La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2023 | FRANCE | N°22PA00833

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 novembre 2023, 22PA00833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1904495, M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 octobre 2018 par laquelle la sous-directrice des personnels de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018 et de ses arrêts de travail du 26 juin 2018 au 11 novembre 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision.
<

br>Par une demande enregistrée sous le n° 1919123, M. A... H... a demandé au tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1904495, M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 octobre 2018 par laquelle la sous-directrice des personnels de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018 et de ses arrêts de travail du 26 juin 2018 au 11 novembre 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision.

Par une demande enregistrée sous le n° 1919123, M. A... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 4 mars 2019 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 27 juin 2019, ainsi que la décision du 27 décembre 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a explicitement rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif.

Par un jugement n°s 1904495, 1919123 du 21 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 février et 27 octobre 2022, M. H..., représenté par le cabinet Cassel, demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler le jugement du 21 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2018 du ministre de la transition écologique et solidaire refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018 et de ses arrêts de travail du 26 juin au 11 novembre 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 4 mars 2019 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 27 juin 2019 contre cette décision, ensemble la décision du 27 décembre 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire rejetant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif ;

4°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 25 juin 2018 et de prendre en charge les soins et arrêts de travail en découlant, et en toute hypothèse de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif et de prendre en charge les soins et arrêts de travail en découlant, et en toute hypothèse de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

Sur le refus de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018 :

- la décision du 25 octobre 2018 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été informé de son droit à obtenir communication du rapport du médecin agréé par l'administration ;

- les éléments relatifs à une prise en charge psychothérapique depuis 2007 et à la prescription d'un traitement médicamenteux par Effexor depuis 2011 mentionnés dans le rapport du 10 octobre 2018 du Dr D..., qui est placé dans une relation de subordination vis-à-vis de l'administration, sont erronés ;

- la décision contestée est entachée d'erreur dans la qualification juridique des faits et d'erreur d'appréciation dès lors que l'accident dont il a été victime le 25 juin 2018, dans l'exercice de ses fonctions, sur son lieu et aux heures de travail, est imputable au service ainsi que les arrêts de travail subséquents ;

Sur le refus de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif :

- le refus de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif est entaché d'erreur dans la qualification juridique des faits et d'erreur d'appréciation dès lors que les arrêts de travail dont il fait l'objet depuis le 26 juin 2018 sont imputables à un syndrome anxio-dépressif, lui-même imputable à ses conditions de travail et du harcèlement moral dont il a été victime, d'une part, et à son accident de service du 25 juin 2018, d'autre part.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, représenté par la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Joly, représentant le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., attaché d'administration de l'Etat, est affecté depuis 2011 à la direction de la sécurité de l'aviation civile, service rattaché à la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et exerce, depuis juillet 2015, les fonctions de chef du pôle achats et logistiques. Après avoir été placé en arrêt de travail le 26 juin 2018, il a adressé à son employeur, le 11 juillet 2018, une déclaration d'accident de service en raison d'une dépression sévère réactionnelle consécutive à une altercation survenue sur son lieu de travail le 25 juin 2018. Le 19 octobre 2018, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la demande présentée par M. H.... Par une décision du 25 octobre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 26 juin 2018 de l'intéressé ainsi que la prise en charge des arrêts de travail y afférents. Le 6 novembre 2018, M. H... a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. Par un courrier du 28 février 2019, reçu le 4 mars 2019, M. H... a sollicité de l'administration la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif. Le 25 juin 2019, il a formé un recours gracieux contre la décision implicite rejetant sa demande. Par une décision du 27 décembre 2019, prise après avis défavorable de la commission de réforme du 15 novembre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif. Par un jugement du 21 janvier 2022, dont M. H... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande à fin d'annulation de ces décisions.

Sur le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 25 juin 2018 et de prise en charge des arrêts de travail subséquents :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable à la date du litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".

