas une charge déductible de son résultat imposable.

25. En huitième lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2016, d'une charge d'un montant de 2 421,03 euros correspondant à un ajustement constaté dans ses écritures comptables au 1er octobre 2015, après avoir relevé qu'aucun justificatif n'était fourni. La SARL Kinor ne produit aucune pièce susceptible de justifier la réalité de cette charge et se borne à soutenir que cette somme correspond à une écriture d'opérations diverses qui comporte une contrepartie qui n'a pas été indiquée par le vérificateur. En l'absence du moindre élément concret susceptible de justifier du bien-fondé de cette écriture ou d'établir que l'écriture en cause a été sans effet sur le résultat imposable, la société requérante ne conteste pas valablement le rehaussement litigieux.

26. En dernier lieu, l'administration a remis en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2014, d'une charge de location de salle d'un montant de 22 875 euros. Si la SARL Kinor soutient que cette charge est justifiée par les factures qui ont été produites, ces documents, ainsi qu'il a été dit au point 16., sont dépourvus de caractère probant. Par suite, l'administration a pu à bon droit estimer qu'une telle dépense ne constituait pas une charge déductible de son résultat imposable.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kinor n'est pas fondée à contester par voie de conséquence les prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie, le redressement dont elle a fait l'objet au titre du profit sur le Trésor non plus que les pénalités mises à sa charge, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Kinor est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kinor et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe 22 novembre 2023.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03172 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03172
Date de la décision : 22/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : GUILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-22;22pa03172 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award