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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA03632

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA03632


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 août 2022, 10 janvier et 8 mars 2023, la société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM), représentée par Me de Baecke, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 17 mai 2022 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a rejeté sa candidature en vue d'exploiter, sur les zones de Melun et Narbonne, le service de radio de catégorie D dénommé France Maghreb 2 ;

2°) d'annuler la décision n°2022-328 du 17 mai 2022 aut

orisant la SAS Radio Classique à exploiter un service de radio de catégorie D par voie h...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 août 2022, 10 janvier et 8 mars 2023, la société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM), représentée par Me de Baecke, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 17 mai 2022 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a rejeté sa candidature en vue d'exploiter, sur les zones de Melun et Narbonne, le service de radio de catégorie D dénommé France Maghreb 2 ;

2°) d'annuler la décision n°2022-328 du 17 mai 2022 autorisant la SAS Radio Classique à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Radio Classique dans la zone de Melun ;

3°) d'annuler la décision n°2022-330 du 17 mai 2022 autorisant la SAS Europe 2 Entreprises à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Virgin Radio dans la zone de Narbonne ;

4°) de mettre à la charge de l'ARCOM le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de l'ARCOM du 17 mai 2022 est entachée d'un vice de procédure dès lors que les autorisations d'exploitation des fréquences ont été délivrées en méconnaissance de l'article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication seize mois après l'expiration du délai qui lui était imparti ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur d'appréciation s'agissant des zones de Melun et de Narbonne dès lors que l'ARCOM apprécie de manière erronée la programmation de France Maghreb 2 et partant l'intérêt du public, puisque le service de radio France Maghreb 2 ne diffuse pas d'informations en langue arabe ;

- s'agissant de la zone de Melun, les décisions attaquées sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors que l'ARCOM a méconnu l'intérêt du public et l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels mentionné à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 puisque le format généraliste de France Maghreb 2 n'est pas déjà représenté par les radios Europe 1, RMC RTL et France Inter et que la programmation musicale de France Maghreb 2 n'est pas représentée contrairement à celle de Radio Classique, retenue dans la zone et dont la programmation est pourtant déjà représentée par le service de France Musique et que Radio Classique a déjà une capacité à émettre dans la zone à trois titres à savoir dans la zone de Paris avec une puissance apparente rayonnée de 10 kW, en DAB + et désormais dans la zone de Melun alors que France Maghreb 2 n'est autorisée à diffuser ses programmes que depuis la commune des Lilas avec une puissance apparente rayonnée de 4 kW en partageant la fréquence de 99.5 avec la radio AYP FM, non reçue à Melun ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de la zone de Narbonne dès lors que l'ARCOM a méconnu l'intérêt du public et l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels mentionné à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 puisque le format généraliste de France Maghreb 2 n'est pas déjà représenté par les radios Europe 1, RMC RTL et France Inter, que la programmation musicale de France Maghreb 2 n'est pas représentée contrairement à celle de Virgin Radio, retenue dans la zone et dont la programmation est pourtant déjà représentée par les services de NRJ et Skyrock notamment et que le public visé par France Maghreb 2 est transgénérationnel à l'inverse du public jeune ciblé par Virgin Radio ;

- l'ARCOM a commis une erreur de droit en autorisant le service Virgin Radio au surplus au motif qu'il était présent dans la zone de Narbonne depuis 1993 et que sa disparition serait de nature à mécontenter l'auditoire de cette zone.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 novembre 2022 et 27 mars 2023, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 janvier 2023, la société Radio Classique conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société NORSUCOM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2023, la société Europe 2 Entreprises conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société NORSUCOM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les observations de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Foerster, avocat de la société Nord Sud Communication Multimédias ;

- les observations de Me Biron, avocat de la société Radio Classique ;

