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20/10/2023 | FRANCE | N°21PA06510

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 octobre 2023, 21PA06510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Séductive a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des pénalités dont ces cotisations et ces droits ont été assortis.

Par un jugement n° 1915546 du 21 octobre 2021, le tribunal admini

stratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Séductive a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des pénalités dont ces cotisations et ces droits ont été assortis.

Par un jugement n° 1915546 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 décembre 2021 et les 3 et 25 mai 2023, la société Séductive, représentée par la société d'avocats Sassi, prise en la personne de Me Sassi, puis par Me Benaroch, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1915546 du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la nullité du procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal daté du 26 octobre 2016 ;

3°) de prononcer la nullité de la proposition de rectification du 15 décembre 2016 ;

4°) de prononcer la nullité de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ou de la fixer à un euro symbolique ;

5°) de constater que la société et son gérant ont subi des préjudices importants ;

6°) à tout le moins, de prononcer la décharge des rehaussements contestés, d'annuler le procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal et de prononcer le dégrèvement de l'intégralité des pénalités fiscales.

Elle soutient que :

- elle n'a pas eu la possibilité de se faire assister par le conseil de son choix lors de l'entretien du 23 août 2016 ;

- la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ne lui a pas été remise préalablement aux opérations de contrôle ;

- le changement de vérificateur en cours de contrôle, le comportement du second d'entre eux, qui n'a pas donné suite aux propositions de calendrier des opérations faites par la société, et l'absence de réponse du supérieur hiérarchique du vérificateur aux courriers de la société mettant en cause ce comportement constituent des vices de procédure ;

- la société ne s'est pas opposée au contrôle, qui n'a pas pu être mené à bien en raison du comportement du vérificateur ; de ce fait, la procédure d'évaluation d'office ne pouvait pas être mise en œuvre ;

- la proposition de rectification du 15 décembre 2016 est insuffisamment motivée car l'administration n'a pas précisé quelle procédure - évaluation d'office ou rectification contradictoire - elle entendait appliquer ;

- dans la mesure où l'administration fiscale n'a pas choisi la procédure d'imposition applicable au contrôle, elle ne pouvait ni proroger le délai de vérification de trois à six mois, ni reconstituer le chiffre d'affaires ;

- l'administration aurait dû utiliser au minimum deux méthodes de reconstitution ;

- la comptabilité n'était pas irrégulière ;

- des accords commerciaux conclus les 14 août 2014 et 1er août 2013 entre les sociétés Séductive et Leajes, aux termes desquels la société Séductive a pris à sa charge des travaux qui constituent des charges qui auraient dû être déduites ;

- les bénéfices rehaussés n'ont pas été distribués. C'est donc logiquement qu'elle n'a pas répondu à la demande du service l'invitant à désigner le bénéficiaire de la distribution correspondant au montant des bénéfices rehaussés.

Par des mémoires enregistrés le 5 mai 2022 et le 17 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Séductive n'est fondé.

Par une ordonnance du 30 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2023, à 12 heures.

Un mémoire a été produit par la société Séductive le 26 septembre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benaroch, pour la société Séductive.

Considérant ce qui suit :

1. La société Séductive a fait l'objet en 2016 d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle des compléments d'impôt sur les sociétés et un rappel de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, l'administration ayant estimé, aux termes d'un procès-verbal dressé le 27 octobre 2016, que la société faisait opposition au contrôle fiscal. La société Séductive relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2017 : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. / L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. "

3. D'une part, conformément aux dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, l'avis de vérification du 21 juin 2016, notifié à la société Séductive le 23 juin 2016 mais dont son gérant n'indique avoir eu connaissance que le 8 juillet 2016, informe la société que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site www.impots.gouv.fr, en indiquant la rubrique correspondante, ou qu'une copie peut lui être remise à sa demande. Si la société Séductive soutient qu'une version papier lui a été envoyée le 3 octobre 2016 seulement, soit après le début des opérations de contrôle, elle n'établit pas ni même n'allègue ne pas avoir pu consulter la charte sur le site internet mentionné ni avoir fait la demande de remise d'une version papier avant le début de ces opérations. Elle ne peut en tout état de cause pas se prévaloir des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, qui concernent la situation d'un contrôle inopiné, dans laquelle elle ne se trouvait pas. Au demeurant, la société Séductive n'indique pas de quelle garantie elle aurait été privée du fait de l'absence de remise de la charte avant le début des opérations de contrôle.