3. En premier lieu, M. H... se borne à reproduire en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen, qu'il a développé dans sa demande de première instance, tiré de ce que la décision du 25 octobre 2018 serait entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'aurait pas été informé de son droit à obtenir communication du rapport du médecin agréé qui l'a examiné. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 4 du jugement, d'écarter ce moyen repris en appel par M. H....

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, dans sa version applicable à la date du litige : " Le médecin de prévention exerce son activité médicale, en toute indépendance et dans le respect des dispositions du Code de déontologie médicale fixé par le décret du 28 juin 1979 susvisé et du Code de la santé publique. Il agit dans l'intérêt exclusif de la santé et de la sécurité des agents dont il assure la surveillance médicale. Le médecin de prévention doit être distinct des médecins chargés des visites d'aptitude physique au sens des dispositions de l'article 20 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et des médecins de contrôle. ". Aux termes de l'article R. 4127-95 du code de la santé publique : " Le fait pour un médecin d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à un autre médecin, une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n'enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance de ses décisions. /En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part du médecin, de l'entreprise ou de l'organisme qui l'emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l'intérêt de la santé publique et dans l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce. ".

5. M. H... soutient pour la première fois en appel que, d'une part, le Dr D..., en sa qualité de médecin de prévention de la direction générale de l'aviation civile, serait placée dans un lien de subordination vis-à-vis de l'administration, notamment à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. E..., avec lequel il est en conflit, qui de par ses fonctions de directeur de la gestion des ressources déciderait de l'attribution des moyens financiers au service de médecine de prévention et, d'autre part, le rapport du Dr D..., établi le 10 octobre 2018, comporte des mentions erronées quant à une prise en charge psychothérapique qui aurait débuté en 2007 et à la prescription d'un traitement par Effexor en 2011. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le Dr D..., qui est soumise à des obligations déontologiques garantissant son impartialité et son indépendance en vertu des dispositions de l'article 11-1 du décret du 28 mai 1982 et de l'article R. 4127-95 du code de la santé publique citées au point 4, aurait méconnu son obligation professionnelle tenant à l'indépendance de ses décisions et qu'elle aurait agi en méconnaissance de l'intérêt de l'intéressé et de sa sécurité au sein de son service. La circonstance que ni le Dr C... dans son rapport d'expertise du 12 octobre 2018, ni même le Dr G... dans son rapport du 6 novembre 2019 n'ont repris les éléments mentionnés par le Dr D... tenant à une prise en charge psychothérapique débutée en 2007 et à la prescription d'un antidépresseur en 2011 n'est pas de nature à établir que ces éléments seraient erronés alors que les mentions de ces rapports d'expertise concernant l'historique de la maladie et ses traitements sont issues des déclarations de l'intéressé. En outre, le requérant ne verse au dossier aucune pièce permettant d'établir que ces éléments relevés par le médecin de prévention à partir également de ses propres déclarations lors de consultations et repris dans son rapport du 10 octobre 2018 seraient erronés. Dans ces conditions, le rapport du Dr D... du 10 octobre 2018, qui constitue une des pièces du dossier, doit être retenu à titre d'élément d'information.

6. En troisième lieu, si le requérant entend soutenir que le rapport du 12 octobre 2018 du Dr C..., psychiatre agréé désigné par l'administration, est intervenu trop tardivement pour pouvoir apprécier la gravité des conséquences pour sa santé de l'événement survenu le 25 juin 2018, ce rapport a été établi au vu de l'examen de l'intéressé le 12 octobre 2018, de la déclaration de l'intéressé le 11 juillet 2018 sur l'accident de travail, des certificats médicaux du Dr F... des 11 juillet, 21 août et 17 septembre 2018 et de la déclaration de l'accident de service du 1er août 2018. Dans ces conditions, même si son rapport est intervenu plus de trois mois après l'événement du 25 juin 2018, le Dr C... disposait des éléments suffisants pour remplir sa mission préalablement à la réunion de la commission de réforme du 19 octobre 2018. Il s'ensuit que ce rapport, qui comme le rapport du Dr D... du 10 octobre 2018 constitue une des pièces du dossier, doit être retenu à titre d'élément d'information.

