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08/11/2023 | FRANCE | N°21PA06563

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 novembre 2023, 21PA06563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Antilop a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de prononcer la restitution, au titre des années 2016, 2017 et 2018, d'un crédit d'impôt innovation pour un montant total de 159 944 euros et, au titre de l'année 2019, de désigner un expert ou de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt innovation pour un montant de 46 389 euros.

Par un jugement n° 2013281/2-1, 2013282/2-1 du 26 octobre 2021 le Tribunal administratif d

e Paris, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Antilop a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de prononcer la restitution, au titre des années 2016, 2017 et 2018, d'un crédit d'impôt innovation pour un montant total de 159 944 euros et, au titre de l'année 2019, de désigner un expert ou de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt innovation pour un montant de 46 389 euros.

Par un jugement n° 2013281/2-1, 2013282/2-1 du 26 octobre 2021 le Tribunal administratif de Paris, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 décembre 2021, le 6 avril 2022 et le 20 octobre 2022 la SAS Antilop, représentée par Me Zahlen, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2013281/2-1, 2013282/2-1 du 26 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution intégrale des crédits d'impôt innovation lui restant dus au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 à hauteur, respectivement, de 55 196 euros, de 55 959 euros, de 48 789 euros et de 46 389 euros ;

3°) d'ordonner une médiation judiciaire et de nommer un médiateur pour l'ensemble des crédits d'impôt en litige ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ensemble des trois axes de son projet d' " usine à sites e-commerce, " qui sont indissociables, est éligible au crédit d'impôt innovation compte tenu de son caractère innovant ;

- les salaires versées à Mmes D..., M... et F... et à MM. E..., J... et H... sont intégralement éligibles dès lors que ces personnes sont affectées à la réalisation d'opérations de conception de prototypes au sens de l'article 244 quater B, II b du code général des impôts ;

- les salaires versés aux deux dirigeants, qui participent à la conception du produit, sont éligibles en application de la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 n° 70 du 07 décembre 2016 ;

- le rejet des dépenses de personnel ne peut être légalement fondé sur l'article 49 septies G de l'annexe III du code général des impôts, qui n'est pas applicable en matière de crédit d'impôt innovation ;

- le k de l'article 244 quater B du code général des impôts ne pose aucune condition de diplôme ;

- l'expertise n'a pas porté sur l'année 2019, qui a vu le développement d'un produit nouveau ;

- compte tenu du refus de médiation de l'administration elle souhaite bénéficier d'une médiation judiciaire portant sur l'ensemble de la période en litige.

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 mars 2022, le 5 octobre 2022 et le 27 octobre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable à hauteur des montants de 74 350 euros pour les années 2016 à 2018 et de 30 867 euros pour l'année 2019, les réclamations ayant été admises dans cette mesure ;

- le litige ne relève pas d'une médiation compte tenu de ses termes ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cohen pour la société Antilop.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Antilop, spécialisée dans la prestation de services numériques destinés au commerce électronique, a présenté deux réclamations tendant à la restitution d'un crédit d'impôt innovation dont elle s'estimait titulaire respectivement au titre des années 2016 à 2018 et au titre de l'année 2019. L'administration, par deux décisions du 29 juin 2020 et du 1er juillet 2020, n'a que partiellement fait droit à ses demandes, à hauteur de 74 350 euros pour les années 2016 à 2018 et de 30 867 euros pour l'année 2019. Par la présente requête, la société Antilop demande la restitution du solde des crédits d'impôt non restitué, pour un montant de 159 944 euros pour la période 2016 à 2018 et de 46 389 euros pour 2019. Par un jugement du 31 janvier 2023, le tribunal de commerce de Paris a placé la société requérante en liquidation judiciaire et désigné comme liquidateur la Selarl BDR et associés en la personne de Me Xavier Brouard.

Sur la demande de médiation :

2. Aux termes de l'article L. 213-7 du code de justice administrative : " Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci " et aux termes de l'article R. 213-5 du même code : " Lorsque le juge estime que le litige dont il est saisi est susceptible de trouver une issue amiable, il peut à tout moment proposer une médiation. Il fixe aux parties un délai pour répondre à cette proposition ".

3. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'ordonner une médiation et les conclusions de la SAS Antilop à cette fin doivent être rejetées.

Sur l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / k) Les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises (...) définies comme suit : / 1° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits autres que les prototypes et installations pilotes mentionnés au a ; / 2° Les dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations mentionnées au 1° ; 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations mentionnées au 1° ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au 1° et de 43 % des dépenses de personnel mentionnées au 2° ; (...) Pour l'application du présent k, est considéré comme nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui satisfait aux deux conditions cumulatives suivantes : - il n'est pas encore mis à disposition sur le marché ; - il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l'écoconception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités.(...) ".

5. L'article L. 45 B du livre des procédures fiscales dispose que : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. Un décret fixe les conditions d'application du présent article. ".

6. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, et compte tenu, le cas échéant, de tous éléments produits par l'une ou l'autre des parties, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

7. Le projet au titre duquel la société Antilop sollicite le bénéfice d'un supplément de crédit d'impôt d'innovation est relatif à la conception d'une " usine à sites e-commerce " permettant à ses clients de bénéficier, à travers la mise à disposition d'un tronc commun de fonctionnalités, d'un cadre unique et simplifié de création et de gestion de plusieurs sites internet, ce projet ayant été divisé par la société en trois axes, intitulés respectivement " Axe 1 : Conception et développement de l'architecture ", " Axe 2 : Conception et développement des fonctionnalités innovantes " et " Axe 3 : Optimisation des performances techniques ". Seules certaines des dépenses relatives à l'axe 2 de ce projet ont été considérées par l'administration comme ouvrant droit au crédit d'impôt de la catégorie " crédit d'impôt innovation " prévu par le k) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts au titre des quatre années en litige, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration a pu sans commettre d'erreur de droit désigner sous l'appellation générale de crédit d'impôt recherche, compte tenu des termes précités de l'article 244 quater B du code général des impôts.

En ce qui concerne la procédure :

8. La circonstance que l'expertise diligentée par l'administration fiscale, dont le rapport a été rendu le 24 février 2020, n'ait pas porté sur les dépenses engagées au cours de l'année 2019 est, par elle-même, sans incidence sur les droits de la requérante dès lors, d'une part, que cette expertise n'est qu'une simple faculté prévue par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a pris en compte les compléments d'information qui lui ont été transmis par la requérante concernant l'année 2019.

Quant à l'éligibilité des phases 1 et 3 du projet au crédit d'impôt innovation :

9. Alors que l'expert mandaté par l'administration a relevé que seul l'axe 2 " Conception et développement des fonctionnalités innovantes " était éligible à raison du caractère innovant de la fonctionnalité de gestion des abonnements, et que la requérante confirme que le caractère innovant de son projet réside essentiellement dans cette fonctionnalité, il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence notamment de tout élément autre que ses déclarations produit par la requérante, que les axes 1 et 3 de son projet constitueraient des opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits. La société Antilop n'est dès lors pas fondée à demander que les dépenses afférentes à ces opérations soient prises en compte pour la détermination de ses droits au crédit d'impôt innovation.

En ce qui concerne les dépenses de personnel :

10. En relevant, pour écarter des dépenses éligibles les rémunérations versées à M. I... E..., M. L... J..., M. K... H..., Mme B... D..., Mme C... M... et Mme B... F..., que ces personnes n'étaient pas titulaires d'un diplôme d'ingénieur, l'administration fiscale n'a pas ajouté une condition non prévue par les dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts, ni fait application des dispositions de l'article 49 septies G de l'annexe III au même code, applicables au seul dispositif de crédit d'impôt recherche à l'exclusion du crédit d'impôt innovation du k) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, mais a seulement retenu, comme l'avait relevé l'expert, qu'en l'absence d'un tel diplôme et de tout autre élément apporté par la société, la participation directe et exclusive de ces personnes aux travaux de programmation de la fonctionnalité de gestion des abonnements n'était pas établie compte tenu de leurs fonctions et de leurs compétences. En l'absence de tout élément, que seule la requérante peut apporter, sur la nature exacte des fonctions de ces personnes et leur degré de participation directe et effective à l'axe 2 du projet en cause, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les rémunérations de ces personnes n'ont pas été prises en compte pour la détermination de ses droits au crédit d'impôt innovation.

En ce qui concerne les autres dépenses :

11. Pour soutenir qu'elle a droit à obtenir un crédit d'impôt supplémentaire correspondant aux dotations aux amortissements et aux dépenses de fonctionnement exposées pour son projet innovant sur la période en litige, la requérante se borne à faire valoir que le crédit d'impôt correspondant à ces dépenses est calculé sur la base des dépenses de personnel éligibles dont elle justifie.

12. En premier lieu, il résulte des termes précités du k) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts que seules les dotations aux amortissements que le contribuable justifie avoir effectivement affectées directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits peuvent ouvrir droit au crédit d'impôt en litige, sans que soit pris en considération le montant des dépenses de personnel. Par suite, la requérante ne justifie pas, par la seule référence à ses dépenses de personnel, que l'administration aurait omis de prendre en compte des dotations aux amortissements éligibles.

13. En second lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante ne justifie pas que des dotations aux amortissements et des dépenses de personnel supplémentaires auraient été à tort considérées comme non éligibles au crédit d'impôt en litige. Par voie de conséquence, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle bénéficierait d'un droit supplémentaire à ce crédit d'impôt au titre de ses dépenses de fonctionnement, dès lors que le crédit afférent à de telles dépenses est fixé forfaitairement en proportion de ses dotations aux amortissements et de ses dépenses de personnel, en application des dispositions précitées du 3° du k) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

14. Si la société entend revendiquer, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice des prescriptions de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 n° 70 du 07 décembre 2016, elle ne peut, en l'absence de rehaussement, se prévaloir de ladite doctrine, qui au demeurant ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SAS Antilop n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Antilop est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Antilop, à Me Xavier Brouard ès qualités de liquidateur de la société Antilop, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2023.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06563
Date de la décision : 08/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARLU IN EZ WE BOLD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-08;21pa06563 ?
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