Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Par un jugement n° 2011955/1-1 du 4 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 juillet 2022 M. A..., représenté par Me Goldstein, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2011955/1-1 du 4 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015 ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 40 % mise à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la majoration de 40 % n'était pas suffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification qui lui a été adressée et de l'irrégularité de la procédure d'imposition de la société Immo Best International ;
- l'irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité de la société Immo Best International entache la procédure d'imposition conduite à son encontre, qui en découle ;
- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée, notamment en ce qui concerne le solde de son compte courant d'associé, par la seule référence à la vérification de comptabilité de la société Immo Best International ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve qu'il a appréhendé les sommes de 32 246,47 euros en 2013 et 212 436,31 euros en 2014 ;
- il ne peut lui être opposé la qualité de maître de l'affaire dès lors que les rehaussements ont été fondés sur les dispositions du 1-2° de l'article 109 du code général des impôts ;
- en tout état de cause, les sommes de 32 246,47 euros en 2013 et 20 000 euros en 2014 revêtent la nature de salaires et non point celle de revenus distribués ;
- il n'a pas appréhendé la somme de 28 200 euros comptabilisée au compte 4674000, cette somme correspondant à une dette de la société à l'égard d'un tiers, suite à l'annulation d'une transaction ;
- le service ne pouvait imposer, sur le fondement de l'article 111, a) du code général des impôts, le montant du solde reconstitué de son compte courant sans avoir au préalable écarté la comptabilité de la société ;
- les rectifications effectuées à ce titre ne sont pas fondées dès lors que le report à nouveau inscrit au 1er janvier 2013 au crédit de son compte courant devait être rattaché à l'année 2012, que les indemnités kilométriques inscrites au crédit de ce compte sont justifiées et que les sommes de 3 432,73 euros et 24 462,40 euros inscrites au crédit de son compte courant en 2013 et 2014 constituent des remboursements de dépenses incombant à la société Best Immo International ;
- les sommes correspondant aux indemnités kilométriques versées sur ce compte courant ne pouvaient en tout état de cause donner lieu à des rehaussements que dans la catégorie des traitements et salaires ;
- les majorations de 40 % appliquées sur l'ensemble des rehaussements sont infondées faute de preuve d'un manquement délibéré ;
- au surplus, les majorations de 40 % appliquées sur les retraits en espèce considérés comme appréhendés par lui et sur les sommes portées au crédit de son compte courant ne sont pas motivées, en méconnaissance de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il demande, à titre subsidiaire, que soit substituée à la base légale du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ayant fondé les rehaussements relatifs à la somme de 28 200 euros, qualifiée de retraits d'espèce au profit de M. A... en 2013, la base légale résultant du 1° du 1. de ce même article 109, le résultat de l'exercice 2013 de la société Immo Best International étant bénéficiaire après contrôle ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de la comptabilité de la SARL Immo Best International, qui exerçait une activité d'agence immobilière, portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, étendue au 30 avril 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), des rappels de TVA et des suppléments d'impôt sur les sociétés ont été mis à sa charge par une proposition de rectification 3924 du 2 décembre 2016. Le même jour, une proposition de rectification 2120 a été adressée à titre personnel à M. A..., son gérant de droit et unique associé. M. A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015 ainsi que des majorations y afférentes.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que le Tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés au soutien d'un moyen, n'a pas omis de répondre en son point 2 au moyen tiré de ce que l'absence de débat oral et contradictoire lors de la procédure de vérification de comptabilité de la société Best Immo International entacherait d'irrégularité la procédure d'imposition de M. A..., en jugeant qu'un tel moyen est inopérant au regard des impositions personnelles établies au nom du contribuable.
3. En deuxième lieu, le Tribunal a suffisamment motivé, en ses points 3 et 4, sa réponse au moyen tiré de ce que la proposition de rectification adressée à M. A... était suffisamment motivée, en ayant relevé que cette proposition précise au contribuable les montants des revenus distribués, leur fondement légal, la catégorie de revenus et les années d'imposition, se réfère en partie, pour le calcul des bases d'imposition, aux rehaussements envisagés par l'administration dans la proposition de rectification du même jour adressée à la société Immo Best International à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, et que ladite proposition de rectification a été annexée à la proposition de rectification adressée à M. A....
4. En troisième lieu, il résulte des termes du point 11 du jugement attaqué que le Tribunal n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les pénalités mises à la charge de M. A... auraient été insuffisamment motivées.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
5. En premier lieu, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société Immo Best International doit être écarté comme inopérant à l'encontre des impositions personnelles mises à la charge de son associé, dès lors que cette société est soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.
