Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... B... et Mme L... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun :
1°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2012 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière a prononcé la reprise de la concession funéraire accordée le 4 octobre 1876 à M. G... C... dans le cimetière communal ;
2°) d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière a refusé de retirer, d'une part, l'arrêté du 29 mai 2012 et, d'autre part, les arrêtés du 2 octobre 2012 par lesquels il a accordé à M. J... et à sa famille deux concessions perpétuelles dans le cimetière communal ;
3°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2015 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière a accordé à M. A... et à sa famille une concession perpétuelle dans le cimetière communal ;
4°) d'enjoindre à la commune de Saint-Martin-en-Bière de leur réattribuer la concession funéraire accordée à M. G... C..., de restituer le caveau, de repositionner à l'identique la pierre tombale semblable à l'ancienne et de rapatrier dans le caveau les restes mortuaires de Mme K..., épouse F..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner la commune de Saint-Martin-en-Bière à leur verser une indemnité de 25 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'ils estiment avoir subis du fait de la reprise de la concession accordée à leur arrière-grand-mère paternelle.
Par un jugement n° 1900923 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 décembre 2021, 25 août 2022 et 12 avril 2023, M. H... B... et Mme L... B..., représentés par Me Bacquerot, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2012 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière a prononcé la reprise de la concession funéraire accordée le 4 octobre 1876 à M. G... C... dans le cimetière communal ;
3°) d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière a refusé de retirer, d'une part, l'arrêté du 29 mai 2012 et, d'autre part, les arrêtés du 2 octobre 2012 par lesquels il a accordé à M. J... et à sa famille deux concessions perpétuelles dans le cimetière communal ;
4°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2015 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière a accordé à M. A... et à sa famille une concession perpétuelle dans le cimetière communal ;
5°) d'enjoindre à la commune de Saint-Martin-en-Bière de leur réattribuer la concession funéraire accordée à M. G... C..., de restituer le caveau, de repositionner à l'identique la pierre tombale semblable à l'ancienne et de rapatrier dans le caveau les restes mortuaires de Mme K... épouse F... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
6°) de condamner la commune de Saint-Martin-en-Bière à leur verser une indemnité de 25 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'ils estiment avoir subis du fait de la reprise de la concession accordée à leur arrière-grand-mère paternelle ;
7°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-en-Bière le versement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils disposent d'une qualité pour agir en tant que descendants de M. G... C..., fondateur de la concession en litige ;
- ils ont qualité pour agir dans l'intérêt de l'indivision successorale, en tant que membres de cette indivision ;
- le procès-verbal constatant l'état d'abandon adressé le 15 décembre 2008 n'a pas été précédé d'une convocation de Mme D..., veuve B..., et de ses six enfants, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2223-13 du code général des collectivités territoriales ;
- le procès-verbal dressé le 27 janvier 2009 méconnaît les dispositions de l'article R. 2223-14 du code général des collectivités territoriales ;
- ils n'ont jamais été informés de la procédure de reprise, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2223-15 du code général des collectivités territoriales ;
- les indivisaires successoraux n'ont jamais reçu notification du procès-verbal dressé le 21 avril 2012, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2223-18 du code général des collectivités territoriales ;
- la reprise de la concession funéraire et les concessions accordées à M. J... ont été obtenues par fraude ;
- les arrêtés des 2 octobre 2012 et 16 novembre 2015 ne comportent ni le nom, ni le prénom de leur signataire ;
- M. J... n'a pas payé les concessions funéraires qui lui ont été accordées en échange de la reprise de la concession ;
- l'arrêté du 16 novembre 2015 devra être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2012 ;
- ils ont subi un préjudice moral évalué à hauteur de 15 000 euros et un préjudice matériel à hauteur de 10 000 euros, dès lors qu'ils ont été dépossédés de la concession perpétuelle de leur aïeule, qu'il a été porté atteinte au corps de celle-ci, qu'ils ne savent pas où se trouve actuellement sa dépouille, et que la commune engage sa responsabilité sur le fondement de l'emprise irrégulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2022, la commune de Saint-Martin-en-Bière, représentée par Me Van Eslande, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. H... B... et Mme L... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable du fait de sa tardiveté ;
