La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2023 | FRANCE | N°22PA03548

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 07 novembre 2023, 22PA03548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 mai 2019 par laquelle le chef du département de la gestion collective de la direction générale de l'aviation civile du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a rejeté sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle et d'enjoindre à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.

Par un j

ugement n° 1915028/5-3 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Paris a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 mai 2019 par laquelle le chef du département de la gestion collective de la direction générale de l'aviation civile du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a rejeté sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle et d'enjoindre à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1915028/5-3 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Bost, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre à la direction générale de l'aviation civile de prendre une décision d'imputabilité au service de sa maladie ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 3 mai 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie, dont il est atteint, est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- cette pathologie est en lien direct avec ses conditions de travail, dans le cadre desquelles il a été victime de discrimination en raison de son handicap et n'a pas bénéficié d'un aménagement de poste adapté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, représenté par Me Abbal, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt pourrait être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance, par la décision en litige, du champ d'application du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issu de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étant pas encore entrées en vigueur faute d'un texte règlementaire d'application à la date à laquelle la pathologie de M. B... a été reconnue, et qu'en conséquence il y avait lieu de procéder à une substitution de base légale et d'appliquer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.

Par une ordonnance du 19 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juillet 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 t ;

- le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bost pour M. B... et de Me Hubert-Hugoud pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., technicien supérieur des études et de l'exploitation de l'aviation civile de classe normale, a été affecté du 1er octobre 2014 au 1er septembre 2019 à la sous-direction des finances au sein de la direction des services de la navigation aérienne, service rattaché à la direction générale de l'aviation civile (DGAC) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Le 29 novembre 2018, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service du symptôme dépressif dont il est atteint. Par une décision du 3 mai 2019, le chef du département de la gestion collective de la DGAC a rejeté sa demande. Par un jugement du 1er juin 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017, était manifestement impossible en l'absence de texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En conséquence ces dispositions, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique d'État, qui sont entrées en vigueur le lendemain de la date de publication, le 23 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique d'État, n'étaient pas encore applicables à la date à laquelle la pathologie, dont M. B... est atteint, a été reconnue, soit le 10 mars 2017. Le pouvoir d'appréciation dont bénéficie l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, ici applicable, est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires. Dans ces conditions, et ainsi qu'en ont été informées les parties, il y a lieu de substituer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa version applicable, à la base légale retenue par le chef du département de la gestion collective de la DGAC, dans sa décision du 3 mai 2019.

3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / .../2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions, prévus en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".

4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

5. D'une part, s'agissant de ses conditions de travail à l'époque des faits, M. B... fait valoir que sa hiérarchie n'a pas procédé aux aménagements de poste, auxquels il avait droit du fait de son statut de travailleur handicapé, et a notamment refusé de supprimer une imprimante laser installée dans son bureau, alors que cela avait été préconisé, en juillet et septembre 2017, par le médecin traitant et le neurologue qui le suivent, ainsi que par l'étude de poste réalisée par la médecine de prévention, le 2 novembre 2017. Il se prévaut également de ce que sa demande de deux jours et demi de télétravail par semaine a été refusée, alors que celle d'un collègue, effectuant selon lui les mêmes missions, a été accordée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que sa hiérarchie, à la suite de l'étude de poste, a émis des recommandations collectives visant à limiter l'usage de l'imprimante, laquelle a été paramétrée de façon à réduire au maximum les bruits qu'elle générait, et que le refus opposé à la demande de travail est justifié par des contraintes liées à la sécurité et la confidentialité des missions confiées à l'intéressé. Aussi, et alors même que le Défenseur des droits a estimé insuffisante l'adaptation de ses conditions de travail à son état de santé, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir que M. B... aurait, comme il le soutient, subi un traitement discriminatoire.

6. D'autre part, s'agissant de la pathologie dont est atteint M. B... et de son évolution, si les différents certificats médicaux versés au dossier relatent une dégradation de son état de santé avec, notamment, l'apparition de signes cliniques pouvant caractériser l'existence d'un syndrome anxio-dépressif, ces mêmes certificats, trop peu circonstanciés, ne permettent pas d'établir que cette pathologie résulterait directement des conditions de travail de l'intéressé. En revanche, dans le cadre de l'expertise réalisée le 14 novembre 2018, le psychiatre agréé a conclu à l'absence de lien direct entre l'anxiété profonde ressentie par l'intéressé et ses conditions de travail. De même, le comité médical a estimé, dans son avis du 11 janvier 2019, que M. B... était apte à exercer ses fonctions en milieu ordinaire et la commission de réforme, dans son avis du 22 mars 2019, s'est prononcée défavorablement à la reconnaissance de maladie professionnelle. Dans ces conditions, le chef du département de la gestion collective de la DGAC a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation des faits, refuser de faire droit à la demande de M. B... tendant à ce que sa pathologie soit regardée comme imputable au service.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu également, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03548


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03548
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CABINET DE GUILLENCHMIDT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-07;22pa03548 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award