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08/11/2023 | FRANCE | N°23PA00012

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 novembre 2023, 23PA00012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100277/4 du 17 décembre 2021, le Tribunal administra

tif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100277/4 du 17 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Sourty, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100277/4 du 17 décembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour a été prise sans examen sérieux de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de fait quant à l'existence et la notification d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 19 juin 2019 ;

- le préfet n'aurait pas pris la même décision s'il n'avait pas commis l'erreur de droit consistant à refuser de prendre en compte la période de présence en France antérieure à une précédente mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 compte tenu de l'atteinte à sa vie privée en France ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination pour son éloignement est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision de refus d'un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de fait quant à l'existence et la notification d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 19 juin 2019 ;

- elle méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'existence d'une précédente mesure d'éloignement n'est pas établie ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 28 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée le 14 janvier 2022 par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né en 1978 est, selon ses déclarations, entré régulièrement en France en provenance d'Espagne en 2014 et s'y est maintenu irrégulièrement après l'expiration de son visa de court séjour. Il a présenté, le 9 octobre 2020, une demande de certificat de résidence. Par un arrêté du 18 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa demande, faute d'avoir mentionné les justificatifs d'activité professionnelle produits pour l'année 2016, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet, après avoir considéré que M. A... ne remplissait pas les conditions pour l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des articles 6 alinéa 5 et 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 compte tenu de sa situation familiale et de l'absence de contrat de travail exigé par la réglementation en vigueur pour être admis au séjour en France en qualité de salarié, a également relevé que " conséquemment à la non exécution de l'obligation à quitter la France dont il a fait l'objet, une durée de résidence habituelle suffisante à le rendre éligible à l'admission au séjour ne peut être retenue à son bénéfice ". Ce faisant, il n'a pas, contrairement à ce que soutient le requérant, omis de répondre à la demande, formée par M. A..., d'exercer le pouvoir discrétionnaire dont il dispose, même sans texte, pour octroyer un titre de séjour à titre exceptionnel à un ressortissant algérien ne remplissant pas les conditions posées par l'accord franco-algérien.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de celles produites en appel par le préfet, que M. A... a fait l'objet, le 19 juin 2019, d'un arrêté rejetant une précédente demande de certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français, qui lui a été notifié par courrier recommandé le 27 juin 2019. M. A... n'est dès lors, et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour du 18 décembre 2020 attaquée serait entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne cette précédente décision d'éloignement.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

6. Il résulte des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 2014 à l'âge de 36 ans, et qu'il y est célibataire sans charge de famille, ses parents et sa fratrie résidant en Algérie. En se bornant à faire état de l'exercice d'emplois salariés depuis 2016, il n'établit pas plus en appel qu'en première instance que le refus de lui délivrer un titre de séjour aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en France et, par suite, méconnu les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

7. En cinquième lieu, compte tenu de la durée et des conditions de sa présence en France, le requérant n'établit pas plus en appel qu'en première instance que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

8. En sixième lieu, si le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement considérer que M. A... ne pouvait pas se prévaloir de la durée de son séjour en France antérieure à la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 19 juin 2019, cette erreur est, en l'espèce, sans incidence sur la légalité de la décision de refus de séjour attaquée, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision de refus s'il avait pris en considération cette période antérieure.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui est jugé aux points 9 et 10 que le requérant n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination pour son éloignement, de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

12. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, alors applicables : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que la précédente décision d'obligation de quitter le territoire français du 19 juin 2019 ayant été régulièrement notifiée à M. A... le 27 juin 2019, la décision de refus de départ volontaire du 18 décembre 2020 n'est pas entachée d'erreur de fait en ce qu'elle mentionne cette précédente décision d'éloignement. Par ailleurs le requérant, qui indique ne pas avoir quitté le territoire français depuis 2014, ne conteste pas s'être soustrait à cette précédente mesure. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire au motif qu'il s'est soustrait à cette précédente mesure aurait méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

14. aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ". Le huitième alinéa du III de ce même article précise que : " (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

15. Compte tenu de la durée de sa présence en France, de la nature de ses liens avec la France ainsi que de l'existence d'une précédente mesure d'éloignement, à laquelle il n'a pas déféré, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs il n'est pas plus fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2023.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00012
Date de la décision : 08/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SOURTY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-08;23pa00012 ?
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