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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA00832

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA00832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la somme de 47 151 euros dont elle s'est acquittée au titre de l'impôt sur le revenu sur la part variable de rémunération qui lui a été allouée en 2018, d'un montant de 155 046 euros.

Par un jugement n° 2101049 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif a prononcé la décharge de la somme de 47 151 euros en litige.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2022

le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la somme de 47 151 euros dont elle s'est acquittée au titre de l'impôt sur le revenu sur la part variable de rémunération qui lui a été allouée en 2018, d'un montant de 155 046 euros.

Par un jugement n° 2101049 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif a prononcé la décharge de la somme de 47 151 euros en litige.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2022 le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour d'annuler le jugement du

15 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris et de décider le rétablissement de l'impôt sur le revenu de l'année 2018 à hauteur du montant de 47 151 euros déchargé par le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de qualification juridique en estimant que la part variable de Mme B... ne présentait pas un caractère surérogatoire au sens des dispositions de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 ; la part variable versée à Mme B... est surérogatoire dès lors que le contrat de travail de l'intéressée ne précise ni les critères d'attribution ni les modalités de calcul de celle-ci ; cette part variable présente un caractère inhabituel dès lors qu'elle n'est pas garantie chaque année ;

Par un mémoire, enregistré le 25 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Joubeaud et Me Schrameck, conclut au rejet de la requête présentée par le ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle fait valoir que :

- la prime versée au titre de l'année 2018 était prévue à l'article 6 de son contrat de travail ; les motifs d'attribution de cette prime ainsi que les modalités de son évaluation sont de même fixés dans la politique de rémunération de l'entreprise à laquelle renvoie son contrat de travail ;

- le ministre n'est pas fondé à soutenir qu'elle n'était pas en mesure d'évaluer à l'avance le montant de sa prime dès lors que le bénéfice du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement n'est pas subordonné à une condition tenant à ce que le salarié soit en mesure d'évaluer lui-même le montant de la prime qui lui sera versée ;

- à supposer que cette part variable ne puisse être considérée comme prévue par le contrat de travail, elle constituerait néanmoins une gratification attribuée et versée de manière habituelle, ses conditions d'attribution et de versement en 2018 ayant été similaires à celles des années précédentes ;

- par ailleurs, la prime versée en 2018 à ne constitue pas un revenu exceptionnel par son montant ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Schrameck représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est salariée d'une succursale française de la société canadienne Royal Bank of Canada Europ où elle occupe les fonctions de chargé d'affaires. Elle a déclaré au titre de l'année 2018 une rémunération de 323 177 euros. Saisie en février et août 2019 par l'employeur de Mme B... d'une demande prise de position formelle tendant à déterminer l'éligibilité des éléments de rémunération variables versés à ses salariés au crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) prévu par les dispositions de l'article 60 de la loi de finances pour 2017 du 29 décembre 2016, l'administration fiscale a estimé, par courriers du 23 mai et du 17 octobre 2019, que la part variable versée aux salariés de la société n'entrait pas dans le champ du CIMR compte tenu du caractère exceptionnel de ces versements. Mme B... a alors déposé une déclaration rectificative faisant état d'une part variable perçue en 2018 non éligible au CIMR pour un montant de 155 046 euros, ce qui a conduit à l'émission d'un avis d'imposition supplémentaire pour un montant de 47 151 euros. Mme B... a, ensuite, saisi le tribunal administratif de Paris de conclusions à fin de décharge de cette somme. Par un jugement n°2101049/1-1 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de cette somme. Par le présent recours, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du II de l'article 60 de la loi susvisée du 29 décembre 2016 : " A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu / B. - Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 résultant de l'application des règles prévues aux 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts ou, le cas échéant, à l'article 197 A du même code multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global. Le montant obtenu est diminué des crédits d'impôt prévus par les conventions fiscales internationales afférents aux revenus mentionnés au 1 du même article 204 A / C. - Sont pris en compte au numérateur du rapport prévu au B du présent II, pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A, les montants nets imposables suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères, à l'exception : (...) 13° Des gratifications surérogatoires, qui s'entendent des gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social ou allant au-delà de ce qu'ils prévoient, quelle que soit la dénomination retenue ; / 14° Des revenus qui correspondent par leur date normale d'échéance à une ou plusieurs années antérieures ou postérieures ; / 15° De tout autre revenu qui, par sa nature, n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement (...) ".

3. En premier lieu, pour contester l'éligibilité du crédit d'impôt modernisation du recouvrement à la part variable versée en 2018 à Mme B..., le ministre soutient que si le principe de cette part variable est prévu au point 6 du contrat de travail de l'intéressée sous la forme d'un " bonus discrétionnaire " dépendant des résultats de la société RBC et des performances individuelles du salarié, les conditions d'octroi de celles-ci et les modalités de détermination de son quantum ne seraient en revanche pas identifiables ni même déterminables, de sorte qu'elle présenterait un caractère surérogatoire au sens des dispositions précitées. Toutefois, d'une part, ainsi que le fait valoir Mme B..., qui en application des dispositions de l'article R* 194-1 du livre des procédures fiscales supporte la charge de démontrer l'exagération de l'imposition à laquelle elle a été soumise d'après les bases indiquées dans sa déclaration rectificative, il résulte du document interne à l'entreprise " Régime de rémunération de la société RBC Capital Market ", auquel renvoie son contrat de travail, que si le principe du versement de la part variable de la rémunération annuelle est laissé à la discrétion de l'employeur, les conditions d'octroi et de détermination du montant de cette part variable sont régies par différents critères objectifs tenant notamment au rendement du salarié, au " rendement par rapport au risque et à l'utilisation du capital ", aux profits de la division à laquelle il appartient ou encore à la pertinence d'un complément de rémunération incitatif. Si la pondération de ces différents facteurs est ainsi laissée chaque année à l'appréciation de l'employeur et peut en outre varier d'un salarié à l'autre au sein d'un même service, de sorte que le montant de la part variable n'est pas déterminable à l'avance par le salarié, cette part variable présente nécessairement un lien avec le contrat de travail de l'intéressée. A cet égard, et contrairement à ce que soutient le ministre, les critères figurant dans ce document interne régissant le régime de rémunération des salariés de la société RBC Marchés des capitaux n'ont pas été institués pour la seule année 2018 mais trouvaient à s'appliquer pour les années antérieures, notamment l'année 2016, ainsi qu'en atteste le document versé aux débats par Mme B.... L'absence de caractère surérogatoire de la part variable de rémunération qui lui a été versée est ainsi démontrée par cette dernière. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme B... a perçu chaque année, à l'exception des années 2015 et 2016, une part variable dans des proportions proches de celle versée pour l'année 2018 dont l'éligibilité au CIMR est demandée, de sorte que la rémunération complémentaire versée pour l'année 2018, présentant un caractère annuel, ne peut être regardée comme inhabituelle.

4. En second lieu, le ministre ne peut utilement se prévaloir de la doctrine référencée BOI-IR-PAS-50-10-20-10 publiée au BOI du 1er août 2018. Dès lors, à le supposer invoqué, le moyen tiré de ce que la part variable versée à Mme B... pour l'année 2018 ne remplirait pas les conditions prévues par cette doctrine ne peut qu'être écarté.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de l'impôt sur le revenu dont Mme B... s'est acquittée au titre de la part variable de rémunération qui lui a été allouée pour l'année 2018.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

6. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme A... B....

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente ;

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

Le rapporteur,

J. DUBOIS

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00832
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : JOUBEAUD ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa00832 ?
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