Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté en date du 17 janvier 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201428 du 28 mars 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Pierot, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2023 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 17 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 2 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de motivation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de faits ;
- elle est entachée de défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 -1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne, laquelle n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 12 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant nigérian né le 14 février 1988, entré en France le 15 août 2016, a vu sa demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 5 août 2021. Par un arrêté du 17 janvier 2022, la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le premier juge a répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des moyens soulevés en première instance par M. B.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation ne peut donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3°; (...) " et de l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. (...) Lorsque l'étranger conteste une décision portant obligation de quitter le territoire fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. ". Et aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ".
4. En premier lieu, la décision contestée du 17 janvier 2022 de la préfète du Val-de-Marne mentionne de façon suffisamment précise les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et notamment que l'intéressé a vu sa demande d'asile rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 août 2021 et que la décision prise ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale. Il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne ne se serait pas livrée à un examen sérieux et complet de la situation du requérant, alors qu'il n'établit pas au surplus avoir informé la préfète de l'évolution de sa situation familiale entre le 10 août 2021 et le 17 janvier 2022.
5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'erreur de fait doit être écarté comme non assorti des précisions suffisantes permettant au juge administratif d'en apprécier le bien-fondé.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Si le requérant soutient qu'il vit en France depuis cinq ans et qu'il est le père d'un enfant, né le 26 juillet 2022 de sa relation avec une compatriote, reconnue réfugiée le 28 octobre 2019, il est constant qu'il n'a reconnu la paternité de son enfant que le 25 mars 2022, soit plus de deux mois après la décision attaquée. Comme l'a relevé le premier juge, sa durée de présence en France n'est que la résultante des délais d'examen de ses demandes d'asile successives par les instances compétentes. De plus, il résulte de ses propres écritures qu'il ne réside pas avec la mère de son enfant. S'il se prévaut aussi de son travail de coiffeur dans un établissement de Villiers-le-Bel, en tout état de cause, cette activité n'a débuté que le 1er janvier 2022 soit quelques jours avant l'arrêté attaqué, alors d'ailleurs qu'elle s'est terminée à la fin du premier semestre 2022 Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne a méconnu, en prenant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit au point 7, que M. B... n'a reconnu son fils, né le 26 juillet 2022, que le 25 mars 2022 soit plus de deux mois après l'arrêté attaqué et qu'il ne réside pas avec la mère de son enfant. Dès lors, il n'est pas non plus fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, à la date à laquelle elle a été prise, a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 à 9 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le Nigéria comme pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03093