4. D'autre part, si la société Séductive fait valoir qu'elle a été privée de la possibilité de se faire assister de son comptable lors de l'entretien qui a finalement eu lieu le 23 août 2016, après que l'entretien initialement prévu le 19 juillet 2016 a été repoussé à sa demande, elle n'apporte aucun élément établissant que ce même comptable n'aurait pas été disponible le 19 juillet 2016 ni, en tout état de cause, eu égard au délai de plus de deux mois dont elle a bénéficié pour pouvoir s'organiser, qu'elle n'aurait pas pu se faire assister par un autre conseil, l'administration n'étant tenue que par l'obligation de laisser un délai raisonnable au contribuable entre la notification de l'avis d'imposition et le début des opérations de contrôle, ce qui est le cas en l'espèce, mais pas par celle de renoncer à fixer des entretiens pendant l'intégralité de la " période estivale ". Enfin, la société Séductive n'indique pas en quoi le fait qu'elle n'a pas pu se faire assister par son comptable le 23 août 2016 aurait eu une incidence sur la décision d'imposition litigieuse.

5. En deuxième lieu, la société Séductive n'indique pas en quoi le changement de vérificateur intervenu après le débit des opérations de contrôle, dont elle a été informée par lettre du 13 septembre 2016, aurait entaché la procédure d'irrégularité, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction que ce changement a été décidé après que le gérant de la société a eu une attitude déplacée envers la première vérificatrice.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois (...) ".

7. En l'espèce, la vérification de comptabilité de la société Séductive a débuté le 23 août 2016 et s'est achevée le 22 février 2017, au lieu du 23 novembre 2016 comme initialement prévu, après que, par courrier du 15 novembre 2016, le vérificateur a informé la société de la prorogation du délai d'intervention de trois mois à six mois en raison de l'opposition à contrôle fiscal et pour défaut de présentation d'une comptabilité régulière et probante. La société Séductive soutient que sa comptabilité ne pouvait pas être écartée comme non probante et que dès lors, l'administration ne pouvait pas proroger le délai de vérification de trois à six mois. Cependant, il résulte de l'instruction que la société Séductive, qui tenait une comptabilité informatisée, a remis au service des fichiers des écritures comptables établis le 10 août 2016, postérieurement aux dates limites de dépôt des déclarations de résultats des exercices en litige. Par ailleurs, le ministre soutient sans être contesté que les données figurant sur ces fichiers ne correspondaient pas à celles reprises dans les déclarations de résultats déposées par la société Séductive. Enfin, il résulte de l'instruction que la société n'a pas présenté à l'administration les pièces justificatives des recettes et des inventaires. Ces graves irrégularités privaient la comptabilité de valeur probante et autorisaient l'administration à proroger le délai de la vérification de comptabilité conformément aux dispositions précitées du 4° de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, le choix qui a été fait de taxer la société selon la procédure d'évaluation d'office étant à cet égard sans incidence. Les attestations établies le 6 décembre 2018 par le cabinet comptable RZ conseil, selon lesquelles, d'une part, aucun élément remettant en cause la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels au titre des exercices clos en 2014, 2016 et 2017 n'a été relevé et, d'autre part, les dettes à l'égard de la société Carlux et de la société Mogador ont été annulées dans les comptes de l'exercice comptable 2017, ne permettent pas de remettre en cause cette appréciation. Il en résulte que la société n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition était irrégulière à raison de cette prorogation.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure (...). / Il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure (...) si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable (...) ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 67 ".

