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05/10/2023 | FRANCE | N°22PA04006

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 octobre 2023, 22PA04006


Vu la procédure suivante :

La SCCV Gagny rue de Meaux a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le maire de Gagny a refusé de lui délivrer un permis de construire pour réaliser un projet de construction de 51 logements en accession à la propriété, 16 logements sociaux et 155 logements pour jeunes actifs sur le territoire de la commune de Gagny, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2110557 du 29 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 avril 2021

et enjoint au maire de Gagny de délivrer le permis de construire demandé...

Vu la procédure suivante :

La SCCV Gagny rue de Meaux a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le maire de Gagny a refusé de lui délivrer un permis de construire pour réaliser un projet de construction de 51 logements en accession à la propriété, 16 logements sociaux et 155 logements pour jeunes actifs sur le territoire de la commune de Gagny, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2110557 du 29 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 avril 2021 et enjoint au maire de Gagny de délivrer le permis de construire demandé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 août et 23 décembre 2022, la commune de Gagny, représentée par son maire, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2110557 du Tribunal administratif de Montreuil du 29 juin 2022 ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de son arrêté de refus de permis de construire en date du 19 avril 2021 ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la SCCV Gagny rue de Meaux en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Gagny soutient que :

- le jugement est irrégulier car la minute n'est pas signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le maire pouvait légalement, sur le fondement de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, refuser de délivrer le permis de construire demandé dès lors que les travaux d'extension du réseau de distribution d'électricité nécessaires à la réalisation du projet n'étaient pas au nombre des dépenses prévues à son budget ;

- le nombre global de places de stationnement de 88 places, dont 2 commandées, pour 222 logements dont 20 places pour 155 logements dédiés aux jeunes actifs, est insuffisant et justifiait le refus de permis de construire au regard de l'article R. 111-25 du code de l'urbanisme ;

- le projet d'immeuble sur 4 niveaux d'une surface de 7 652 m2 avec un linéaire de façade de 61,67 m sur la rue du chemin de fer et 42 mètres sur la rue de Meaux présente un aspect monolithique et ne s'insère pas dans les constructions environnantes de sorte que le refus de permis de construire n'est pas entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le projet, par sa hauteur supérieure à la hauteur moyenne de type R + 1 des pavillons avoisinants, méconnaît l'article R. 111-28 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, la SCCV Gagny rue de Meaux, représentée par Me Tirard-Rouxel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Gagny sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCCV Gagny rue de Meaux fait valoir que :

- la minute du jugement est signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme n'est pas applicable à son projet de construction dès lors que les travaux envisagés consistent en un branchement, et non en un raccordement au réseau de distribution d'électricité ;

- le refus fondé sur l'article R. 111-25 du code de l'urbanisme est illégal car les 88 places de stationnement, dont 86 sont en accès direct pour les 222 logements projetés comprenant 155 chambres d'étudiants ou jeunes actifs, sont suffisantes dès lors que le quartier est urbanisé et que la gare du RER E est située à 250 m ;

- le secteur du projet ne présente aucune unité d'aspect particulier dès lors que les constructions voisines différent par leur hauteur, leur implantation, leur architecture, si bien que l'article R. 111-28 du code de l'urbanisme n'a pas été méconnu ;

- l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme n'a pas davantage été méconnu eu égard à l'absence de caractère ou d'intérêt particulier des pavillons voisins.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Alibay pour la commune de Gagny et de Me Tirard-Rouxel, pour la SCCV Gagny rue de Meaux.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile de construction vente (SCCV) Gagny rue de Meaux a déposé le 29 décembre 2020 une demande de permis de construire en vue d'édifier un ensemble immobilier d'habitation, composé de deux bâtiments comprenant, pour le premier, 51 logements en accession à la propriété et 16 logements sociaux et, pour le second, 155 chambres d'étudiants, pour une surface globale de 7 652 m2, sur un terrain constitué de 11 parcelles cadastrales, situé 23 à 25, rue de Meaux, 2 à 6 rue de la Mare et 1 à 7 rue du Chemin de Fer à Gagny. Par un arrêté du 19 avril 2021, le maire de cette commune a rejeté sa demande. La SCCV Gagny rue de Meaux a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler cet arrêté ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement 2110557 du 29 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 avril 2021. La commune de Gagny fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article manque en fait et ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics (...) de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...) ". Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique chargée de l'urbanisme d'être contrainte, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics, sans prise en compte de ses perspectives d'urbanisation et de développement. Cette dernière peut donc refuser de délivrer un permis de construire si le projet qui exige une extension ou un renforcement d'un réseau public ne correspond pas à ses besoins compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement.