- et les observations de Me Poupot, avocat de la société Europe 2 Entreprises.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2020-832 du 25 novembre 2020, modifiée par les décisions n°2021-82 du 10 février 2021 et n° 2021-1080 du 29 septembre 2021, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel aux candidatures pour l'exploitation de services de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet dans le ressort des comités territoriaux de l'audiovisuel de Caen, Clermont-Ferrand, Lille, Paris, Rennes et Toulouse. La société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM) a présenté sa candidature pour la diffusion d'un service de radio dénommé France Maghreb 2 en catégorie D dans les zones de Melun et Narbonne. Lors de sa séance du 17 mai 2022, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), qui a succédé au CSA à compter du 1er janvier 2022, a examiné l'ensemble des candidatures et elle a pourvu les fréquences disponibles en autorisant la SAS Radio Classique et la SAS Europe 2 Entreprises à exploiter un service de radio de catégorie D respectivement dénommé Radio Classique dans la zone de Melun et Virgin Radio dans la zone de Narbonne, et rejeté la candidature présentée par la société NORSUCOM dans ces deux zones. Cette dernière demande à la cour d'annuler la décision de l'ARCOM du 17 mai 2022 en tant qu'elle rejette sa candidature en vue d'exploiter, sur les zones de Melun et Narbonne, le service de radio de catégorie D dénommé France Maghreb 2 et les décisions n°2022-328 et 2022-330 du 17 mai 2022 autorisant la SAS Radio Classique à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Radio Classique dans la zone de Melun et la SAS Europe 2 Entreprises à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Virgin Radio dans la zone de Narbonne.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " (...) l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans les conditions prévues au présent article. / Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel à candidatures. Il fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées. / (...) A l'issue du délai prévu au deuxième alinéa ci-dessus, l'autorité arrête la liste des candidats dont le dossier est recevable. / L'autorité accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public (...) ". Aux termes du I de l'article 28-1 de la même loi : " I-La durée des autorisations délivrées en application des articles 29,29-1,30,30-1 et 30-2 ne peut excéder dix ans. Toutefois, pour les services de radio en mode analogique, elle ne peut excéder cinq ans. Ces autorisations sont délivrées par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de réception des déclarations de candidatures des éditeurs ou des distributeurs de services. (...) ".

3. Les dispositions précitées de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui prescrivent à l'ARCOM de délivrer les autorisations d'émettre dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de l'appel aux candidatures ont été introduites par l'article 42 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 afin de transposer en droit interne l'article 7-4 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, qui a prévu un tel délai afin de favoriser un usage plus efficace de la ressource radioélectrique en évitant que des fréquences attribuables soient gelées pendant des durées excessives. Il ne résulte ni des dispositions de la directive ni des dispositions législatives qui les ont transposées que le dépassement du délai de huit mois entraîne la caducité de la procédure de sélection, laquelle aurait pour conséquence de retarder encore plus l'attribution des fréquences. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le seul dépassement du délai de huit mois prévu par les dispositions précitées, qui n'a pas le caractère d'une garantie et dont le dépassement n'est en lui-même pas susceptible d'exercer une influence sur la décision de l'ARCOM, aurait dû entraîner la nullité de la procédure d'appel à candidatures doit être écarté.

Sur la légalité interne :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, l'ARCOM " accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Elle tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des œuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; 7° S'il s'agit de la délivrance d'une nouvelle autorisation après que l'autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l'article 3-1. / L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. / L'autorité veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. / Elle s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".

En ce qui concerne la zone de Melun :

5. Il ressort des pièces du dossier que l'ARCOM a rejeté la candidature de la radio France Maghreb 2, aux motifs que, " d'une part, le format généraliste [de cette radio] est en partie représenté par Europe 1, RMC, RTL et France Inter, services autorisés dans la zone avant l'appel " et, d'autre part, qu'elle " propose une programmation principalement destinée à un public franco-maghrébin et composée notamment d'informations en langues française et arabe. Les programmes de France Maghreb 2 s'avèrent ainsi susceptibles de compléter dans une moindre mesure l'offre dans la zone, et de répondre dans une moindre mesure aux attentes du public et ainsi d'intéresser un moins large public que ceux de Radio Classique, candidat retenu en catégorie D, dont le format, alliant la diffusion de musique classique et de musiques de films, ainsi que des informations générales et économiques, s'avère original dans la zone, et dont la partie parlée de la programmation est proposée quasi-exclusivement en langue française et permet, de ce fait, de fédérer un plus large public ".

