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25/10/2023 | FRANCE | N°22PA02291

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 25 octobre 2023, 22PA02291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage BIEP a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 25 octobre 2021 par lesquelles la direction des grandes entreprises a rejeté ses demandes de restitution des crédits impôt famille des exercices 2016 et 2017.

Par une ordonnance n° 2116160 du 15 mars 2022, le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 mai 2022, la société Eiffage BIEP, représentée par Me Jean-Charles D

avid, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 15 mars 2022 du président du Tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage BIEP a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 25 octobre 2021 par lesquelles la direction des grandes entreprises a rejeté ses demandes de restitution des crédits impôt famille des exercices 2016 et 2017.

Par une ordonnance n° 2116160 du 15 mars 2022, le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 mai 2022, la société Eiffage BIEP, représentée par Me Jean-Charles David, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 15 mars 2022 du président du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt famille des exercices 2016 et 2017 pour des montants respectifs de 13 106 euros et 17 598 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été invitée clairement par le greffe à régulariser sa requête et elle a pu légitimement croire que la régularisation était intervenue du fait de l'envoi du mandat ;

- il ressort de l'article 220 G du code général des impôts que le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater F est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise, dans les conditions prévues à l'article 199 ter E ;

- l'article 199 ter E et la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-130-20-12/09/2012 § 240 prévoient que si le montant du crédit d'impôt excède l'impôt dû au titre de ladite année, l'excédent est restitué ;

- en cas de non restitution, le délai de prescription du remboursement du crédit d'impôt famille est de 4 ans ;

- la société disposait d'un délai de quatre ans à compter du 1er janvier 2018 pour solliciter la restitution du crédit d'impôt famille 2016, et à compter du 1er janvier 2019 pour la restitution du crédit d'impôt famille 2017 ;

- en déposant une demande de restitution en 2021, via le formulaire n° 2573, la société a bien respecté le délai de prescription.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eiffage BIEP relève appel de l'ordonnance du 15 mars 2022 par laquelle le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 octobre 2021 par lesquelles la direction des grandes entreprises a rejeté ses demandes de restitution des crédits impôt famille des exercices 2016 et 2017.

2. Selon le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de tribunal administratif peuvent, par ordonnance, " rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque (...) elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". Aux termes de l'article R. 411-3 du code de justice administrative : " Les requêtes doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie ".

3. Si le tribunal a invité la société requérante à régulariser sa requête dans le délai de quinze jours, par un courrier dont elle a accusé réception le 1er décembre 2021, et si ce courrier faisait état des dispositions précitées de l'article R. 411-3 du code de justice administrative et indiquait que la requête devait être accompagnée d'une copie supplémentaire, la demande de régularisation ne portait expressément que sur la justification de la qualité à agir du signataire de la requête, régularisation effectivement opérée par la société requérante. Le président du Tribunal administratif de Montreuil n'était par suite pas fondé à rejeter la requête par l'ordonnance attaquée au motif qu'elle n'était pas accompagnée d'une copie.

4. Il y a par suite lieu de prononcer l'annulation de l'ordonnance attaquée et de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la société Eiffage BIEP devant le Tribunal administratif de Montreuil.

5. D'une part, aux termes de l'article 220 G du code général des impôts : " Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater F est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter E ". Aux termes de l'article 199 ter E du même code : " Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater F est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle l'entreprise a engagé les dépenses. Si le montant du crédit d'impôt excède l'impôt dû au titre de ladite année, l'excédent est restitué ". Et aux termes de l'article 360 de l'annexe III audit code : " La liquidation de l'impôts sur les sociétés (...) est réalisée par le redevable et détaillée sur un relevé de solde dont le modèle est fourni par l'administration, daté et signé de la partie versante et indiquant la nature du versement, son échéance, les éléments de liquidation, ainsi que la désignation et l'adresse du principal établissement de l'entreprise./ Le relevé de solde accompagné le cas échéant du complément d'impôt résultant de cette liquidation est adressé au comptable de la direction générale des impôts mentionné au 1 de l'article 358./ Les demandes de restitution de créances remboursables sont formulées sur ce relevé ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire " et aux termes de l'article R.*196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ".

7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, pour obtenir le remboursement d'une créance résultant d'un crédit d'impôt famille, le contribuable doit présenter à l'administration fiscale une demande expresse en ce sens. Une telle demande visant à bénéficier d'un droit résultant d'une disposition législative constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La recevabilité de cette réclamation s'apprécie au regard des seules règles posées par les articles R.*196-1 et suivants du livre des procédures fiscales. Ces règles ont pour effet d'instituer un régime légal de prescription propre aux créances d'origine fiscale dont les contribuables entendent se prévaloir envers l'Etat. Par suite, il résulte des termes mêmes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, que la prescription quadriennale que cette loi institue, qui n'est applicable que sous réserve des dispositions définissant un régime légal de prescription spéciale à une catégorie déterminée de créances susceptibles d'être invoquées à l'encontre de l'une de ces personnes morales de droit public, n'est pas invocable à l'égard de la créance en litige. La doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-130-20 qui prévoit que l'imputation ainsi que la restitution immédiate de la fraction de crédit d'impôt non imputée se font au moment du paiement du solde de l'impôt ne fait en tout état de cause pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède.

8. Il ressort du c) de l'article R.*196-1 du livre des procédures fiscales que le point de départ du délai de réclamation est la réalisation de l'événement qui la motive, lequel est, au cas particulier, la naissance du droit à remboursement de la fraction du crédit d'impôt non utilisé, soit s'agissant du crédit d'impôt famille, la date à laquelle le relevé du solde d'impôt sur les sociétés a été déposé, en l'espèce le 17 mai 2017 en ce qui concerne 2016, et le 15 mai 2018 en ce qui concerne 2017. Par suite, la société requérante, dont il est constant qu'elle n'a pas formulé sa demande de restitution dans le relevé mentionné à l'article 360 précité de l'annexe III au code général des impôts, disposait respectivement jusqu'au 31 décembre 2019 et 31 décembre 2020 pour demander à l'administration le remboursement du crédit d'impôt non imputé. Dès lors, sa réclamation déposée le 14 septembre 2021 était tardive au regard de ces dispositions.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à obtenir la restitution du crédit d'impôt famille des exercices 2016 et 2017 pour des montants respectifs de 13 106 euros et 17 598 euros. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2116160 du 15 mars 2022 du président du Tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : Les conclusions de la société Eiffage BIEP présentées devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage BIEP et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction des grandes entreprises.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2023.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA02291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02291
Date de la décision : 25/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : ATELEIA SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-25;22pa02291 ?
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