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13/10/2023 | FRANCE | N°21PA03180

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 octobre 2023, 21PA03180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Etablissements Moncassin, M. A..., Clichy Dépannage et CRC ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 553 861,89 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de l'éviction de leur groupement, qu'elles estiment irrégulière, de la délégation de service public des fourrières du département pour les secteurs 2, 5, 8, 11, 13 et 14, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement

n° 1803987 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Etablissements Moncassin, M. A..., Clichy Dépannage et CRC ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 553 861,89 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de l'éviction de leur groupement, qu'elles estiment irrégulière, de la délégation de service public des fourrières du département pour les secteurs 2, 5, 8, 11, 13 et 14, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1803987 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2021, les sociétés Etablissements Moncassin, M. A..., Clichy Dépannage et CRC, représentées par Me Hourcabie, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 553 861,89 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de l'éviction de leur groupement, qu'elles estiment irrégulière, de la délégation de service public des fourrières du département pour les secteurs

2, 5, 8, 11, 13 et 14, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal et ce, à moins que le montant du préjudice soit arrêté par un expert désigné à cette fin avant dire droit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'autorité délégante ne pouvait pas imposer aux candidats, sans porter atteinte à la liberté d'accès aux conventions de délégation de service public, de disposer d'un agrément au moment du dépôt de leurs offres, s'agissant d'une condition exigible uniquement au moment de la signature ;

- leur offre devait être admise dès lors qu'elle comportait des engagements circonstanciés et fermes d'exécuter les travaux d'aménagement des sites qui seraient nécessaires ;

- les principes de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement ont été méconnus, en raison de la publication tardive des critères de choix et de l'insuffisance du délai pour déposer leur offre ;

- les critères 1 et 2 fondés sur la localisation des sites de fourrières présentent, en eux-mêmes, un caractère discriminatoire et ont fait l'objet d'une pondération excessive de nature à empêcher toute concurrence effective ;

- ces irrégularités, qui sont à l'origine de leur éviction de la délégation, engagent la responsabilité de l'Etat et ouvrent droit à une indemnisation de leur préjudice ;

- compte tenu de leurs engagements fermes et inconditionnels de réaliser les travaux nécessaires à la mise en conformité des sites proposés, elles établissent l'existence d'une chance sérieuse d'obtenir le contrat, justifiant ainsi l'indemnisation de leur manque à gagner.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2021, le préfet de la

Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des sociétés Etablissements Moncassin, M. A..., Clichy Dépannage et CRC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exigence d'un agrément au stade de la remise des offres n'est pas illégale ;

- le refus d'agrément était fondé ;

- la procédure de délégation de service public n'est pas entachée d'irrégularités ;

- les sociétés requérantes ne justifient pas d'une perte de chance d'obtenir la délégation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston, rapporteure,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Hourcabie, représentant les sociétés requérantes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 13 juin 2013, le préfet de la Seine-Saint-Denis a lancé une procédure de passation d'une délégation de service public ayant pour objet la gestion des fourrières automobiles en Seine-Saint-Denis pour une durée de cinq ans. La circonscription du département de la Seine-Saint-Denis a été divisée en quatorze secteurs géographiques correspondant à quatorze lots. Le groupement formé par les sociétés Etablissements Moncassin, CRC, M. A... et Clichy Dépannage, dont la candidature pour soumissionner avait été admise le 5 août 2013, a présenté une offre pour les secteurs 2, 5, 8, 13 et 14. A la suite du rejet de son offre, le groupement évincé a saisi le juge des référés précontractuels d'une demande d'annulation de la procédure de passation pour ces secteurs, qui a été rejetée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil en date du 19 mars 2014. Par une réclamation en date du 26 décembre 2017, reçue le lendemain, les sociétés Etablissements Moncassin, CRC, M. A... et Clichy Dépannage ont sollicité le versement d'une indemnité en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait de leur éviction de la convention. Par un jugement du 8 avril 2021, dont les sociétés Etablissements Moncassin, CRC, M. A... et Clichy Dépannage relèvent appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant au versement de la somme de 1 553 861,89 euros correspondant à leur manque à gagner.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le règlement de la consultation est obligatoire dans toutes ses prescriptions et chaque candidat doit les respecter sous peine de voir son offre rejetée comme irrégulière En conséquence, l'administration ne peut pas attribuer une délégation de service public à un candidat qui ne respecte pas les prescriptions du règlement de la consultation.

3. Aux termes de l'article R. 325-24 du code de la route dans sa rédaction alors en vigueur: " Le préfet agrée les gardiens de fourrière et les installations de celle-ci, après consultation de la commission départementale de sécurité routière. (...) / La fourrière doit être clôturée. Ses installations doivent notamment satisfaire aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection de l'environnement. (...) ".

4. Aux termes de l'article 2-1 du règlement de consultation de la délégation de service public des fourrières de la Seine-Saint-Denis : " Le délégataire devra disposer de(s) l'agrément (s) préfectoral(aux) de gardien de fourrières et des installations de celle-ci conformément à l'article R. 325-24 du code de la route délivré(s) par le préfet territorialement compétent. ". Aux termes de l'article 4.1 du règlement de la consultation des offres relatif au contenu du dossier d'offres : " (...) Le dossier d'offre par secteur doit être composé des éléments suivants : (...) Les agréments préfectoraux valides au 1er janvier 2014 autorisant l'exécution du service public. Tout dossier d'offre incomplet (pièce, annexe ou document manquant, incomplet, non signé, ni daté, ni paraphé, conformément au présent règlement de consultation) entraine le rejet de l'offre. ".