7. En quatrième lieu, constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point 2, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

8. Il ressort des pièces du dossier que le 25 juin 2018, alors que le supérieur hiérarchique de M. H..., M. E..., qui sortait d'un conseil de direction, se trouvait dans le couloir devant le bureau de l'intéressé, un vif échange a eu lieu entre les deux agents au sujet d'une agent intérimaire qui aurait été en conflit avec M. H... et son équipe. M. H... soutient que le comportement de M. E... a excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Cependant, la déclaration d'accident de service présentée par M. H... le 11 juillet 2018 et la main courante qu'il a déposée le 20 août 2018 sont peu circonstanciées quant au déroulé et à la teneur des propos tenus lors de cet échange qui ne sont, par ailleurs, étayés par aucun témoignage ni par aucune autre pièce du dossier. Dans ces conditions, l'événement survenu le 25 juin 2018 ne saurait être regardé comme ayant donné lieu à un comportement ou à des propos de M. E... excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, il ressort des écritures de M. H... qu'il entretenait des relations conflictuelles, ou à tout le moins tendues, avec M. E... depuis la fin de l'année 2015, dans un contexte de travail marqué par un sous-effectif au sein du pôle achats et logistiques dont il est le responsable. Il ressort également du rapport du 12 octobre 2018 du Dr C..., psychiatre agréé, que le requérant présente une " pathologie anxio-dépressive avec des éléments de gravité évoluant depuis plusieurs mois, l'altercation avec son chef apparaissant comme l'élément déclenchant de la décompensation de cet état antérieur ". En outre, le Dr D... a mentionné dans son rapport du 10 octobre 2018 qu'à la fin de l'année 2017, M. H... a été reçu en état de souffrance " liée à son travail ". Il ressort donc des rapports médicaux que le requérant avait manifesté des troubles révélant la constitution progressive d'un état dépressif dans les six mois ayant précédé l'altercation du 25 juin 2018. Dans ces conditions, et même si cette altercation est survenue sur le lieu de travail, dans le temps du service et dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, et qu'elle a provoqué chez lui une grande souffrance psychologique, elle ne présente cependant pas un caractère de soudaineté permettant de la qualifier d'accident imputable au service à l'origine de sa dépression sévère et de sa tentative de suicide commise le 26 juin 2018. Par suite, M. H... n'est pas fondé à soutenir que le ministre de la transition écologique et solidaire aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'altercation survenue le 25 juin 2018 et la prise en charge des arrêts de travail subséquents.

Sur le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif de M. H... :

9. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, entré en vigueur à la date de l'entrée en vigueur de son décret d'application du 21 février 2019, et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " (...) IV.-Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

11. M. H... soutient que les arrêts de travail dont il fait l'objet depuis le 26 juin 2018 sont dus à un syndrome anxio-dépressif imputable à ses conditions de travail et au harcèlement moral dont il a été victime, d'une part, et à son accident de service du 25 juin 2018, d'autre part. Il se prévaut notamment de plusieurs éléments médicaux dont le rapport du 12 octobre 2018 du Dr C..., médecin psychiatre agréé, qui a réalisé l'expertise médicale demandée par la commission de réforme dans le cadre de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 25 juin 2018, qui mentionne " qu'on retrouve dans les huit mois qui ont précédé l'incident professionnel la constitution progressive d'un état dépressif (...) dans un contexte de souffrance morale avec associé un hyper investissement professionnel tous éléments pour aboutir à un épuisement psychique et à un état dépressif réactionnel sévère avec un acte impulsif de prise excessive de médicaments sans risque léthal, mais vécu par le patient comme tel " et qu'il ne retrouve aucun antécédent personnel ou familial chez M. H... en lien avec cette pathologie. Dans son rapport du 6 novembre 2019, le Dr G..., missionné par le médecin chef de la direction générale de l'aviation civile, indique que l'intéressé présente un " état dépressif sévère, associé à une anxiété importante, réactionnel à une situation professionnelle douloureuse " et qu'il n'a jamais eu d'état antérieur en psychiatrie jusqu'au 25 juin 2018.