9. En cinquième lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions combinées des articles L. 67 et L. 76 du livre des procédures fiscales que l'administration n'est pas tenue, en cas d'opposition à contrôle, de notifier au contribuable les bases de calcul des impositions d'office. Par suite, à supposer même que la proposition de rectification adressée à la société Séductive le 15 novembre 2016 ait été insuffisamment motivée, ce qui n'est au demeurant pas le cas, cette irrégularité ne serait pas de nature à vicier la procédure d'imposition.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que la société Séductive a été informée par avis de vérification de comptabilité reçu le 23 juin 2016, que la vérification de comptabilité se déroulerait à partir du 19 juillet 2016. Malgré le report accordé à la société pour que les opérations se déroulent à compter du 23 août 2016, et en dépit de deux mises en garde, les 29 septembre et 14 octobre 2016, le dirigeant de la société a refusé de répondre aux questions portant sur l'activité de la société, n'a présenté aucune pièce justificative des recettes et des inventaires et n'a pas permis, en raison de son attitude, la fixation d'un calendrier d'intervention pour que le contrôle puisse être mené à bien, dans les délais impartis. Au vu de l'ensemble de ces éléments, qui sont détaillés dans le procès-verbal d'opposition à contrôle établi le 27 octobre 2016 ainsi que dans la proposition de rectification du 15 décembre 2016, et qui témoignaient de la volonté de faire obstacle au contrôle fiscal, ce que les explications apportées en appel par la société Séductive ne permettent pas de contester utilement, un procès-verbal d'opposition à contrôle a été adressé à la société Séductive le 27 octobre 2016, l'avisant de la mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Il ressort de la proposition de rectification du 15 décembre 2016 que c'est bien cette procédure qui a été suivie par l'administration, tant pour l'impôt sur les sociétés que pour la taxe sur la valeur ajoutée et pout tous les exercices et périodes en litige, comme en atteste l'emploi du terme " à titre principal ". Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales n'a pas été régulièrement mise en œuvre ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur le terrain de la loi :

12. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. " Les bases d'imposition de la société Séductive ayant été à bon droit évaluées d'office, ainsi qu'il a été dit au point 11, il lui appartient, conformément aux articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste.

Sur le caractère probant de la comptabilité :

13. Ainsi qu'il a été dit au point 7, la comptabilité de la société Séductive était entachée de graves irrégularités la privant de valeur probante. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a reconstitué les recettes et résultats de la société à l'aide d'une méthode extra comptable.

Sur la reconstitution du chiffre d'affaires :

14. Il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires de la société Séductive a été reconstitué, alors que la société vérifiée, en situation d'opposition à contrôle fiscal, n'a pas produit les justificatifs de recettes et que, s'agissant des exercices 2013 et 2014, les produits comptabilisés étaient différents des produits déclarés, à partir, d'une part, des crédits bancaires des comptes de la société ne correspondant pas à des mouvements de compte à compte ou à des sommes clairement identifiées comme étant des remboursements, et, d'autre part, des sommes facturées et non réglées pour lesquelles les factures ont été obtenues dans le cadre de l'exercice du droit de communication mis en œuvre par le service auprès des établissements bancaires, des clients et fournisseurs de la société Séductive.

15. De première part, contrairement à ce que la société Séductive soutient, aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait le service à recourir, pour reconstituer les recettes de la société Séductive, à l'utilisation de plusieurs méthodes d'évaluation. En outre, si elle souligne la possibilité qui est la sienne de présenter une autre méthode, qui prendrait mieux en compte les conditions réelles d'exploitation, elle s'abstient de le faire.

16. De deuxième part, la seule circonstance que suite au recours hiérarchique introduit par la société, l'administration a abandonné une partie des rehaussements, pour un montant de 95 000 euros, ne suffit pas pour établir que la méthode utilisée par l'administration pour reconstituer les recettes et les résultats de la société Séductive n'était pas suffisamment précise, ainsi que le soutient la société.