5. D'une part, si les sociétés requérantes font valoir que l'offre du groupement comportait des engagements fermes de mise aux normes des terrains proposés, de tels engagements n'étaient pas suceptibles de constituer une garantie suffisante pour justifier, lors du dépôt de l'offre, des moyens nécessaires à l'exécution de la délégation, dès lors qu'il résulte des dispositions précitées que les agréments ne peuvent être délivrés qu'au vu de l'avis rendu par la commission départementale de la sécurité routière qui apprécie notamment, le respect des dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection de l'environnement. Dès lors, l'obtention des agréments relatifs à chaque site proposé pouvait être exigé préalablement à la remise des offres sans méconnaître le principe d'égal accès à la commande publique. D'autre part, il est constant que le groupement ne disposait pas des agréments requis pour chacun des sites proposés dans son offre alors que l'annulation, assortie d'une injonction de réexamen de la demande, par un jugement du 19 juin 2014 du tribunal administratif de Montreuil, du refus opposé le 18 septembre 2013 par le préfet de la Seine-Saint-Denis à la demande d'agrément présentée par le groupement pour six sites, ne peut être regardée comme ayant eu pour effet la délivrance des agréments exigés. En l'absence de ces agréments, expressément exigés par le règlement de la consultation, le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu de rejeter l'offre du groupement comme irrégulière.

6. En deuxième lieu, les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres.

7. Il résulte de l'instruction que les candidats admis à présenter une offre ont été informés des critères de sélection par courrier du 5 août 2013, la date limite de dépôt des offres étant fixée au 20 septembre 2013. Si les sociétés Etablissements Moncassin, CRC, M. A... et Clichy Dépannage soutiennent que ce délai était insuffisant pour leur permettre de disposer d'un agrément pour des lieux de fourrières dans le département, il résulte de l'instruction qu'elles étaient en mesure d'anticiper la mise en œuvre de ces critères de sélection qui, outre qu'ils étaient prévisibles dans le cadre d'une telle procédure, étaient les mêmes que ceux fixés dans le cadre d'une précédente procédure de passation annulée en 2012 par le juge des référés précontractuels et à laquelle trois membres du groupement avaient été candidats. En outre, comme l'a relevé le tribunal administratif, il n'est pas contesté que le groupement, qui avait sollicité, dès le 19 juillet 2013, les informations concernant la procédure d'agrément, a été en mesure de déposer, le 3 septembre 2013, une demande d'agrément pour six sites, qui a pu être examinée avant la date limite de dépôt des offres. Par suite, et nonobstant la période estivale et les difficultés alléguées affectant les acquisitions foncières dans le département, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le délai de communication des critères de sélection des offres ainsi que celui de remise des offres auraient été insuffisants et de nature à porter atteinte à la liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats.

8. En troisième lieu, les exigences techniques contenues dans le règlement de la consulation peuvent être précises si elles sont justifiées par l'objet du contrat. Ainsi, une exigence technique n'est pas illégale du seul fait qu'elle avantage certains candidats.

9. L'article 5 du règlement de consultation des offres afférent à la procédure litigieuse prévoyait que les offres des candidats, admis à candidater, étaient appréciées selon cinq critères, le critère 1 pondéré à 30 % étant relatif à la distance entre le lieu de fourrière et le lieu d'enlèvement de référence, le critère 2 pondéré à 30% concernant le délai du trajet entre le lieu de fourrière et le lieu d'enlèvement de référence, le critère 3 pondéré à 20 % étant relatif aux moyens humains et matériels affectés au secteur, le critère 4 pondéré à 10% portant sur l'accès et accueil du public et le critère 5 pondéré à 10 % étant relatif à la remise tarifaire aux usagers.

10. L'objet de la délégation de service public, pour les quatorze secteurs géographiques concernés, étant de donner mission au délégataire d'assurer, pendant cinq ans, l'enlèvement et la garde des véhicules, de procéder à leur restitution aux propriétaires, de les remettre pour aliénation au service des domaines ou, le cas échénat, pour destruction à une entreprise agréée de démolition, les critères 1 et 2, relatifs respectivement à la distance entre le lieu de fourrière et le lieu d'enlèvement de référence et au délai entre le lieu de fourrière et le lieu d'enlèvement de référence, sont justifiés par les nécessités propres du service public concerné, lequel nécessite une intervention rapide et une accessibilité suffisante des sites pour les usagers. Par suite, alors même que ces critères pourraient conduire à favoriser les entreprises disposant déjà de terrains agréés en Seine-Saint-Denis, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ces critères seraient discriminatoires et de nature à porter atteinte aux principes de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats.

11. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Etablissements Moncassin, CRC, M. A... et Clichy Dépannage ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme demandée par les sociétés Etablissements Moncassin, CRC, M. A... et Clichy Dépannage au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés requérantes, le versement de la somme demandée par l'Etat au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Etablissements Moncassin, CRC, M. A... et Clichy Dépannage est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Etablissements Moncassin, CRC, M. A... et Clichy Dépannage et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Bruston, présidente assesseure,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA03180 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03180
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : HOURCABIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-13;21pa03180 ?
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