12. M. H... soutient que son supérieur hiérarchique lui aurait fixé des objectifs inatteignables dans l'exercice de ses fonctions, qu'il lui aurait ordonné de réaliser des tâches informatiques et techniques exclues de sa fiche de poste sans lui accorder de moyens afin de pouvoir les mener à bien et qui étaient dévolues auparavant aux attachés d'administration analystes, qu'il l'aurait empêché de participer à des formations et aurait attribué à son adjointe des notes de service rédigées par lui.

13. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que des objectifs inatteignables, dont la nature n'est au demeurant pas précisée, auraient été fixés à M. H... par son supérieur hiérarchique. Il ressort des pièces du dossier, notamment des courriels des 5 avril et 14 mai 2018 de M. B..., chef de programme Direction générale de l'aviation civile - Direction de la sécurité de l'aviation civile - Mission Systèmes d'information, et du 23 avril 2018 de M. E... que M. B... a apporté son aide au pôle achats et logistiques, alors en sous-effectif, pour piloter l'activité de configuration des iPads et des iPhones et qu'à la suite du recrutement de personnel intérimaire, cette intervention a pris fin et que M. E..., directeur de la gestion des ressources, a alors attribué à M. H... en sa qualité de chef du pôle achats et logistiques ainsi qu'à son adjointe la gestion du matériel informatique et des logiciels incluant le pilotage de l'activité de configuration des iPad et des iPhone. Il ressort de la fiche de poste de chef du pôle achats et logistiques de la direction générale de l'aviation civile que ces activités font partie des attributions dévolues au chef du pôle achats et logistiques dont la mission principale est de " contribuer à coordonner l'ensemble des activités du pôle en liaison en tant que de besoin avec les directions interrégionales, le secrétariat général et la DSI " et qui doit notamment superviser " le traitement des moyens logistiques " ainsi que " la programmation et la réalisation des achats ". Si le requérant soutient qu'il n'aurait pas disposé des moyens lui permettant de mener à bien ces missions, ces affirmations ne sont pas étayées par les pièces du dossier, alors notamment que du personnel intérimaire avait été recruté pour renforcer son équipe.

14. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des formulaires des besoins individuels de formation de l'agent au titre de l'année 2017, signés par M. H... et M. E... les 19 et 20 janvier 2017, que le requérant a demandé à bénéficier de neuf formations dispensées sur un total de vingt-deux jours répartis par modules de deux à trois jours sur la période comprise entre le 13 mars et le 13 octobre 2017. M. H... soutient qu'il n'a pu se rendre qu'à la seule formation du 13 mars 2017, son supérieur hiérarchique s'étant opposé oralement à ce qu'il suive les formations sollicitées au motif qu'il y avait des " urgences dans la gestion des déplacements professionnels ". Il ressort du tableau retraçant les formations suivies par l'intéressé, versé au dossier par l'administration, que celui-ci n'a suivi que deux formations au titre de 2017 : la formation Co-traitance et sous-traitance des 13 et 14 mars 2017 et la formation " aux gestes qui sauvent " le 20 juin 2017. En outre, le requérant produit un courriel du 3 mai 2017 de la chargée de formation confirmant qu'il n'a pas pu assister à la formation " Perfectionnement à la réglementation et à la gestion des marchés publics " prévue du 4 au 5 mai 2017 ainsi qu'un courriel du 6 mars 2017 de cette même chargée de formation dont il ressort qu'à la date du 6 mars 2017, la participation de l'intéressé à la formation " La veille du marché fournisseur et du sourcing " des 6 et 7 avril 2017 n'était pas validée. Si l'administration reconnaît que le requérant n'a pas pu assister à une formation prévue à l'automne 2017 dans l'intérêt du service afin que la rédaction du guide des procédures d'achats puisse être achevée avant l'audit de renouvellement ISO prévu en mars 2018, il ressort des pièces du dossier que M. H... n'a pas pu assister à huit formations sollicitées au titre de 2017. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que depuis la prise de fonctions de M. E..., le requérant a bénéficié de nombreuses formations : neuf formations au titre de 2013, onze formations en 2014, trois formations au titre de 2015 et trois formations en 2016. En outre, si le requérant soutient que les formations sollicitées étaient nécessaires afin de lui permettre d'actualiser le guide des procédures d'achats en tenant compte de la nouvelle réglementation, il lui appartenait en tout état de cause en sa qualité de chef du pôle achats et logistiques de mettre en place une veille juridique dans son domaine de compétences. Dans ces conditions, le refus d'accorder à l'intéressé les formations sollicitées au titre de 2017 ne peut être regardé comme révélant une volonté de l'humilier ou de le traiter de manière discriminatoire.

