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06/10/2023 | FRANCE | N°21PA05086

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 octobre 2023, 21PA05086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Akita a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période de janvier 2013 à décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des pénalités dont ces droits et cotisations ont été assortis.

Par un jugement n° 1921267 du 15

juillet 2021, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Akita a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période de janvier 2013 à décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des pénalités dont ces droits et cotisations ont été assortis.

Par un jugement n° 1921267 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 347 705 euros prononcé en cours d'instance, a accordé à la société Akita une décharge supplémentaire d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée en retenant que les recettes et résultats taxables au titre des années 2014 et 2015 devaient être déterminés par référence à la méthode dite des " salades de choux " et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2021, la SARL Akita, représentée par

Mes Chabane et Michaud, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 juillet 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2013 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les méthodes de reconstitution des recettes de la société retenues par l'administration, différentes pour chacune des années 2013, 2014 et 2015, ne présentent aucune cohérence, compte tenu de l'écart considérable entre le redressement initial et le redressement actuel et alors même que les variations entre les ventes déclarées et celles reconstituées démontrent l'absence de manquement déclaratif, ainsi que l'a reconnu la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a estimé que le redressement n'était pas justifié ;

- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en ne prononçant pas la décharge des impositions mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015 ;

- le caractère radicalement vicié de la méthode proposée par l'administration fondée sur le nombre de serviettes en papier utilisées par la clientèle, doit conduire à la décharge totale des impositions mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015 en l'absence de toute autre méthode de reconstitution proposée par l'administration ;

- aucun redressement n'est applicable même en retenant la méthode dite des " salades de chou " ; compte tenu du caractère nécessairement approximatif d'une reconstitution de recettes, du pourcentage de perte de produit brut sur les produits préparés non vendus, et de la consommation par le personnel, la faible différence entre les ventes reconstituées et les ventes déclarées ne permet pas de déduire un manquement déclaratif ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté les autres méthodes de reconstitution proposées dites des " brochettes de poulet ", des " brochettes de bœuf " et par comparaison avec l'exercice 2013 ;

- c'est également à tort que le tribunal a retenu que la société n'avait présenté aucun argument au soutien de sa contestation du redressement prononcé au titre de l'exercice 2013 ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en ne retenant pas au titre de l'année 2013 par suite de reconstitution des recettes de l'année 2012, que la méthode dite des " serviettes en papier jetables " était radicalement viciée ;

- si la seule méthode de reconstitution de recettes sur laquelle le redressement de l'année 2013 a été validé est celle dite des " étuis de baguettes réutilisables ", cette méthode est nécessairement imprécise et viciée dans son principe ;

- l'administration ne démontre pas le caractère intentionnel des manquements qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense et une pièce complémentaire, enregistrés le 19 novembre 2021 et le 27 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'étendue du litige porte sur un montant de 150 373 euros compte tenu des dégrèvements successifs qui ont été prononcés ;

- les conclusions tendant à la décharge de l'ensemble des impositions mises à la charge de la société Akita sont irrecevables en tant que ces impositions portent sur un rappel de la taxe sur la valeur ajoutée de 2014 à hauteur de 4 953 euros et sur le rehaussement imposable à l'impôt sur les sociétés, notifié au titre de l'année 2014 à hauteur de 36 548 euros, en l'absence de moyen dirigé contre ces rectifications ;

- la méthode dite des " salades de chou " retenue par les juges de première instance pour reconstituer les recettes de la société au titre de l'année 2015 doit être substituée à la méthode initialement suivie et adoptée par le service ;

- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le certificat de dégrèvement du 20 juillet 2021, enregistré le 27 juillet 2023 ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Akita, qui exploite deux restaurants de cuisine japonaise dans le deuxième arrondissement de Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice 2013 avec un droit de contrôle sur l'année 2012 et sur les exercices 2014 et 2015. Par une première proposition de rectification du 22 décembre 2016, l'administration a écarté sa comptabilité établie au titre de l'année 2013 et remis en cause les imputations d'un déficit d'impôt sur les sociétés et d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée reportés de l'année 2012 et imputés sur l'année 2013. Par une seconde proposition de rectification portant sur les années 2014 et 2015, l'administration a écarté sa comptabilité et reconstitué ses recettes et résultats taxables. Par la présente requête, la société Akita relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 347 705 euros prononcé en cours d'instance et accordé une décharge partielle des redressements mis à sa charge, n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge de l'intégralité des rehaussements prononcés.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de l'instruction que, s'agissant des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Akita au titre des années 2014 et 2015, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a prononcé un premier dégrèvement d'un montant total, en droits et pénalités, de 347 705 euros postérieurement à l'introduction de la requête de la société Akita devant le tribunal administratif de Paris, puis un second dégrèvement à hauteur de la somme totale de 73 325 euros en exécution du jugement rendu le 15 juillet 2021. Il n'y a ainsi plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dans cette mesure.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Si la société Akita demande à la Cour de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2013 à 2015, elle doit être regardée comme demandant la réduction de ces impositions en tant qu'elles se rapportent aux rehaussements contestés. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de l'irrecevabilité des conclusions de la requête en tant que ces impositions portent sur un rappel de la taxe sur la valeur ajoutée de 2014 à hauteur de 4 953 euros et sur le rehaussement imposable à l'impôt sur les sociétés, notifié au titre de l'année 2014 à hauteur de 36 548 euros, en l'absence de moyen dirigé contre ces rectifications, doit être écartée.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ". Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la comptabilité de la société Akita comportait de graves irrégularités au titre des trois exercices contrôlés. L'administration était en droit, par suite, de reconstituer les recettes et résultats taxables de l'entreprise à l'aide d'une méthode extra-comptable.