17. De troisième part, il résulte des pièces du dossier que l'administration a refusé

d'admettre en déduction des résultats de la société Séductive diverses dépenses exposées par celle-ci au profit de la société Leajes, dont elle détenait 50 % du capital. La société Séductive soutient qu'elle avait passé avec la société Leajes, le 1er août 2013 et le 14 août 2014, des accords commerciaux, pour le développement des marques " Le club fitness " et " House boxing ", aux termes desquels elle aurait effectué des travaux pour le compte de la société Leajes, à compter du mois d'août 2013, que le service ne pouvait dès lors pas refuser d'admettre en déduction des résultats de la société les dépenses correspondantes. Toutefois, s'agissant de dépenses dont l'administration soutient qu'elles ont été exposées dès le mois d'août 2013, le contrat signé le 14 août 2014 ne peut en tout état de cause pas être utilement invoqué par la société pour justifier du bien-fondé des dépenses en cause. S'agissant du contrat qui aurait été signé le 1er août 2013, l'administration relève, sans être utilement contredite, qu'ayant été produit après la fin des opérations de contrôle et à défaut d'enregistrement, et alors que les marques " Le club fitness " et " House boxing " n'ont été déposées à l'INPI par la société que le 12 mars 2014, il est dénué de date certaine, et que ses signataires ne sont pas identifiés, ce qui lui dénie tout caractère probant. En tout état de cause, alors que l'administration a relevé l'absence de lien entre, d'un côté, les achats effectués par la société en 2013, 2014 et 2015 auprès de différents commerces de bricolage et, de l'autre, les travaux qui auraient été effectués dans les locaux de la société Leajes, la seule production de ces contrats, ainsi que d'un article de presse sur " le club fitness, épicentre de la house boxing ", ne suffit pas pour apporter la preuve, qui incombe à la société Séductive, du caractère justifié des charges en cause ni, en conséquence, de l'exagération des bases d'impositions résultant de la méthode de reconstitution utilisées par l'administration fiscale.

Sur le terrain de la doctrine administrative :

18. La société Séductive n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de l'instruction ministérielle du 4 août 1976, par laquelle l'administration a invité ses agents à recouper les résultats obtenus par une première méthode en recourant à une seconde méthode, qui ne comporte que des recommandations et ne contient aucune interprétation de la loi fiscale susceptible de lui être opposée.

Sur la majoration de 100% prévue par l'article 1732 du code général des impôts :

19. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat ; (...) ".

20. La société Séductive s'est placée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans la situation d'opposition à contrôle fiscal prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Les dispositions précitées de l'article 1732 du code général des impôts étaient donc applicables. La société, qui se borne à faire valoir qu'elle s'est spontanément acquittée, le 7 décembre 2018, d'une somme de 28 256 euros, correspondant selon elle à l'imposition due suite à la suppression des " anomalies " comptables en lien avec les factures Carlux et Mogador de 2013, 2014 et 2015, dont elle indique qu'elles ont été régularisées et comptabilisées dans le résultat au titre de l'année 2017, ainsi qu'en atteste le cabinet comptable RZ conseil, ne peut en tout état de cause pas utilement se prévaloir de ce que l'administration fiscale n'aurait pas démontré le caractère délibéré des manquements relevés en méconnaissance des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, qui n'ont pas été appliquées en l'espèce.

Sur la majoration de 100 % prévue par l'article 1759 du code général des impôts :

21. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". L'article 110 du même code prévoit : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ". L'article 117 du même code prévoit : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". L'article 1759 dudit code prévoit : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ".

22. Les dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts instituent une présomption de distribution des sommes réintégrées dans les bénéfices taxés à l'impôt sur les sociétés. Si cette présomption n'est pas opposable aux associés de la société Séductive, elle l'est à la société elle-même, seule concernée par la pénalité de l'article 1759. Or la société Séductive, qui ne conteste pas ne pas avoir répondu à la demande qui lui a été faite, dans la proposition de rectification du 15 décembre 2016, de faire connaître à l'administration, conformément aux dispositions de l'article 117 du code général des impôts, les noms et adresses du ou des bénéficiaires de ces distributions, et qui, en outre, comme il a été dit, supporte la charge de la preuve dès lors qu'elle est régulièrement évaluée d'office, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette présomption de distribution. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la majoration de 1,25 % pour l'établissement des contributions sociales assises sur les bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 158-7-2 du code général des impôts méconnait le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques est inopérant. Par suite, la société Séductive n'est pas fondée à demander la décharge de l'amende prononcée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ni, en tout état de cause, que cette amende soit ramenée à un euro symbolique.

23. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions tendant ce que la Cour prononce la nullité ou annule le procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal du 27 octobre 2016 et constate que la société et son gérant ont subi des préjudices, que la société Séductive n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge ou de réduction ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Séductive est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Séductive et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06510
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SASSI SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;21pa06510 ?
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