La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2023 | FRANCE | N°22PA02186

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 10 novembre 2023, 22PA02186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 16 avril 2018 par laquelle la ministre de la culture a prononcé son licenciement, d'autre part, la décision implicite par laquelle la ministre de la culture a rejeté le recours administratif préalable qu'il a formé le 12 juillet 2018 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 49 730 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 16 avril 2

018 prononçant son licenciement.

Par un jugement commun n° 1810839 et n° 1820...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 16 avril 2018 par laquelle la ministre de la culture a prononcé son licenciement, d'autre part, la décision implicite par laquelle la ministre de la culture a rejeté le recours administratif préalable qu'il a formé le 12 juillet 2018 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 49 730 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 16 avril 2018 prononçant son licenciement.

Par un jugement commun n° 1810839 et n° 1820562 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 16 avril 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Par un arrêt n° 20PA02074 du 25 juin 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement en tant que celui-ci a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par une décision n° 455958 du 18 octobre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi par M. D..., a annulé l'arrêt n° 20PA02074 du 25 juin 2021 et a renvoyé l'affaire à la Cour désormais enregistrée sous le n° 22PA04580.

II- M. D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise avant dire droit et d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2020 par lequel la ministre de la culture a prononcé son licenciement.

Par un jugement n° 2019792 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée le 3 août 2020 et des mémoires enregistrés les 7 mai 2021, 21 mai 2021, 23 février 2023, 28 février 2023 et 20 mars 2023, M. D... représenté par Me Papin, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 11 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 16 avril 2018 prononçant son licenciement ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 186 367 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué ne répond pas aux prescriptions des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, faute d'avoir visé et pris en considération son mémoire en duplique, enregistré le 3 septembre 2019 ;

- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'erreurs manifeste d'appréciation, d'erreurs de droit et d'une erreur de fait ;

- l'illégalité de l'arrêté du 16 avril 2019 prononçant son licenciement est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- la décision prononçant son licenciement est entachée d'incompétence ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute de respect des modalités prévues aux articles 45-2 et 47 du décret du 17 janvier 1986, à défaut de communication de son dossier administratif et en l'absence d'information, préalablement ou au cours de l'entretien préalable, des motifs pour lesquels son licenciement était envisagé ;

- la circulaire ministérielle commentant les dispositions mentionnées du décret du 17 janvier 1986 est illégale ;

- la décision de le licencier était prise avant même l'entretien préalable, lequel a été réduit à une simple formalité sans qu'il ait été mis en mesure de faire valoir ses observations sur les griefs ayant présidé à l'édiction de cette décision ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation ; ses compétences professionnelles, techniques comme juridiques, sont établies par les diplômes qu'il a obtenus et par les postes qu'il a précédemment occupés dans diverses institutions publiques et au titre desquels il a donné entière satisfaction ; le délai qui lui a été imparti pour assimiler les multiples contraintes, procédures et priorité de traitement des missions qui lui ont été confiées était insuffisant ; ni la réalité ni la consistance exacte des insuffisances professionnelles qui lui sont imputées, ne sont démontrées ;

- le préjudice financier résultant de la perte de revenus consécutivement à son licenciement s'élève à la somme de 112 367 euros ;

- le préjudice moral et les conséquences sur son état de santé de son éviction brutale et injustifiée intervenue dans des conditions vexatoires devra être indemnisé à hauteur de 20 000 euros ;

- le préjudice de carrière constitué par les répercussions de son licenciement sur ses recherches d'emploi devra être indemnisé à hauteur de 54 000 euros ;

Par des mémoires en défense enregistrés le 15 février 2021, le 31 mai 2021, ce mémoire n'ayant pas été communiqué et le 24 février 2023, la ministre de la culture, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et demande, dans le dernier état de ses écritures, que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II- Par une requête enregistrée le 11 mai 2022 sous le numéro 22PA02186, M. D... représenté par Me Papin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2020 prononçant son licenciement ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;