S'agissant des impositions supplémentaires des années 2014 et 2015 :

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales que la charge d'établir le bien fondé des redressements prononcés incombe à l'administration dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable au dégrèvement des impositions contestées.

6. En l'espèce, l'administration a reconstitué les bases d'imposition de la société Akita à partir du nombre de serviettes en papier utilisées par la clientèle. Cette méthode a consisté à ne retenir que les serviettes rouges disposées sur les tables avec chaque assiette, cette disposition correspondant nécessairement selon elle, à un repas servi. Les pièces du dossier ne permettent cependant pas d'établir avec certitude que les serviettes rouges en papier n'auraient pas été proposées en libre-service à la clientèle et n'auraient pas été utilisées à d'autres fins en cuisine et par les serveurs. Dans ces conditions et comme la commission départementale des impôts l'a relevé, cette méthode était trop imprécise et par suite radicalement viciée. L'administration qui a accepté en première instance de substituer à cette méthode, celle proposée par la société Akita dite des " salades de chou " qui constitue un plat commun à tous les menus, au titre de l'année 2014, entend devant la Cour adopter cette méthode également pour la reconstitution des recettes de la société au titre de l'année 2015. La société Akita fait valoir que des correctifs doivent toutefois être apportés à cette méthode, faute de prise en considération, d'une part, des pertes de produits bruts après préparation et non vendus qui doivent être évaluées à hauteur de 2 %, et, d'autre part, de la consommation journalière par le personnel de ces mêmes produits qui doit être estimée à 3,8 % de la quantité totale utilisée en 2014 et 4,2 % pour 2015, en retenant qu'au moins un tiers des salariés consomment ce produit. L'administration ne conteste pas ces estimations qui ressortent de l'expertise réalisée le 11 janvier 2018 par la société et qui conduisent à retenir que les ventes reconstituées de " salades de chou " s'élèvent à 72 544 bols d'une quantité unitaire de 85,17 grammes de chou en 2014 et à 66 158 en 2015, alors que la société avait déclaré des quantités respectives de 73 729 bols en 2014 et 67 540 en 2015. Ainsi l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'insuffisance des résultats déclarés tels que proposés en appliquant ces correctifs et par suite l'existence d'un manquement déclaratif.

S'agissant des impositions supplémentaires de l'année 2013 :

7. La société Akita soutient que la méthode dite des " serviettes jetables " et des " étuis de baguettes " utilisée par l'administration pour la reconstitution de ses recettes au titre de l'année 2012 qui a fondé les redressements prononcés sur l'exercice 2013, est nécessairement imprécise et viciée dans son principe dès lors, d'une part, qu'elle se fonde sur des produits non alimentaires et réutilisables et ne prend pas en considération les stocks constitués, et, d'autre part, qu'elle révèle une incohérence dans le raisonnement retenu par l'administration qui a considéré que cette méthode n'était pas pertinente au titre des années 2014 et 2015. Dans la mesure où l'administration ne démontre pas que cette méthode qui présuppose que chaque client n'utilise qu'une unité de baguette ou de serviette jetable par repas, était la seule possible et pertinente compte tenu de l'activité exercée par la société Akita, cette méthode était trop imprécise pour pouvoir être admise et, par suite, radicalement viciée dans son principe.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Akita est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge totale, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2013 à 2015.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Akita et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions à hauteur du dégrèvement prononcé de 73 325 euros intervenu en exécution du jugement n° 1921267 du tribunal administratif de Paris du 15 juillet 2021.

Article 2 : Le jugement n° 1921267 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions à fin de décharge de la SARL Akita.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SARL Akita au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Akita est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Akita et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 6 octobre 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05086
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET LAURANT MICHAUD DUCEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-06;21pa05086 ?
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