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet est situé à proximité immédiate de la gare du RER E de Gagny, de la route nationale 302 et dans un secteur déjà urbanisé de la commune. Toutefois, le plan local d'urbanisme de Gagny approuvé le 26 septembre 2017, qui prévoyait la densification de ce secteur, a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 11 juin 2019. La commune de Gagny se trouvait donc soumise, à la date de la décision attaquée, au règlement national d'urbanisme. Si les travaux d'extension du réseau sur le domaine public d'une longueur de 106 m pouvaient, aux termes de l'avis rendu par Enedis le 15 février 2021, être réalisés dans un délai d'exécution de quatre à six mois après l'ordre de service de la commune, cette dernière, soumise au seul règlement national d'urbanisme, n'était pas en mesure d'apprécier si le projet de la pétitionnaire répondait à ses perspectives et ses besoins d'urbanisation et de développement. Dans ces conditions, la commune de Gagny était fondée à refuser de financer les travaux d'extension du réseau d'électricité quand bien même leur coût n'était que de 11 458,65 euros dès lors qu'en l'absence de plan local d'urbanisme, la commune n'était pas en mesure de prévoir à son budget des dépenses de travaux d'extension du réseau électrique. Par suite, la commune est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait indiquer dans quel délai ces travaux pouvaient être exécutés. Par suite, le maire a pu légalement s'opposer, pour ce seul motif fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, à la demande de permis de construire présentée par la SCCV Gagny rue de Meaux.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCCV Gagny rue de Meaux devant le Tribunal administratif de Montreuil.

7. En premier lieu, aux termes de cet article R. 111-25 du code de l'urbanisme : " Le permis...peut imposer la réalisation d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux caractéristiques du projet. Il ne peut être exigé la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement lors de la construction de logements locatifs financés avec un prêt aidé par l'Etat... ".

8. Le projet prévoit un nombre total de 88 places de stationnement pour 225 logements, soit 1 place de stationnement par logement social et par logement en accession et seulement 20 places de stationnement pour les 115 logements de la résidence " jeunes actifs ", soit 0,17 place de stationnement par logement " jeunes actifs ". A... que l'a jugé le tribunal, si la commune de Gagny fait valoir que cette prévision est insuffisante dès lors qu'elle repose sur la prévision d'un faible équipement automobile des jeunes actifs devant occuper les 155 logements qui leur sont destinés, elle n'apporte aucun élément de nature à établir son caractère erroné, alors que le projet est situé à 250 mètres de la station de la gare du RER E et dans un quartier urbanisé. Par suite, le motif tiré de ce que le projet n'aurait pas pris les mesures suffisantes pour assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules est entaché d'illégalité.

9. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article R. 111-28 de ce code : " Dans les secteurs déjà partiellement bâtis, présentant une unité d'aspect et non compris dans des programmes de rénovation, l'autorisation de construire à une hauteur supérieure à la hauteur moyenne des constructions avoisinantes peut être refusée ou subordonnée à des prescriptions particulières. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que si l'environnement immédiat du projet de construction est composé principalement de pavillons avec jardins et de petits collectifs de faible hauteur, ceux-ci ne présentent aucune unité d'aspect en termes d'élévation, de matériaux, de couleurs, de toitures et d'implantation par rapport à la voie publique. Dès lors le maire de Gagny a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet méconnaissait les dispositions précitées des articles R. 111-27 et R. 111-28 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte du point 5 du présent arrêt que le motif tenant à l'impossibilité pour le maire de fixer le délai de réalisation des travaux d'extension du réseau électrique justifiait à lui-seul le refus de permis de construire fondé sur les dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté de refus de permis de construire en date du 19 avril 2021 et lui a enjoint de délivrer le permis sollicité à la SCCV Gagny rue de Meaux.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

13. Il n'y a pas lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Gagny, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SCCV Gagny rue de Meaux de la somme demandée par cette dernière au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCCV Gagny rue de Meaux le versement à la commune de Gagny d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2110557 du 29 juin 2022 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCCV Gagny rue de Meaux devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Il est mis à la charge de la SCCV Gagny rue de Meaux le versement à la commune de Gagny d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SCCV Gagny rue de Meaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gagny et à la SCCV Gagny rue de Meaux .

Délibéré après l'audience du 29 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère,

- Mme Gaelle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

I. B...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04006


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04006
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-05;22pa04006 ?
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