7. La proposition de rectification 2120 adressée le 2 décembre 2016 à M. A... mentionne les montants et le mode de calcul des revenus que l'administration a considéré comme lui ayant été distribués, leur fondement légal, la catégorie de revenus et les années d'imposition. Contrairement à ce que soutient le requérant cette proposition se réfère en partie, explicitement en ce qui concerne sa partie consacrée aux revenus de capitaux mobiliers, aux rehaussements envisagés dans la proposition de rectification 3924 du même jour adressée à la société Immo Best International. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la mention manuscrite signée apposée sur la proposition de rectification adressée à M. A..., que celle adressée à la société Immo Best International, dont il est le gérant et unique associé, y a été annexée. Dans ces conditions M. A... n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification qui lui a été adressée serait insuffisamment motivée.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
8. Aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts : " " 1. Sont considérés comme revenus distribués / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". L'administration a constaté dans les écritures de la société deux soldes de caisse débiteurs pour un montant de 32 246, 47 euros en 2013 et de 212 436, 31 euros en 2014, a considéré que les sommes en liquide correspondantes ont été distribuées au profit de M. A... et les a imposées sur le fondement du 2° précité de l'article 109-1 du code général des impôts.
9. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de ce que ce solde serait constitué, d'une part, de la caisse de la société conservée en espèces chez sa mère, et, d'autre part, de salaires et de commissions que la société Immo Best International lui aurait versés, sans apporter en appel d'éléments de fait ou de droit nouveaux de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.
10. En deuxième lieu, l'administration a considéré que les retraits d'espèce ayant abouti au solde débiteur d'un montant de 28 200 euros du compte 467000 " Autres comptes débiteurs et créditeurs ", en fin d'exercice 2013, étaient constitutifs d'une distribution à M. A... faute de preuve qu'ils correspondraient au remboursement d'honoraires perçus sur une transaction annulée, et a imposé cette somme sur le fondement du 2° précité de l'article 109-1 du code général des impôts.
11. L'administration, comme elle est en droit de le faire à tout moment de la procédure contentieuse, demande à la Cour de substituer à cette base légale les dispositions du 1° du 1. de ce même article 109 pour imposer cette somme entre les mains de M. A..., maître de l'affaire non contesté en ses qualités de gérant et unique associé de la société Immo Best. Dès lors que le résultat de l'exercice 2013 de la société était bénéficiaire après contrôle et que cette substitution de base légale ne prive le requérant d'aucune garantie de procédure, il y a lieu pour la Cour d'y faire droit.
12. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a) Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes ". Doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts au 31 décembre de l'année en cause. En cas de variation de ce solde d'une année civile sur l'autre, seule la différence positive entre ces deux soldes peut légalement être incluse dans le revenu imposable de l'associé, l'actionnaire ou le porteur de parts pour l'année en cause.
13. L'administration a considéré, en conséquence des rectifications apportées sur le solde de son compte courant d'associé, que le solde débiteur de ce compte sur chacun des trois exercices en litige constituait un revenu distribué à M. A... en application des dispositions précitées du a de l'article 111 du code général des impôts, et a imposé M. A... à hauteur des variations positives de ce solde débiteur résultant de ces rectifications, soit 32 982 euros pour 2013, 36 114 pour 2014 et 135 272 pour 2015.
14. En premier lieu, M. A... ne peut utilement faire valoir, pour contester ces rehaussements, que la comptabilité de la société Immo Best International n'a pas été écartée comme non probante.
15. En deuxième lieu, le requérant n'établit pas plus en appel qu'en première instance que les indemnités kilométriques perçues sur ce compte courant à raison de son véhicule personnel étaient justifiées par un usage professionnel de celui-ci. Par suite, il n'est pas non plus fondé à soutenir que ces indemnités kilométriques n'auraient pu, le cas échéant, être imposées que dans la catégorie des traitements et salaires.
16. Il résulte en revanche de l'instruction que l'à nouveau créditeur d'un montant de 15 088 euros, inscrit au crédit de ce compte courant au 1er janvier 2013, a été également inclus dans les montants pris en compte pour la détermination du solde débiteur de ce compte au 31 décembre 2013. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont considéré, pour écarter le moyen tiré de ce que ce report à nouveau aurait dû être imposé au titre de l'année 2012, que cette somme n'a pas été imposée. M. A... est dès lors fondé à demander que les bases de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013 soient réduites à hauteur de la somme de 15 088 euros.
En ce qui concerne les pénalités :
17. Il résulte des termes de la proposition de rectification 2120 du 2 décembre 2016 que l'administration a suffisamment motivé, en fait et en droit, la mise en œuvre de pénalités à raison des sommes correspondant à des retraits d'espèce de la caisse de la société, alors même qu'elle n'a pas consacré un développement spécifique au solde débiteur d'un montant de 28 200 euros en fin d'exercice du compte 467000 " Autres comptes débiteurs et créditeurs ".
18. Enfin, en ayant relevé les montants importants et le caractère répété des anomalies constatées, notamment en termes de remboursement de frais que M. A..., gérant et seul associé de la société Immo Best International, ne pouvait ignorer être injustifié, ainsi que les retraits importants d'espèces de la caisse de la société, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du manquement délibéré commis par M. A... dans le but d'éluder l'impôt.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que les bases de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux qui lui ont été assignés au titre de l'année 2013 soient réduites à hauteur de la somme de 15 088 euros, et à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure.
Sur les frais de l'instance
20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels M. A... a été assujetti au titre de l'année 2013 sont réduites de la somme de 15 088 euros.
Article 2 : M. A... est déchargé, en droits, intérêts de retard et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de la réduction de bases prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le jugement n° 2011955/1-1 du 4 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2023.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03069