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17/10/2023 | FRANCE | N°22PA05228

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 22PA05228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du

4 octobre 2022 par lesquels le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée d'un an, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2220675/8 du 8 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr

e le 8 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Menage, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du

4 octobre 2022 par lesquels le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée d'un an, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2220675/8 du 8 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Menage, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2220675/8 du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les arrêtés du 4 octobre 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Concernant la régularité du jugement :

- il est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas statué sur les circonstances humanitaires qu'elle a fait valoir ;

- il est entaché d'une erreur de fait en qualifiant à tort sa plainte de plainte pour des faits de maltraitance dès lors que son récit permettait raisonnablement de penser qu'elle était victime de faits de proxénétisme ;

- il est entaché d'erreurs de droit dès lors qu'il a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 425-1 et R. 425-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Concernant la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'une méconnaissance de son droit à être entendue ;

- elle est entachée d'un vice de procédure tiré d'une absence d'information sur ses droits prévus par les articles R. 425-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit tirée de la méconnaissance des articles L. 425-1 et R. 425-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Concernant la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire :

- cette décision est entachée d'erreurs de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le risque de fuite n'est pas établi et qu'elle justifie de garanties de représentation ; par ailleurs, elle présentait des circonstances particulières du fait de son statut de victime de traite des êtres humains ;

Concernant la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Concernant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 23 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante nigériane, née le 28 février 1994 et entrée en France sous couvert d'un visa C, le 16 septembre 2013, a été interpellée le 3 octobre 2022 lors d'un contrôle d'identité. Par deux arrêtés du 4 octobre 2022, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de ces arrêtés mais le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 8 novembre 2022 dont elle relève dès lors appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi prescrit qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

3. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ".

4. Il résulte de ces dispositions que pendant toute la durée de la procédure pénale, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an est, sous réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit au ressortissant étranger qui a déposé plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre l'infraction visée à l'article 225-4-1 du code pénal de traite des êtres humains.

5. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui se prévaut de sa qualité de victime d'un réseau de prostitution entre 2013 et 2020, a déposé une plainte contre X le 20 juillet 2020 en vue de permettre l'identification de la personne l'ayant contrainte à se livrer à la prostitution lors de son arrivée en France. Elle y expose notamment qu'un certain " Alex " aurait pris en charge les frais de son voyage vers la France et qu'une dénommée " Jennifer " l'aurait, lors de son arrivée, obligée à se prostituer pour rembourser la dette ainsi contractée. Or il n'est ni établi ni même allégué que cette plainte aurait été classée sans suite. Par suite, la procédure pénale ne pouvait être regardée comme étant achevée le 4 octobre 2022, date à laquelle la mesure d'éloignement a été prise.

6. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens soulevés, la requérante est fondée à soutenir que la décision du 4 octobre 2022 par laquelle le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est entachée d'une erreur de droit et doit par suite être annulée, de même que, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an.

Sur les conclusions à fins d'injonction ;

7. Aux termes de l'article L911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; le présent arrêt qui n'annule pas un refus de titre de séjour mais seulement une obligation de quitter le territoire français n'implique pas qu'il soit fait droit aux conclusions à fins d'injonction de Mme B....

En ce qui concerne les frais de l'instance :

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ménage, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ménage de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2220675/8 du 8 novembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et les arrêtés du 4 octobre 2022 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Ménage une somme de 1 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

M-I. C... Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05228
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : MENAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-17;22pa05228 ?
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