Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision n° 882 du 12 mai 2021 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le centre hospitalier de la Polynésie française à procéder à sa mise à la retraite et le rejet implicite de son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 2100514 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2022, Mme C... B... épouse A..., représentée par Me Antz, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française et du centre hospitalier de la Polynésie française la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ni l'enquête diligentée par l'inspectrice du travail, ni celle diligentée par la direction du travail, n'ont été conduites de manière contradictoire ;
- la décision du 12 mai 2021 prise par l'inspectrice du travail n'est pas motivée ;
- l'inspectrice du travail s'est bornée à suivre la demande formulée par le centre hospitalier de la Polynésie française ;
- d'autres agents, se trouvant dans la même situation qu'elle, n'ont pas été mis à la retraite d'office ;
- elle a été placée à la retraite d'office à la suite du jugement du tribunal du travail ordonnant au centre hospitalier de la Polynésie française de procéder à son reclassement.
Par un mémoire, enregistré le 11 janvier 2023, le centre hospitalier de la Polynésie française, représenté par Me Quinquis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2023, la Polynésie française, représentée par Me Neuffer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 700 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail de la Polynésie française,
- la loi du pays n° 2011-15 du 4 mai 2011 modifiée, relative à la codification du code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... exerce les fonctions d'agent de service hospitalier non fonctionnaire au sein du centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) depuis le 17 octobre 1983. Le 5 septembre 2019, elle a été élue déléguée du personnel, suppléante. Le 16 mars 2021, le CHPF a saisi l'inspection du travail afin d'obtenir l'autorisation de mettre à la retraite Mme B.... Par une décision du 12 mai 2021, l'inspectrice du travail a apporté une réponse favorable. Le 1er juillet 2021, Mme B... a exercé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision, auquel il n'a pas été expressément répondu. Par un jugement du 10 mai 2022, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 mai 2021 et du rejet implicite de son recours hiérarchique.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article Lp. 1223-6 du code du travail de la Polynésie française : " La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur, sous réserve de dispositions plus favorables au salarié résultant du contrat de travail ou d'un accord collectif, de rompre le contrat de travail d'un salarié dès lors que celui-ci : 1. a atteint l'âge de soixante-deux ans et justifie de la durée d'assurance suffisante prévue par le régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française, pour pouvoir bénéficier d'une pension de retraite sans abattement dite " à taux plein " ; 2. ou a atteint l'âge de soixante-cinq ans et justifie de la durée d'assurance minimale prévue par le régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française, pour pouvoir bénéficier d'une pension de retraite sans abattement ". Aux termes de l'article Lp. 2511-1 du même code : " Ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement des salariés suivants : 1. délégué syndical ; 2. délégué du personnel ou délégué de bord (...) ". Aux termes de l'article Lp. 2512-3 de ce code : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut se faire assister d'un représentant de son choix. / L'inspecteur du travail dispose d'un délai de deux mois pour prendre une décision. (...) ". Aux termes de l'article Lp. 2512-4 dudit code : " L'inspecteur du travail et, le cas échéant, l'autorité compétente pour l'examen du recours hiérarchique examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par l'intéressé ". L'article A. 2512-1 du code du travail de la Polynésie française dispose que : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ". Enfin, il ressort des termes de l'article Lp 2512-5 de ce même code que : " Les recours hiérarchiques contre les décisions des inspecteurs du travail sont formés devant le chef de service de l'inspecteur du travail ". Dans le cas où la demande de rupture du contrat de travail d'un salarié protégé par l'employeur est motivée par la survenance de l'âge, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de vérifier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, que la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé, et d'autre part, que les conditions légales de mise à la retraite sont remplies. Cette rupture doit suivre la procédure prévue en cas de licenciement.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'inspectrice du travail a procédé à l'audition personnelle et individuelle de Mme B..., le 15 avril 2021, et de la directrice des ressources humaines du CHPF, le 21 avril 2021. Il n'est pas contesté que l'inspectrice du travail a porté à la connaissance de chacune d'elles tous les éléments sur lesquels le CHPF entendait se fonder pour solliciter la mise à la retraite de Mme B..., et que l'une comme l'autre ont été en mesure d'y répondre. Ce faisant, l'inspectrice du travail a respecté le caractère contradictoire de l'enquête prévue par les dispositions précitées de l'article Lp. 2512-3 du code du travail de la Polynésie française, quand bien même Mme B..., auditionnée la première, n'aurait pas été mise à même de répliquer aux éléments présentés par le CHPF à l'inspectrice du travail.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à réception du recours hiérarchique exercé par Mme B..., la cheffe de service de la direction du travail, alors qu'elle n'y était en l'espèce pas tenue, a convoqué pour un nouvel entretien l'intéressée et la directrice des ressources humaines du CHPF. Mme B... a été entendue le 16 août 2021. La directrice des ressources humaines du CHPF ne s'est pas présentée à sa convocation. Toutefois, l'employeur de Mme B... ayant été régulièrement convoqué, la circonstance qu'il n'ait pas été entendu n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie, le fait que Mme B... ait pu porter à la connaissance de la cheffe de service de la direction du travail des éléments nouveaux, ce que du reste elle n'établit pas, étant sans incidence.
5. En troisième lieu, la décision de l'inspectrice du travail du 12 mai 2021 comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent. Le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit être écarté.
6. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni d'aucune autre pièce du dossier que l'inspectrice du travail se serait sentie liée par la demande d'autorisation de mise à la retraite formée par le CHPF.
7. En cinquième lieu, si Mme B... soutient que le principe d'égalité a été méconnu, des collègues placés dans la même situation qu'elle ayant bénéficié d'un maintien d'activité, elle ne l'établit pas. En outre, Mme B... ne contestant pas remplir à la date de la décision contestée les conditions légales pour partir à la retraite, le fait que sa pension puisse être majorée si elle travaillait deux ans supplémentaires est sans incidence sur la légalité de cette décision.
8. En dernier lieu, Mme B... n'établit pas davantage, d'une part, que la demande de mise à la retraite présentée par le CHPF aurait pour finalité de la sanctionner pour avoir saisi le tribunal de Papeete afin d'être reclassée au 5ème groupe de la catégorie 5 des agents non fonctionnaires de l'administration du territoire et obtenu gain de cause, d'autre part, que cette demande serait en lien avec ses activités syndicales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française et du CHPF qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais de l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... les sommes demandées par la Polynésie française et le CHPF sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française et le centre hospitalier de la Polynésie française sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., à la Polynésie française et au centre hospitalier de la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02829