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13/10/2023 | FRANCE | N°22PA05161

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 octobre 2023, 22PA05161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie Royal Air Maroc a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 août 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'ancien article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de diminuer le montant de cette amende.

Par un jugement n° 2017185 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête enregistrée le 5 décembre 2022, la compagnie Royal Air Maroc, représentée par Me Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie Royal Air Maroc a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 août 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'ancien article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de diminuer le montant de cette amende.

Par un jugement n° 2017185 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2022, la compagnie Royal Air Maroc, représentée par Me Pradon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 17 août 2020 ou de la décharger du paiement de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'erreur commise ne peut être qualifiée de manifeste.

Par un mémoire enregistré le 19 juin 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 ;

- le règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 17 août 2020, le ministre de l'intérieur a infligé à la compagnie Royal Air Maroc, sur le fondement de l'article L. 625-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables, une amende de 10 000 euros pour avoir, le 17 novembre 2019, débarqué sur le territoire français un passager en provenance de Casablanca, démuni de documents de voyage valables. Par un jugement du 4 octobre 2022, dont la compagnie Royal Air Maroc relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 août 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues. " Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 € l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. (...). " Aux termes de l'article L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu L. 821-6 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : / (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. "

3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n°399/2016 visé ci-dessus : " Pour un séjour prévu sur le territoire des Etats membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute la période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière qui remplisse les critères suivants (...) ; b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil sauf s'ils sont titulaires d'un titre de séjour ou d'un visa de long séjour en cours de validité (...) ". L'article 1er du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 visé ci-dessus, alors en vigueur, dispose que les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe I doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres, à l'exclusion du transit aéroportuaire. Le Mali fait partie des pays figurant sur la liste de cette annexe.

5. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. Il résulte de l'instruction que la société Royal Air Maroc a laissé débarquer le 17 novembre 2019 à l'aéroport Paris-Orly, du vol AT 760 en provenance de Casablanca, M. A..., ressortissant malien ayant présenté un passeport malien manifestement démuni de visa Schengen. Le passager incriminé a, en outre, présenté un titre de séjour italien, manifestement périmé depuis le 13 octobre 2018, ainsi qu'une carte d'identité italienne indiquant sa nationalité malienne et ne permettant pas de voyager en dehors de l'Italie, la circonstance que ces mentions soient rédigées en italien étant sans incidence sur le caractère manifestement décelable de ces irrégularités. Au demeurant, la circonstance que le passager incriminé aurait voyagé dans l'espace Schengen le 13 avril 2019 alors même que son titre de séjour italien était périmé depuis le 13 octobre 2018 est sans lien avec les irrégularités ainsi relevées dès lors que, comme l'ont relevé les premiers juges, le tampon sur son passeport du 13 avril 2019 fait état d'un voyage entre Paris et Bamako et non au sein de l'espace Schengen. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions précitées de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la compagnie nationale Royal Air Maroc une amende sur ce fondement.

7. Il résulte de l'instruction qu'en raison du caractère aisément décelable des irrégularités constatées consistant en l'absence de détention, par le passager incriminé, d'un visa l'autorisant à pénétrer dans l'espace Schengen et de la présentation de documents n'autorisant pas le franchissement des frontières, de surcroît manifestement périmé en ce qui concerne le titre de séjour italien, l'agent de la compagnie ne pouvait que constater que l'intéressé ne respectait pas ces formalités. La compagnie nationale Royal Air Maroc ne saurait à cet égard utilement soutenir que M. A... pouvait être assimilé à un ressortissant malien ayant la nationalité italienne par la simple détention d'une carte d'identité italienne mentionnant de surcroit sa nationalité malienne. Par suite, aucune circonstance particulière ne justifie une minoration du montant de l'amende prévue par les dispositions de l'article L. 625-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Royal Air Maroc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la compagnie Royal Air Maroc est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Bruston, présidente assesseure,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

La rapporteure,

S. BRUSTON La présidente,

M. HEERS

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05161 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05161
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CLYDE et CO LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-13;22pa05161 ?
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