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13/10/2023 | FRANCE | N°22PA05159

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 octobre 2023, 22PA05159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie nationale Royal Air Maroc a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 20 000 euros sur le fondement des articles L. 652-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de la décharger du paiement de cette amende.

Par un jugement n° 2105624 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2022, la compagnie Royal Air Maro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie nationale Royal Air Maroc a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 20 000 euros sur le fondement des articles L. 652-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de la décharger du paiement de cette amende.

Par un jugement n° 2105624 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2022, la compagnie Royal Air Maroc demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 15 janvier 2021 ou de la décharger du paiement de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que le ministre ne l'a pas informée des modalités concrètes du paiement de la majoration de l'amende à 20 000 euros ;

- l'usurpation d'identité n'était pas manifeste.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il indique s'en remettre aux pièces et écritures produites dans le cadre de la première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) 539/2001 du 15 mars 2001 ;

- le règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision R/20-0266 du 15 janvier 2021, le ministre de l'intérieur a infligé à la compagnie nationale Royal Air Maroc, sur le fondement des articles L. 625-1 et suivants alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 20 000 euros pour avoir, le 17 février 2020, débarqué sur le territoire français à l'aéroport de Paris-Orly, une passagère mineure de nationalité indéterminée en provenance de Casablanca, munie du passeport n°17DE32618 manifestement usurpé. La compagnie Royal Air Maroc relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 625-1 devenu L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 € l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un État de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 625-4 du même code, devenu l'article L. 821-9 : " Lorsque l'étranger débarqué en France est un mineur sans représentant légal, la somme de 10 000 € doit être immédiatement consignée auprès du fonctionnaire visé au premier alinéa de l'article L. 625-2. Tout ou partie de cette somme est restituée à l'entreprise selon le montant de l'amende prononcée ultérieurement par l'autorité administrative. Si l'entreprise ne consigne pas la somme, le montant de l'amende est porté à 20 000 €. (...) ". Aux termes de l'article

L. 625-5 devenu L. 821-6 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et

L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste ".

3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 625-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, visées par la décision du ministre de l'intérieur du 15 janvier 2021, que lorsque l'étranger débarqué en France est un mineur sans représentant légal, la somme de 10 000 euros doit être immédiatement consignée et qu'en l'absence de consignation, le montant de l'amende est porté à 20 000 euros. En l'espèce, compte tenu de l'absence de consignation effectuée par la compagnie, le ministre a pu légalement fixer le montant de l'amende à 20 000 euros. La compagnie Royal Air Maroc ne peut se prévaloir de ne pas avoir été informée de la majoration du montant de cette amende, dès lors qu'elle était expressément mentionnée dans la décision du 15 janvier 2021 et qu'elle figurait au demeurant sur le procès-verbal du 17 février 2020 ainsi que sur " l'avis à la compagnie " du

17 février 2020. Par ailleurs, la circonstance que le ministre de l'intérieur n'a pas produit de titre de perception de cette amende est sans incidence sur le bien-fondé de la majoration de celle-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur n'a pas informé la compagnie Royal Air Maroc des modalités concrètes du paiement de la majoration de l'amende à 20 000 euros doit être écarté.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction que la compagnie Royal Air Maroc a laissé débarquer, le 17 février 2020, du vol n° AT 764 en provenance de Casablanca, à l'aéroport de Paris-Orly une ressortissante étrangère mineure munie d'un passeport français usurpé. Les dissemblances physiques ressortant de la comparaison entre la photographie figurant sur le passeport et celle de la personne débarquée sont suffisamment importantes pour que l'irrégularité du passeport soit considérée comme manifeste et décelable par un examen normalement attentif de l'agent d'embarquement et, partant, susceptible de justifier le prononcé d'une amende sur le fondement des articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'ait d'incidence sur ce point la circonstance que cette irrégularité aurait échappé au service de police marocain. Par ailleurs, aucune circonstance particulière ne justifie une minoration du montant de l'amende prévue par les dispositions de l'article L. 625-1 devenu L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que la compagnie nationale Royal Air Maroc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la compagnie Royal Air Maroc est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Bruston, présidente assesseure

- Mme A..., première-conseilleure.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05159 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05159
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CLYDE et CO LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-13;22pa05159 ?
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