15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des versions successives du guide des procédures d'achats, que le nom de M. H... qui apparaissait sur ce document en sa qualité de rédacteur a été supprimé dans la version finale du document du 12 mars 2018 et a été remplacé par le nom de son adjointe au motif que cette dernière a dû terminer la rédaction de ce guide alors que l'intéressé était en congés. Cependant, il ressort de la comparaison des deux dernières versions, c'est-à-dire, la version du 22 février mentionnant M. H... et celle du 12 mars 2018 comportant le nom de son adjointe, que seul un travail d'allégement du point 3. " L'évaluation des fournisseurs " a été effectué et que la suppression du nom du requérant ne peut donc trouver sa justification dans un travail de remaniement en profondeur du guide ou de rédaction de parties de ce guide effectué par son adjointe. Toutefois, cet événement isolé, pour regrettable qu'il soit, ne saurait être regardé comme caractérisant un agissement de nature à provoquer chez le requérant l'apparition de troubles anxio-dépressifs.

16. Par ailleurs, il ressort du point 8 que l'altercation survenue le 25 juin 2018 entre M. H... et M. E..., dont le déroulé et la teneur exacte des propos échangés ne sont pas étayés par les pièces du dossier ainsi qu'il a déjà été dit, ne saurait être regardée comme ayant donné lieu à un comportement ou à des propos de M. E... excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le requérant, que M. E... aurait eu pour habitude de hausser le ton.

17. Enfin, la seule mention de son poste parmi les postes vacants mentionnés sur la liste du 25 septembre 2018 des postes pour la campagne 2018, alors qu'il était placé en congés de maladie ordinaire depuis le 26 juin 2018, ne peut être regardée comme ayant pu à provoquer chez le requérant l'apparition ou l'aggravation de troubles anxio-dépressifs alors que cette liste a été publiée trois mois après son premier arrêt de maladie ordinaire et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son poste aurait été effectivement attribué à un autre agent pendant ses congés de maladie ordinaire. En outre, le requérant soutient qu'il a été placé d'office en congé longue durée au lieu d'être placé en congé longue maladie. Cependant, en se bornant à soutenir qu'une telle mesure s'apparente à une mutation d'office et qu'il s'agissait pour l'administration de " libérer son poste ", il n'établit pas que ce placement en congé longue durée serait entaché d'illégalité.

18. Il ressort des points 10 à 17 que le contexte professionnel et les conditions de travail de l'intéressé ne peuvent être regardés comme étant directement à l'origine de la dépression sévère présentée par M. H... ou de son aggravation, dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. Par suite, la ministre de la transition écologique et solidaire n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant sa demande.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions de la ministre de la transition écologique et solidaire, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. H... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. H... au titre des frais liés à l'instance.

22. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par le requérant sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... H... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER La présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22PA00833 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00833
Date de la décision : 20/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY- POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-20;22pa00833 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award