Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 avril 2019 par laquelle le directeur de l'unité mixte de recherche " Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiale " (LEGOS) de l'Institut de recherche pour le développement l'a suspendue de tout nouvel encadrement, lui a interdit d'exercer toute responsabilité organique, a décidé la " sortie " de deux ingénieurs techniques de l'équipe Systèmes Complexes Couples (Sysco2), et les a directement rattachés au directeur d'unité (" DU ") avec suivi mensuel de leurs priorités de travail, et a interdit la constitution d'une équipe Sysco2 sur le plan quinquennal commençant en 2021.
Par un jugement n° 1910246/5-3 du 17 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Gravé, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 novembre 2021 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur du LEGOS du 19 avril 2019, citée ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge du Centre national de la recherche scientifique une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs en jugeant que la décision litigieuse entraînait une diminution sensible de ses activités, mais ne constituait pas une décision de suspension au sens de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- cette décision prononce une mesure de suspension en méconnaissance de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, le rapport d'audit sur le fondement duquel elle a été prise, ayant été élaboré sur la base d'une enquête menée dans des conditions irrégulières, en méconnaissance des principes d'équité et du contradictoire, et aucune faute suffisamment grave ne pouvant lui être reprochée ;
- cette mesure, prise en considération de sa personne, a été prise en violation de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, le rapport d'audit sur le fondement de laquelle elle a été prise ne lui ayant pas été communiqué.
Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2022, l'Institut de recherche pour le développement demande à être mis hors de cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2022, le Centre national de la recherche scientifique, représenté par la société Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocats aux Conseils, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable car la décision du 19 avril 2019, qui ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives que Mme A... tient de son statut, ni à ses responsabilités, est une mesure d'ordre intérieur ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;
- le décret n°83-1260 du 30 décembre 1983;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Pillet pour Mme A...,
- et les observations de Me Cathelineau pour le Centre national de la recherche scientifique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est fonctionnaire du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), directrice de recherche de première classe au sein de l'unité mixte de recherche " Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiale " (LEGOS), affectée à l'équipe Systèmes Complexes Couplés (Sysco2). Elle a été informée, par un courrier électronique du directeur du LEGOS du 19 avril 2019, adressé au responsable du Sysco 2, d'une part, du lancement, à la suite de la parution d'un rapport d'audit sur la " qualité de vie au travail ", d'une enquête administrative, d'autre part, de ce que, dans l'attente des résultats de cette enquête, des mesures conservatoires de suspension de tout nouvel encadrement et d'interdiction d'exercer toute responsabilité organique étaient prises à son encontre, de ce que deux ingénieurs techniques de l'équipe Sysco2 étaient rattachés au directeur d'unité (" DU ") avec suivi mensuel de leurs priorités de travail, et de l'interdiction de constituer une équipe Sysco2 sur le plan quinquennal commençant en 2021. Mme A... fait appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La contradiction de motifs alléguée par Mme A... est en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline (...) ".
4. Si les mesures conservatoires de suspension de tout nouvel encadrement prises à l'encontre de Mme A..., qui, en qualité de directrice de recherche de première classe, encadrait au sein du laboratoire, à la date de la décision contestée, un étudiant en doctorat, ont, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, emporté une diminution sensible de ses attributions et de ses responsabilités, il est constant que Mme A... a conservé la possibilité d'exercer ses recherches personnelles, et, partant, son activité professionnelle de chercheur, et a pu continuer à encadrer son étudiant. Ainsi, Mme A..., qui a pu continuer à exercer ses fonctions malgré l'édiction de ces mesures conservatoires, n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée prononcerait une mesure de suspension en méconnaissance des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, qu'elle ne peut invoquer utilement.
5. En second lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".
6. La mesure conservatoire de suspension de certaines des attributions de Mme A..., prise dans le but exclusif de restaurer et préserver, dans l'intérêt de l'ensemble des membres du LEGOS, la sérénité nécessaire aux activités de recherche et la qualité de vie au travail, en prévenant les risques psychosociaux, et donc dans l'intérêt du service, n'est pas au nombre des mesures prises en considération de la personne pour lesquelles les fonctionnaires doivent être mis à même de consulter leur dossier par application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 cité ci-dessus. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que cette mesure, prise sans que le rapport d'audit sur la " qualité de vie au travail " ne lui ait été communiqué, aurait été prise en violation de ces dispositions.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le CNRS, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 17 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNRS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le CNRS sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du CNRS, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au Centre national de la recherche scientifique.
Copie en sera adressée à l'Institut de recherche pour le développement.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00267