La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2023 | FRANCE | N°22PA04623

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 octobre 2023, 22PA04623


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 août 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes.

Par un jugement n° 2218458 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif

de Paris

n° 2218458 en date du 27 septembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. G... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 août 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes.

Par un jugement n° 2218458 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Paris

n° 2218458 en date du 27 septembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. G... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le premier juge ne pouvait pas lui enjoindre de délivrer à M. G... une attestation de demande d'asile en procédure normale, la situation de l'intéressé relevant de la procédure accélérée ;

- les autres moyens soulevés par M. G... en première instance ne sont pas fondés.

M. G... auquel la requête a été communiqué n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant afghan né le 30 novembre 1991 selon ses déclarations, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 13 juillet 2022. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé a présenté une demande d'asile auprès des autorités autrichiennes le 26 juin 2022 sous l'identité de Mohammad Yousuf Uryakhel, né le 1er janvier 1990. Le 5 août 2022, le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de l'intéressé, que ces dernières ont explicitement accepté, le 9 août 2022, sur le fondement de l'article 18 1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 19 août 2022, de remettre M. G... aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police fait appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 août 2022, lui a enjoint de délivrer à M. G... une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'État le versement au conseil de M. G... de la somme de 1 100 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Pour annuler l'arrêté portant transfert de M. G... aux autorités autrichiennes, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a tenu pour exactes les affirmations de l'intéressé selon lesquelles son frère se trouverait sur le territoire français et aurait obtenu le statut de réfugié le 30 mai 2022 pour en déduire que le préfet de police avait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire d'examen des demandes de protection internationale qu'il tient des dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les fiches d'état civil produites par M. G... ne permettent pas d'établir sa filiation. En admettant même, la réalité de cette filiation, ce lien familial, en l'absence de toute situation de vulnérabilité et de dépendance alléguée, ne suffit pas à établir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 19 août 2022 et enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. G... en procédure normale et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à ce titre.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... en première instance.

Sur les autres moyens soulevés par M. G... :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-00856 du 21 juillet 2022, dûment signé et régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2022-556 du même jour, M. E... B... préfet de police a donné à M. H... attaché de l'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ...Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative... ".

7. L'arrêté par lequel le préfet de police a décidé le transfert de M. G... aux autorités autrichiennes, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, vise notamment le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il indique qu'" il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. F... I... G... au moyen du système Eurodac, effectuée conformément au règlement n° 603/2013 (...), que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités autrichiennes le 26 juin 2022 et que ces autorités, après avoir été saisies le 5 août 2022 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 (1) (b), ont fait connaître leur accord le 8 août 2022 en application de ces mêmes dispositions. Par ailleurs, le préfet de police a précisé que " l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. F... I... G... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ". Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Il résulte de l'annexe X au règlement (CE) du 2 septembre 2003 que ladite brochure comprend une partie A intitulée " Informations sur le règlement de Dublin pour les demandeurs d'une protection internationale en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 " et une partie B intitulée " Procédure de Dublin - Informations pour les demandeurs d'une protection internationale dans le cadre d'une procédure de Dublin en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. G... s'est vu remettre par les services préfectoraux les 13 et 21 juillet 2022, la " brochure A " intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et la " brochure B " intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". Ces documents ont été remis à l'intéressé en langue pachto, qu'il a déclaré comprendre. De plus, M. G... a signé la première page de chacune de ces brochures ainsi que le résumé de l'entretien individuel au cours duquel il était assisté d'un interprète en langue pachto. Au surplus, l'intéressé a attesté à cette même occasion que les informations sur les règlements communautaires lui avaient été remises et qu'il avait compris la procédure engagée à son encontre. Il s'ensuit que M. G... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. G... a bénéficié, le 21 juillet 2022, dans les locaux de la préfecture de police, d'un entretien individuel assuré par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, service chargé d'instruire les demandes d'asile, assisté de M. C... A..., interprète en langue pachto de l'agence ISM interprétariat. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément contraire versé au dossier, cet agent doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. En outre, l'intéressé ne fait état d'aucun élément laissant supposer que cet entretien n'aurait pas eu lieu ou ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Au contraire, M. G... a eu la possibilité de présenter des observations sur sa situation personnelle, et en a fait usage, comme en témoigne le résumé de son entretien individuel, qu'il a lui-même signé, et qui indique que l'intéressé a déclaré avoir compris l'ensemble de ses termes. Dès lors, en dépit de l'absence d'indication de l'identité de l'agent de la préfecture ayant conduit cet entretien individuel, M. G... n'a été privé d'aucune des garanties prévues par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-1, et non L. 211-5 comme invoqué, du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que la procédure contradictoire préalable qu'elles prévoient, n'est pas applicable aux décisions statuant sur une demande, ce qui est le cas en l'espèce. M. G..., qui a d'ailleurs bénéficié de l'entretien mentionné ci-dessus, ne saurait donc invoquer utilement les dispositions de l'article L. 122-1 du même code fixant les modalités de mise en œuvre de cette procédure.

13. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient M. G..., la preuve de la demande de reprise en charge adressée par la préfecture de police aux autorités autrichiennes ainsi que celle de la réponse de ces autorités est rapportée par le préfet de police, qui a produit en première instance la copie d'un courrier électronique daté du 5 août 2022 accusant réception d'une demande formulée au moyen de l'application " Dublinet ", ainsi que la réponse explicite des autorités autrichiennes à cette demande, datée du 9 août 2022. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. En septième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. (...)".

15. M. G... soutient que le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013. D'une part, si les conditions de notification de l'arrêté litigieux peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans incidence sur sa légalité. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, qui a été notifié à M. G... avec l'assistance d'un interprète, comporte l'énoncé des voies et délais de recours. Il est également mentionné, au titre de l'examen de sa demande d'asile, que pour cet examen par les autorités de l'Etat membre compétent, l'intéressé doit se présenter aux autorités chargées du contrôle aux frontières de l'Etat membre responsable. Enfin, si M. G... soutient qu'il n'a pas été informé des modalités concrètes permettant l'exécution spontanée de la mesure de transfert, il n'allègue pas avoir avisé les autorités françaises de son intention de se rendre, par ses propres moyens, dans l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile. Dans ces conditions, alors que les dispositions précitées n'imposent pas une mention systématique des informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter, mais seulement si elles sont nécessaires, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 doit, en tout état de cause, être écarté.

16. En huitième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

17. En se bornant à faire état de la présence de son frère, sans d'ailleurs établir la réalité du lien familial invoqué, alors même qu'il est constant qu'il ne justifie que d'une très faible durée de présence sur le territoire français, M. G... n'apporte pas la preuve de l'intensité de ses attaches sur le territoire français. Il s'ensuit que la décision de transfert attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

18. En neuvième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".

19. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

20. M. G... soutient que " plusieurs sources publiques " ainsi que des articles de presse ou d'organisations non gouvernementales feraient état de ce que l'Autriche durcirait, depuis l'année 2018, non seulement sa politique migratoire mais également le traitement réservé aux demandeurs d'asile sur son territoire. Toutefois, l'intéressé ne fait état d'aucun élément concret de nature à établir l'existence de défaillances systémiques en Autriche dans la procédure d'asile. Il n'allègue même pas que les autorités autrichiennes auraient traité sa demande d'asile dans des conditions non conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'établit pas davantage que les autorités autrichiennes n'auraient pas évalué les risques réels et actuels de mauvais traitements qui pèseraient sur lui à titre personnel ou au titre de la protection subsidiaire en cas de renvoi éventuel dans son pays d'origine. De telles défaillances ne sauraient d'ailleurs être déduites des articles de presse et autres rapports d'organisations. Par suite, le moyen tiré de la violation du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

21. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

22. M. G... se prévaut des risques qu'il encourrait en Afghanistan et du risque que les autorités autrichiennes le renvoient immédiatement vers ce pays. Toutefois, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Autriche des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis en Autriche à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait contraire à ces stipulations ne peut qu'être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 août 2022 décidant le transfert de M. G... aux autorités autrichiennes, lui a enjoint de délivrer à M. G... une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'une attestation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'État le versement au conseil de M. G... de la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Paris.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n°2218458 du 27 septembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... I... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère.

- Mme Gaelle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

I. D...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04623


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04623
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme PENA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-05;22pa04623 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award