- l'arrêté du 28 septembre 2020 prononçant son licenciement à compter du 1er octobre 2020 est intervenu en cours de période d'essai, contrairement à ce qu'ont retenu les juges de première instance ;

- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en limitant leur contrôle sur les motifs de son licenciement à l'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de licenciement en litige est entachée d'une erreur d'appréciation ; la matérialité des insuffisances professionnelles qui lui sont imputées n'est pas rapportée ; les griefs formulés à son encontre ne sont pas de nature à justifier un licenciement ; il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour assimiler les multiples contraintes, procédures et priorités de traitement à prendre en compte dans l'exercice de ses diverses fonctions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, la ministre de la culture, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement modifié par le décret n° 2013-810 du 9 septembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Véret, représentant M. D..., de M. D..., et de Me Potterie, représentant la ministre de la culture.

Deux notes en délibéré, enregistrées le 25 octobre 2023, ont été présentées pour M. D... et n'ont pas été communiquées.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., agent contractuel, a été recruté par le ministère de la culture, pour une durée de trois ans, à compter du 1er février 2018, en qualité d'acheteur public auprès du secrétariat général du ministère. Par un arrêté du 16 avril 2018, la ministre de la culture a prononcé son licenciement à compter du 1er mai 2018 au cours de sa période d'essai. Par un recours administratif préalable du 12 juillet 2018, M. D... a demandé à la ministre de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis à raison des fautes ayant entaché cette décision. Par une première requête, M. D... relève régulièrement appel du jugement du 11 juin 2020 rendu sous les nos 1810839 et 1820562 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir annulé l'arrêté contesté sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision, a rejeté ses conclusions tendant à condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un arrêté en date du 28 septembre 2020, la ministre de la culture a de nouveau prononcé le licenciement de M. D... à compter du 1er octobre 2020. Par une seconde requête, il relève appel du jugement n° 2019792 du 11 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

2. Les requêtes susvisées nos 22PA04580 et 22PA02186 introduites par M. D..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 22PA04580 :

Sur la régularité du jugement contesté :

3. En premier lieu, aux termes de l'article de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". L'omission dans les visas de la mention ou de l'analyse d'un mémoire produit avant la clôture de l'instruction est de nature à vicier la régularité de la décision attaquée s'il ressort des pièces du dossier que ces écritures apportaient des éléments nouveaux auxquels il n'a pas été répondu dans les motifs de la décision.

4. Si M. D... fait valoir que le tribunal administratif de Paris a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas de l'instance n° 1820562 un mémoire enregistré le 3 septembre 2019 et communiqué au ministre de la culture le 4 septembre 2019, une telle circonstance n'est, par

elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors que l'ensemble des moyens présentés par l'intéressé ont été analysés. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

5. En second lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé de la décision en litige. Par suite, M. D... ne peut utilement soutenir que les juges de première instance ont entaché leur jugement d'erreurs de droit, d'erreurs manifestes d'appréciation ou d'une erreur de fait pour en obtenir l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

6. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la personne publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une décision entachée d'un vice de forme ou de procédure, la même décision aurait pu légalement être prise ou si l'illégalité externe sanctionnée ne présente pas un lien direct de causalité avec l'un au moins des préjudices allégués.

7. En premier lieu, la décision attaquée du 16 avril 2018 a été signée Mme C... A..., attachée d'administration et adjointe au chef du bureau de la filière administrative et des agents non titulaires, rattachée à la sous-direction des métiers et carrière du ministère de la culture. Par un arrêté du ministre de la culture du 17 novembre 2009 relatif aux missions et à l'organisation du secrétariat général de ce ministère publié au journal officiel de la République française du 5 décembre 2009, cette sous-direction est chargée de l'ensemble des questions relatives à la gestion collective et individuelle des carrières, à la rémunération et aux pensions des agents relevant du ministère. En application des dispositions du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, M. Hervé Barbaret, secrétaire général du ministère de la culture dont l'acte de nomination a été publié au Journal officiel de la République française le 30 juin 2017, avait qualité pour donner, par décision du 29 juin 2017 publiée au Journal Officiel de la République française le 2 juillet 2017, délégation à Mme C... A..., dans la limite des attributions du bureau de la filière administrative et des agents non titulaires, à l'effet de signer, au nom du ministre chargé de la culture, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets et de certains marchés publics. Compte tenu de son objet, la décision attaquée entre dans le champ des missions que la décision du 29 juin 2017 a confiées à son signataire. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit ainsi être écarté.

