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04/10/2023 | FRANCE | N°22PA03748

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 04 octobre 2023, 22PA03748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société QBE Insurance a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Nouméa à lui verser la somme de 1 267 818 francs Pacifique correspondant à l'indemnité qu'elle a versée à la société Olry, son assurée, et aux frais d'expertise qu'elle a engagés à la suite des dégradations causées par les inondations survenues le 7 mai 2016.

Par un jugement n° 2100223 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune de Nouméa

à verser à la société QBE Insurance la somme de 875 355 francs Pacifique, a mis à la cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société QBE Insurance a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Nouméa à lui verser la somme de 1 267 818 francs Pacifique correspondant à l'indemnité qu'elle a versée à la société Olry, son assurée, et aux frais d'expertise qu'elle a engagés à la suite des dégradations causées par les inondations survenues le 7 mai 2016.

Par un jugement n° 2100223 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune de Nouméa à verser à la société QBE Insurance la somme de 875 355 francs Pacifique, a mis à la charge de la commune de Nouméa la somme de 160 000 francs Pacifique au titre des frais et honoraires d'expertise, et a rejeté le surplus des conclusions principales de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés les 9 août 2022, 23 septembre 2022, 28 avril 2023 et 13 juin 2023, la commune de Nouméa, représentée par la société Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 10 mai 2022 et de rejeter les demandes de première instance de la société QBE Insurance ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 10 mai 2022 et de limiter le montant des sommes qu'elle doit être condamnée à verser à la société QBE Insurance ;

3°) de mettre à la charge de la société QBE Insurance la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise ni n'analyse le dernier mémoire qu'elle a produit, alors qu'il contenait des éléments nouveaux ;

- la créance de la société QBE Insurance est prescrite en application de la loi du 31 décembre 1968 ;

- aucune faute ne saurait lui être reprochée dès lors que seule sa responsabilité sans faute est susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de la victime des dommages pris en charge par la société requérante ;

- le lien de causalité entre les dommages subis et les ouvrages publics n'est pas établi ; il n'est pas exclu que les dommages soient liés au branchement particulier du réseau desservant les lieux sinistrés, et non aux parties communes de ce réseau ; les dommages ont pour origine l'intensité des pluies, le dimensionnement des canalisations dont elle a la charge étant à cet égard sans incidence ;

- les dommages subis par l'assurée de la société requérante résultent d'un cas de force majeure ;

- en tout état de cause, sa responsabilité ne saurait être engagée que pour la seule part des dommages imputable aux ouvrages publics.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 6 décembre 2022 et 23 mai 2023, la société QBE Insurance, représentée par Me Pieux, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Nouméa en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2023.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999,

- le code des assurances,

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Poupot, représentant la commune de Nouméa.

Considérant ce qui suit :

1. En raison d'inondations survenues le 7 mai 2016, la société QBE Insurance a indemnisé la société Olry, son assurée, propriétaire d'un fonds de commerce exploité sous l'enseigne Sud Optic, situé 23 bis, rue Jean Jaurès, à Nouméa. Par des courriers des

12 juillet 2017 et 14 septembre 2017, la société QBE Insurance a demandé à la commune de Nouméa de lui rembourser les sommes versées à son assurée. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande. Par une ordonnance du

3 décembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prescrit une mesure d'expertise, confiée à M. A..., dont le rapport a été déposé le 30 avril 2020. La commune de Nouméa relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'a condamnée à verser à la société QBE Insurance la somme de 875 355 francs Pacifique et a mis à la charge de la commune de Nouméa la somme de 160 000 francs Pacifique au titre des frais et honoraires d'expertise.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'appelante soutient que le jugement du 10 mai 2022 est irrégulier dès lors qu'il ne vise ni n'analyse le dernier mémoire qu'elle a produit devant les premiers juges. Il ne résulte cependant d'aucun des éléments de la procédure ayant eu lieu en première instance que la commune de Nouméa aurait produit un autre mémoire que celui visé par le jugement, enregistré le 14 mars 2022, et la collectivité ne démontre pas davantage la production d'autres écritures. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure, sans pouvoir utilement invoquer le fait du tiers.

4. La société QBE Insurance a recherché, du fait de la qualité de tiers de son assurée, dans les droits de laquelle elle est subrogée, par rapport aux ouvrages publics composant le réseau d'évacuation des eaux pluviales, la responsabilité sans faute de la commune de Nouméa, maître de ces ouvrages, pour les dommages causés aux locaux de la société Olry par une inondation survenue après de fortes pluies le 7 mai 2016. Or, il résulte de l'instruction, notamment des éléments relevés par l'expert M. A... dans le rapport précité, que les dommages en cause trouvent intégralement leur origine dans le débordement de canalisations d'eaux pluviales situées sous la rue Jean Jaurès et placées sous la garde de la commune de Nouméa, et non d'un éventuel branchement particulier au réseau public. La responsabilité sans faute de cette collectivité est par suite engagée pour l'ensemble des dommages subis, sans qu'ait à cet égard d'incidence le dimensionnement, suffisant ou non, de ces ouvrages. Si la commune de Nouméa soutient que la survenue d'un cas de force majeure est de nature à exclure sa responsabilité, il ne résulte pas de l'instruction que les pluies ayant frappé la ville le 7 mai 2016 durant environ trois heures, certes d'une intensité remarquable, aient présenté un caractère imprévisible, dès lors notamment que comme l'a relevé l'expert, elles ont montré des caractéristiques à peine supérieures à des évènements de fréquence décennale.

5. D'autre part, la commune de Nouméa renouvelle en appel l'exception de prescription quadriennale qu'elle a soulevée en première instance sur le fondement des dispositions de la loi du 31 décembre 1968, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux susceptibles de remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ce point. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Nouméa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'a condamnée à verser à la société QBE Insurance la somme de 875 355 francs Pacifique et a mis à sa charge la somme de 160 000 francs Pacifique au titre des frais et honoraires d'expertise.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société QBE Insurance, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la commune de Nouméa au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 000 euros à la société QBE Insurance sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Nouméa est rejetée.

Article 2 : La commune de Nouméa versera la somme de 1 000 euros à la société QBE Insurance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nouméa et à la société QBE Insurance.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2023.

La rapporteure,

G. B...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03748
Date de la décision : 04/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY- POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-04;22pa03748 ?
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