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20/10/2023 | FRANCE | N°23PA00470

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 20 octobre 2023, 23PA00470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2206408 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la

demande Mme A... épouse B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2206408 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande Mme A... épouse B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2023 Mme A... épouse B..., représentée par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206408 du 3 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 mars 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans cette attente, un titre de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sans délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait ;

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation, d'un défaut d'examen sérieux de sa situation, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation et elle est disproportionnée au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale et elle est entachée d'un défaut de motivation et d'une méconnaissance de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B..., ressortissante brésilienne née en 1968, a sollicité, le 28 septembre 2021, une carte de séjour temporaire au titre de l'admission exceptionnelle. Par un jugement n° 2206408 du 3 janvier 2023 dont elle interjette régulièrement appel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Montreuil, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu, avec une motivation suffisante et qui n'est pas stéréotypée, à l'ensemble des moyens soulevés par le requérant. Si l'intéressée soutient que les premiers juges ont écarté sans motif sa longue présence en France et l'existence de ses centres d'intérêts personnels et familiaux en France, il ressort du point 6 du jugement attaqué que le tribunal a répondu à ces moyens de manière précise et en tenant compte de l'ensemble des pièces du dossier. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé.

3. En second lieu, Mme A... épouse B... soutient que le jugement est entaché d'une erreur de fait. Ce moyen, qui relève du bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, ne constitue pas un moyen touchant à sa régularité. En tout état de cause, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme A... épouse B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de faits pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

4. En premier lieu, Mme A... épouse B... réitère en appel les moyens tirés du défaut de motivation de cette décision et du défaut d'examen sérieux de sa demande de titre de séjour. Néanmoins, cette décision contestée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A... épouse B.... Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet y a notamment mentionné les éléments essentiels de sa situation personnelle et familiale. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme A... épouse B... avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que, pour solliciter un titre de séjour en qualité de salarié, Mme A... épouse B... s'est prévalue d'une activité salariée sous contrat à durée déterminée puis indéterminée à temps partiel depuis le 2 octobre 2017 auprès de la société Teamex, contrat obtenu en présentant une fausse carte d'identité portugaise et en se faisant passer pour une ressortissante de l'Union européenne. Alors que la requérante ne fournit aucune explication sur les modalités d'obtention d'un tel document, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur cette circonstance pour apprécier, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".

7. Mme A... épouse B... soutient qu'elle réside en France depuis décembre 2016 avec son époux, qu'elle exerce un emploi d'agent de service à temps partiel depuis octobre 2017, que son époux travaille en qualité de maçon depuis octobre 2017 et que leur fils majeur bénéficie d'une carte de séjour. Si la requérante justifie d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'agent de service et travaille dans la même société depuis octobre 2017, ce seul élément ne saurait justifier de l'existence de circonstances exceptionnelles au regard de son activité professionnelle. En outre, il est constant que son époux se trouve en situation irrégulière sur le territoire français et elle ne justifie d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale au Brésil, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans. Par ailleurs, elle n'atteste pas davantage de l'intensité des liens qui l'uniraient à son fils, majeur en situation régulière sur le territoire français. Ces éléments ne suffisent pas à regarder la requérante comme justifiant de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit par suite être écarté.

9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, la décision portant refus de délai de départ volontaire litigieuse mentionne avec une précision suffisante les considérations de fait sur lesquelles il repose, rappelant en particulier que Mme A... épouse B... est entrée irrégulièrement sur le territoire français en 2016 et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'elle ne justifie pas de circonstances particulières. Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

11. En second lieu, l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dispose : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document (...) ".

12. La requérante ne conteste pas avoir obtenu un emploi auprès de la société " Teamex " sur présentation d'une fausse carte d'identité portugaise, ainsi que l'a relevé le préfet dans l'arrêté attaqué. Dans ces conditions et alors même que Mme A... épouse B... fait valoir qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en estimant qu'il existait un risque que l'intéressée se soustraie à la mesure d'éloignement en litige et, en conséquence, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'a pas commis d'erreur dans son appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour en France pour une durée de deux ans :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délai de départ volontaire.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

15. Mme A... épouse B... ne démontre aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour qui doit assortir en principe, en application des dispositions de l'article L. 612-6 précité, l'obligation faite à un ressortissant étranger de quitter le territoire français sans délai. En particulier, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 12, le préfet a constaté la situation irrégulière en France de l'intéressée et la durée de son séjour dans ce pays. Il a examiné la situation professionnelle de Mme A... épouse B... en relevant, au demeurant, que celle-ci a fait usage d'une fausse carte d'identité portugaise afin d'obtenir l'emploi qu'elle occupe, et il a estimé que la décision litigieuse ne portait pas au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, telle qu'elle ressortait de l'examen approfondi qui a été mené et compte tenu en particulier de ses liens personnels en France et ceux qu'elle conserve avec son pays d'origine, une atteinte disproportionnée. Le préfet a ainsi estimé à juste titre que la requérante ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il était, dès lors, fondé à prendre cette interdiction. Pour en fixer la durée, le préfet qui s'est prononcé au vu des éléments qui viennent d'être énumérés, a tenu compte de l'ensemble des critères prévus par la loi et a suffisamment motivé sa décision. Cette durée, fixée à deux ans, ne révèle, eu égard à ces mêmes éléments, aucune erreur d'appréciation.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 octobre 2023.

Le rapporteur,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00470 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00470
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;23pa00470 ?
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