8. En deuxième lieu, le contrat de travail de M. D... prenait effet à la date du 1er février 2018 et comprenait une période d'essai de trois mois de travail effectif prenant fin le 30 avril 2018. Cette période d'essai a toutefois été prorogée d'une durée de huit jours, équivalente au nombre de jours de congés annuels et d'aménagement et de réduction du temps de travail dont il a bénéficié, le terme de cette période d'essai étant ainsi fixé au 9 mai 2018. Par suite, la décision du 16 avril 2018 prononçant son licenciement à la date du 1er mai 2018 a été prise au cours de sa période d'essai. Si M. D... soutient qu'il n'a pu bénéficier des garanties procédurales prévues par les dispositions des articles 45-2 et 47 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 prévoyant, d'une part, le droit de communication du dossier personnel d'un agent contractuel en cas de licenciement pour un motif d'insuffisance professionnelle et, d'autre part, la procédure attachée à l'entretien préalable à un licenciement, ces dispositions ne s'appliquent toutefois pas aux hypothèses de licenciement d'un agent contractuel au cours de la période d'essai dont les modalités sont exclusivement prévues par les dispositions de l'article 9 du même décret. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 dans sa version applicable au litige : " Le contrat ou l'engagement peut comporter une période d'essai qui permet à l'administration d'évaluer les compétences de l'agent dans son travail et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent (...) / Le licenciement en cours ou au terme de la période d'essai ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable (...) ".

10. M. D... soutient que l'entretien préalable à son licenciement du 12 avril 2018 s'est tenu dans des conditions irrégulières. Toutefois, les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 ne prévoient aucun formalisme ni obligation particulière à la charge de l'employeur public quant au déroulement de cet entretien préalable, contrairement aux dispositions de l'article 47 du même décret applicable, ainsi qu'il a été dit précédemment, dans les hypothèses de licenciement d'un agent contractuel en dehors de la période d'essai. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que les motifs justifiant la cessation de la relation de travail ne lui auraient pas été exposés au cours de cet entretien, ni qu'il n'aurait pas été mis en mesure de présenter utilement ses observations à cette occasion sur la mesure envisagée.

11. En quatrième lieu, la circonstance que M. D... ait été convoqué à un entretien préalable à son licenciement ne permet pas de retenir que la décision de mettre fin à la relation de travail aurait été prise antérieurement à l'édiction de l'arrêté du 16 avril 2018.

12. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction, notamment de la note établie le 20 mars 2018 par la cheffe de la mission des achats du ministère de la culture à l'attention du secrétariat général du ministère et des échanges de messages électroniques des 6, 12, 16 et 27 mars 2018, émanant de cette cheffe de mission ou de son adjointe, que M. D... n'a pas été en mesure au cours de la période d'essai d'appréhender l'ensemble des missions qui lui étaient confiées et notamment de conduire les procédures de passation de marchés publics dans leur intégralité en prenant en charge la rédaction complète d'un dossier de consultation des entreprises relatif à un marché de maintenance bureautique dans les délais requis, ce qu'il a d'ailleurs reconnu au cours d'un entretien du 6 mars 2018. Contrairement à ce qu'il soutient, les délais de restitution des tâches qui lui ont été confiées n'ont pas été respectés, malgré une priorisation des tâches, les productions remises étant incomplètes ou inadaptées aux besoins du service. S'il fait valoir qu'il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour appréhender les multiples contraintes, procédures et priorité de traitement des missions qui lui ont été confiées, il résulte toutefois des pièces produites qu'en dépit de son niveau de qualification et de ses expériences professionnelles passées, M. D..., qui n'a souhaité aucune formation particulière, n'est pas parvenu à répondre aux exigences attendues du poste d'acheteur public et qui nécessitait la maîtrise d'un degré d'expertise qui n'avait pas été atteint au cours de la période d'essai. Il résulte également de l'instruction qu'il a diffusé à un tiers un courrier d'invitation à présenter une offre portant sur un marché de téléphonie, assorti d'une lettre d'engagement, au demeurant non assortis de la totalité des documents joints nécessaires, qui n'avaient pas été validés par sa hiérarchie, cette diffusion ayant été réitérée le 16 mars 2018 en dépit des consignes qui lui avaient été rappelées par sa supérieure hiérarchique lors d'un entretien le 12 mars 2018, et qu'il ne démontre aucunement avoir obtenu un accord même tacite de sa hiérarchie pour procéder à cette diffusion. S'il fait valoir que ce tiers est une société indirectement détenue par l'Etat, cette circonstance reste sans incidence sur l'appréciation du manquement de M. D... à son obligation de se conformer aux procédures administratives internes et aux consignes de sa hiérarchie. Dans ces conditions, au regard des insuffisances professionnelles et à l'inadaptation au poste démontrées par M. D..., qui exposaient le service dans lequel il exerçait ses fonctions à des risques juridiques, la ministre de la culture a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, mettre fin à son contrat au cours de sa période d'essai.

13. Il résulte des énonciations des points 7 à 12 que l'arrêté du 16 avril 2018 n'est entaché d'aucune autre illégalité que l'insuffisance de motivation retenue par le tribunal. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que sans cette irrégularité formelle, la même décision aurait pu être légalement prise par la ministre de la culture, M. D... n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté prononçant son licenciement.

Sur la requête n° 22PA02186 :

Sur la régularité du jugement contesté :

14. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient commis, d'une part, une erreur de qualification juridique des faits et, d'autre part, une erreur de droit sur le degré de contrôle qu'il leur appartenait d'exercer sur la mesure de licenciement en litige, qui remettent en cause le bien-fondé du jugement, constituent des moyens relevant du contrôle de cassation et sont inopérants en tant que tels devant le juge d'appel.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

15. En premier lieu, le contrat de travail de M. D... qui a débuté à la date du 1er février 2018 comportait une période d'essai de trois mois de travail effectif. Ainsi qu'il a été énoncé au point 8 du présent arrêt, cette période d'essai a été prorogée jusqu'au 9 mai 2018 compte tenu des jours non travaillés dont l'intéressé a bénéficié au cours de cette période. Si l'annulation contentieuse de l'arrêté de licenciement du 16 avril 2018 prononcée par un jugement du tribunal administratif de Paris le 11 juin 2020, a fait disparaître rétroactivement cette décision de l'ordonnancement juridique, il est constant que M. D... a cessé son activité professionnelle le 30 avril 2018. La période d'essai de l'intéressé a ainsi été suspendue pendant toute la durée d'absence de travail effectif et ce, quel qu'en soit le motif et pouvait être prorogée d'une période équivalente à celle de son absence d'activité. Par suite, à défaut de toute reprise d'activité, la période d'essai de M. D... n'était pas arrivée à son terme lorsque par l'arrêté attaqué du 28 septembre 2020, la ministre de la culture a décidé à nouveau de prononcer son licenciement à compter du 1er octobre 2020. M. D... n'est ainsi pas fondé à soutenir que cet arrêté de licenciement était intervenu en cours de période d'essai.

16. En second lieu, il ressort des termes de l'arrêté du 28 septembre 2020 que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. D... est fondé sur les mêmes faits que ceux énoncés au point 12 du présent arrêt. Par suite et pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, le moyen tiré de ce que la ministre de la culture aurait entaché cette décision d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Dans les circonstances des espèces, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... une somme au titre des frais exposés par la ministre de la culture et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. D... n° 22PA04580 et n° 22PA02186 sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la ministre de la culture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 10 novembre 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04580, 22PA02186 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02186
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET LE DISCORDE et DELEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-10;22pa02186 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award