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20/11/2023 | FRANCE | N°22PA05364

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 novembre 2023, 22PA05364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2221807 du 9 décembre 2

022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a prononcé un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2221807 du 9 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. A... B... en vue de l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté du 17 octobre 2022 du préfet de la Moselle, enjoint au préfet territorialement compétent d'examiner à nouveau la situation administrative de M. A... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement du 9 décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. A... B... présentée devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- durant son audition, M. A... B... n'a pas évoqué son état de santé et il n'a porté à la connaissance de l'administration aucun élément sérieux et circonstancié concernant son état de santé ; il n'a pas demandé à rencontrer un médecin avant son audition aux fins de vérification de son droit au séjour ;

- M. A... B... n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier effectivement d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine par la production d'un document relativement ancien et rédigé en espagnol ; il ressort d'un rapport d'ONUSIDA de 2021 que 80 % de la population péruvienne infectée par le VIH bénéficie d'un traitement par des antirétroviraux et de l'article de RFI du 1er décembre 2022 que les traitements sont gratuits au Pérou depuis 2004 ; en tout état de cause, l'absence de traitement médical identique à celui dont il a bénéficié en France ne permet pas d'établir une absence de traitement et de prise en charge médicale adaptés à son état de santé au Pérou ; M. A... B... ne rentrait donc pas dans le champ d'application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; par suite, il n'était pas tenu de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il renvoie à ses écritures de première instance concernant les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal.

La requête a été communiquée à M. A... B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., de nationalité péruvienne, né le 6 juillet 1994 à Lambayeque (Pérou), entré en France en septembre 2021 selon ses déclarations, a été interpellé le 17 octobre 2022 par les services de la police aux frontières de Metz à l'issue d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du 17 octobre 2022, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement du 9 décembre 2022, dont le préfet de la Moselle relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat établi le 21 octobre 2022 par un praticien hospitalier de l'hôpital Ambroise Paré, postérieur à la décision contestée mais se référant à une situation antérieure et qui peut donc être pris en compte dans le présent litige, que M. A... B... présente une infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) de stade B diagnostiquée en février 2021, qu'il est pris en charge par le service de médecine interne de l'hôpital Ambroise Paré depuis novembre 2021 et que le traitement médicamenteux quotidien qui lui est prescrit est composé de trois molécules, le bictégravir, le lamivudine et le tenovofir alafenamide. Ce certificat médical mentionne en outre que l'absence de prise en charge médicale " pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité avec une mise en jeu du pronostic vital ". Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... B..., le premier juge a estimé que le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé établit, notamment par la production de ce certificat médical, la nécessité de la prise quotidienne de son traitement et des conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait entraîner l'interruption de cette trithérapie, que la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou établie par le ministre de la santé le 28 décembre 2018 versée au dossier par l'intéressé ne comprend qu'une des trois molécules composant son traitement médicamenteux et que le préfet de la Moselle n'apportait aucun élément de nature à remettre en cause ni la gravité de la pathologie de l'intéressé, ni l'indisponibilité alléguée des soins dans son pays d'origine.

4. Pour contester le motif d'annulation retenu par le premier juge rappelé au point précédent, le préfet de la Moselle soutient que la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou établie le 28 décembre 2018 est rédigée en espagnol, et serait ainsi difficilement incompréhensible pour les non-hispanophones, et relativement ancienne. Il produit pour la première fois en appel la " fiche pays " du Pérou en date de 2021 établie dans le cadre du programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) qui mentionne notamment que 72 000 adultes sont infectés par le VIH dont 81 % bénéficient d'un traitement antiviral ainsi qu'un article de presse de RFI de 2021 mentionnant que les traitements contre le VIH sont gratuits au Pérou. Toutefois, ces considérations générales ne permettent pas d'établir que M. A... B..., qui présente ainsi qu'il a déjà été dit une infection par le VIH de stade B, pourrait effectivement bénéficier d'un traitement médicamenteux adapté à son état de santé au Pérou alors que deux des trois molécules composant sa trithérapie ne sont pas mentionnées sur la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou du 28 décembre 2018. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle, qui ne conteste pas que l'état de santé de M. A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'est pas fondé à soutenir que l'intéressé ne rentrait pas dans le champ d'application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, même si M. A... B... n'a pas demandé à rencontrer un médecin avant son audition par les services de police, ni présenté d'éléments d'information suffisamment précis sur son état de santé pendant son audition ainsi que le soutient le préfet de la Moselle, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire français.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 octobre 2022.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER La présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05364 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05364
Date de la décision : 20/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-20;22pa05364 ?
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