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la lettre de candidature de France Maghreb 2 du 15 janvier 2021 que " la langue française est la langue de l'antenne ", que les auditeurs sont invités par l'animateur à s'exprimer en français mais qu'en cas d'impossibilité ils sont autorisés à s'exprimer en langue arabe dialectale avec une traduction simultanée en langue française et qu'aucune émission n'est mise à l'antenne en langue arabe y compris l'émission religieuse. Toutefois, elle précise en annexe 2 de cette candidature qu'elle " choisit le français comme langue véhiculaire majoritaire à l'antenne (...) sans occulter pour autant l'arabe (littéraire et dialectal) que parle et comprend une partie de son public " ainsi " l'animateur répond à l'auditeur dans la langue que ce dernier utilise ". Par ailleurs, il ressort également de sa candidature qu'elle a signé un contrat de partenariat avec trois radios nationales des pays du Maghreb, avec radio Tunis pour les deux chaînes en langue arabe et en langue française, avec radio Alger Tunis pour les trois chaînes en langue arabe, en langue française et en langue berbère et avec radio Rabat pour deux chaînes en langue arabe et française. Enfin, il ressort de sa grille de programmation que l'émission Parler Islam apporte, en langue française et arabe des réponses aux interrogations liées à la pratique de l'islam en France. Par suite, contrairement à ce que soutient la société NORSUCOM, l'ARCOM a pu relever, sans entacher sa décision d'une erreur de fait, que la programmation de France Maghreb 2 comportait des informations en langues française et arabe.

7. En deuxième lieu, d'une part, la société NORSUCOM fait valoir que la programmation de France Maghreb 2 n'est pas représentée par des services de radios nationaux et généralistes comme Europe 1, RMC, RTL et France Inter tant s'agissant du public visé que du contenu des programmes. Il ressort des pièces du dossier et notamment de son dossier de candidature que France Maghreb 2 a pour cœur de cible " un large public transgénérationnel composé de toutes les générations de son auditoire cible (de 7 à 77 ans) " proposant une programmation composée d'émissions d'actualité, culturelles, de débats, de services et de divertissement à destination d'un auditorat composé, outre des auditeurs franco-maghrébins, " d'immigrés et de citoyens français originaires de pays de culture musulmane, mais également d'immigrés et de citoyens originaires des différentes diasporas étrangères qui vivent en France et de nombreux autres auditeurs originaires des différentes traditions culturelles et religions françaises ". Toutefois, les radios Europe 1, RMC, RTL et France Inter diffusent également une programmation généraliste ayant vocation à s'adresser au plus grand nombre d'auditeurs comportant pour RTL des émissions d'informations, culturelles, de loisirs, de conseils et de services et des émissions de divertissements ou pour Europe 1 des journaux et des bulletins d'informations, des émissions politiques, de débats, de magazines, de divertissements et de jeux ainsi que des émissions culturelles, sportives et musicales, pour RMC une programmation donnant la priorité à l'actualité, à l'interactivité et au sport et enfin pour France Inter des émissions d'informations, de culture et de divertissements. Par suite, quand bien même France Maghreb 2 est la seule à diffuser un programme en direct de l'Assemblée nationale tous les mercredis, une émission à caractère religieux et un programme qui n'est pas exclusivement parlé, sa programmation était déjà en partie représentée par Europe 1, RMC, RTL et France Inter dans la zone de Melun.

8. D'autre part, la société NORSUCOM fait valoir que la programmation musicale de France Maghreb 2 n'est pas représentée contrairement à celle de Radio Classique, retenue dans la zone et dont la programmation est pourtant déjà représentée par le service de France Musique et que Radio Classique a déjà une capacité à émettre dans la zone à trois titres, à savoir dans la zone de Paris avec une puissance apparente rayonnée de 10 kW, en DAB + et désormais dans la zone de Melun, alors que France Maghreb 2 n'est autorisée à diffuser ses programmes que depuis la commune des Lilas avec une puissance apparente rayonnée de 4 kW en partageant la fréquence de 99.5 avec la radio AYP FM, non reçue à Melun. Il ressort des pièces du dossier que France Maghreb 2 a une programmation musicale consacrée à la musique algérienne, marocaine, tunisienne, franco maghrébine, orientale, du monde et sacrée et religieuse. L'ARCOM précise, sans être contredite sur ce point, que les services Evasion et MMG radio autorisés dans la zone avant l'appel à candidatures diffusent également des musiques du monde sans toutefois diffuser spécifiquement des musiques du Maghreb. La programmation musicale de France Maghreb 2 peut ainsi être considérée comme étant partiellement déjà représentée dans la zone. Par ailleurs, si France Musique propose une programmation axée majoritairement sur la musique classique, elle comporte également 10 % de jazz et 10 % d'autres genres musicaux (chansons, musiques du monde, rock, comédies musicales), alors qu'il ressort des pièces du dossier que Radio classique a, quant à elle, une programmation musicale exclusivement axée sur la musique classique s'adressant " à la fois à un public de mélomanes exigeants mais aussi à ceux et celles qui, sans éducation musicale particulière, peuvent être séduits par la beauté d'un morceau, le plaisir dégagé par une mélodie " et conciliant popularité des œuvres et diversité du répertoire comprenant " plus de 20 000 œuvres musicales " allant " du chant grégorien à la musique de film ", offre constamment renouvelée pour intégrer les nouveautés des grands artistes actuels et des jeunes talents. Par suite, contrairement à ce que soutient la société NORSUCOM, la programmation de Radio classique se distingue sensiblement de celle de France-Musique déjà présente dans la zone de Melun avant l'appel à candidatures. Par ailleurs, la programmation musicale de France Maghreb 2 est, par son contenu, susceptible d'intéresser un public plus restreint que celui de radio classique, candidat retenu en catégorie D. Enfin, contrairement à ce que soutient la société NORSUCOM, l'ARCOM ne pouvait pas, pour écarter la candidature de Radio classique au profit de celle de France Maghreb 2, se fonder sur les circonstances que Radio classique bénéficiait déjà d'une autorisation d'émission dans la zone de Paris, zone différente de celle de Melun, quand bien même la puissance apparente rayonnée dont elle bénéficie est de 10 kW et d'une autorisation en DAB +, dont les conditions de réception par rapport aux émissions en ondes FM et les habitudes des auditeurs ne peuvent être regardées comme des modes de diffusion équivalents. Il résulte de tout ce qui précède que contrairement à ce que soutient la société NORSUCOM, l'ARCOM, en retenant la candidature de Radio classique dans la zone de Melun au motif que sa programmation constitue un format original dans la zone, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et n'a pas fait une inexacte application des critères de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels et de diversité des programmes prévus par les dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986.

En ce qui concerne la zone de Narbonne :

9. Il ressort des pièces du dossier que l'ARCOM a rejeté la candidature de la radio France Maghreb 2, aux motifs que " d'une part, le format généraliste [de France Maghreb 2] est en partie représenté par Europe 1, RMC, RTL et France Inter, services autorisés dans la zone avant l'appel " et que, d'autre part, elle " propose une programmation principalement destinée à un public franco-maghrébin et composée notamment d'informations en langues française et arabe. Les programmes de France Maghreb 2 s'avèrent ainsi susceptibles de compléter dans une moindre mesure l'offre dans la zone, et de répondre dans une moindre mesure aux attentes du public et ainsi d'intéresser un moins large public que Virgin Radio, candidat retenu dans la même catégorie, qui propose, à destination d'un public jeune-adulte, une programmation musicale diversifiée (pop-rock, dance-électro, variété complétée par du groove du reggae et du r'n'b) et majoritairement composée de nouveautés, participant notamment à la promotion des jeunes talents français, ainsi que de nombreux contenus parlés d'information, de divertissement et de libre-antenne ; par ailleurs, la partie parlée de la programmation de Virgin Radio est proposée quasi-exclusivement en langue française et permet, de ce fait, de fédérer un plus large public ". L'ARCOM a, au surplus, considéré que " le programme proposé par Virgin Radio était déjà présent dans la zone à raison de 19 heures par jour en semaine et 20 heures 15 par jour le week-end au sein du service Virgin Radio Plein Sud, qui était diffusé depuis 1993 et n'a pas présenté sa candidature dans la zone dans le cadre du présent appel " et que " l'absence de Virgin Radio est dès lors de nature à mécontenter l'auditoire de la zone ".

10. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, contrairement à ce que soutient la société NORSUCOM, l'ARCOM a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de fait, relever que la programmation de France Maghreb 2 comportait des informations en langues française et arabe pour fonder la décision de refus contestée.

11. En deuxième lieu, d'une part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, le format généraliste de France Maghreb 2 est déjà représenté dans la zone de Narbonne par les radios Europe 1, RMC RTL et France Inter qui diffusent également une programmation généraliste ayant vocation à s'adresser au plus grand nombre d'auditeurs.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Virgin Radio a une programmation musicale qui recouvre des programmes pop-rock, dance-électro, variété complétée par du groove du reggae et du r'n'b, est plus diversifiée que celle proposée par France Maghreb 2, et majoritairement composée de nouveautés, participant notamment à la promotion des jeunes talents français contrairement à celle de France Maghreb 2 consacrée à la musique algérienne, marocaine, tunisienne, franco maghrébine, orientale, du monde et sacrée et religieuse. De plus, Virgin Radio s'engage à diffuser dans la zone de Narbonne au moins 35 % de chansons d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France et au moins 25 % de chansons d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France provenant de nouveaux talents. Si le public cœur de cible de Virgin Radio, Skyrock et NRJ est proche alors que France Maghreb 2 vise " un large public transgénérationnel composé de toutes les générations de son auditoire cible (de 7 à 77 ans) ", la disparition du service Virgin Radio qui était présent en catégorie C dans la zone de Narbonne depuis 1993 par l'intermédiaire de Virgin Radio plein Sud serait de nature à mécontenter l'auditoire de cette zone, alors que, si l'ARCOM ne saurait légalement retenir la candidature d'un opérateur au seul motif qu'il est déjà présent dans la zone, il peut, pour apprécier l'intérêt de chaque projet pour le public, tenir notamment compte de l'expérience acquise dans la zone par les différents candidats. Le critère de l'expérience acquise dans le domaine de la communication est un critère complémentaire de ceux que l'article 29 définit comme des impératifs prioritaires au nombre desquels figure l'intérêt pour le public. Ainsi, en prenant en compte non seulement le contenu de ses programmes et le public visé mais également la circonstance que la disparition de ce service, qui bénéficie d'une expérience dans la zone depuis 1993 et d'un auditoire, serait de nature à mécontenter les auditeurs de la zone, l'ARCOM n'a pas commis d'erreur de droit au regard de l'intérêt du projet pour le public. Il résulte de tout ce qui précède que contrairement à ce que soutient la société NORSUCOM, l'ARCOM, en retenant la candidature de Virgin Radio dans la zone de Narbonne au motif que sa programmation est davantage de nature à satisfaire l'intérêt du public, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et n'a pas fait une inexacte application des critères de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels et de diversité des programmes prévus par les dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société NORSUCOM n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du 17 mai 2022 par lesquelles l'ARCOM a rejeté sa candidature dans les zones de Melun et Narbonne, autorisé la SAS Radio Classique dans la zone de Melun et autorisé la SAS Europe 2 Entreprises dans la zone de Narbonne.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ARCOM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la société NORSUCOM la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société NORSUCOM sur le fondement des mêmes dispositions, la somme que la SAS Radio Classique et la SAS Europe 2 Entreprises demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Nord Sud Communication Multimédias est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS Radio Classique et de la SAS Europe 2 Entreprises, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nord Sud Communication Multimédias, à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, à la SAS Radio Classique et à la SAS Europe 2 Entreprises.

Copie de la présente décision sera adressée pour information à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03632
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY- POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa03632 ?
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