- M. H... B... et Mme L... B..., qui ne sont pas les successeurs ou les descendants du fondateur de la concession, ne justifient pas d'un intérêt pour agir contre l'ensemble des arrêtés et décisions contestés ;
- les moyens soulevés par M. H... B... et Mme L... B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 18 octobre 2022, M. J..., représenté par Me Imbert, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. H... B... et Mme L... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable du fait de sa tardiveté ;
- M. H... B... et Mme L... B..., qui ne sont pas les successeurs ou les descendants du fondateur de la concession, ne justifient pas d'un intérêt pour agir contre l'ensemble des arrêtés et décisions contestés ;
- les moyens soulevés par M. H... B... et Mme L... B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mai 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Bacquerot pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention du 4 octobre 1876, le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière a attribué à M. G... C... une concession de 4 m2 dans le cimetière communal. Par un arrêté du 29 mai 2012, le maire de la commune a prononcé la reprise de la concession qui avait été accordée à M. G... C.... Cette concession a été réattribuée à M. A... et aux membres de sa famille par un arrêté du maire en date du 16 novembre 2015. Enfin, par une décision du 28 novembre 2018, le maire a rejeté la demande de M. H... B... et Mme L... B... tendant au retrait, d'une part, de l'arrêté du 29 mai 2012 et, d'autre part, des arrêtés du 2 octobre 2012 par lesquels il a accordé à M. J... et aux membres de sa famille deux concessions perpétuelles dans le cimetière communal. Par un jugement du 21 octobre 2021, dont M. H... B... et Mme L... B... relèvent appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation des arrêtés des 29 mai 2012, 2 octobre 2012 et 16 novembre 2015 ainsi que la décision du 28 novembre 2018, d'autre part, à la condamnation de la commune de Saint-Martin-en-Bière à réparer les préjudices matériel et moral qu'ils estiment avoir subis du fait de la reprise de la concession accordée à leur arrière-grand-mère paternelle.
Sur les conclusions d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales : " Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celles de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux (...) ".
En ce qui concerne les arrêtés du 2 octobre 2012 :
3. Par deux arrêtés du 2 octobre 2012, le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière a accordé à M. I... J... les concessions n° 721 et 722, situées dans le nouveau cimetière communal, à l'effet d'y fonder sa sépulture particulière et celle de sa famille. Or, M. H... B... et Mme L... B... n'établissent pas qu'ils seraient au nombre des personnes susceptibles d'en bénéficier. Ce faisant, ils sont dépourvus de tout intérêt à agir à l'encontre de ces arrêtés. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, rejeté les conclusions tendant à leur annulation.
En ce qui concerne les arrêtés du 29 mai 2012 et du 16 novembre 2015 :
4. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
5. Il ressort des échanges ayant eu lieu entre M. H... B..., Mme L... B... et le maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière entre les mois d'octobre 2016 à septembre 2017, que l'arrêté du 19 mai 2012 a été expressément mentionné dans une lettre du 31 août 2017, et celui du 16 novembre 2015 dans une lettre du 21 septembre 2017. Les appelants ont donc eu connaissance, au plus tard à ces dates, desdits arrêtés. Ce faisant, M. H... B... et Mme L... B... n'étaient plus dans le délai raisonnable d'un an lorsqu'ils ont adressé au maire de la commune de Saint-Martin-en-Bière, le 18 octobre 2018, un recours gracieux tendant à ce que ces actes soient retirés. Le recours gracieux, réceptionné le 24 octobre 2018, n'a dès lors pas pu avoir pour effet d'interrompre le délai ainsi imparti. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 29 mai 2012 et du 16 novembre 2015 étaient, en tout état de cause, tardives lorsqu'elles ont été enregistrées au greffe du tribunal le 29 janvier 2019. Il en résulte que les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que c'est à tort que les premiers juges les ont rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. Cette compétence, qui découle du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, ne vaut toutefois que sous réserve des matières dévolues à l'autorité judiciaire par des règles ou principes de valeur constitutionnelle. Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété.
7. Il résulte de l'instruction que le droit réel immobilier né de la concession funéraire accordée à M. G... C... s'est trouvé éteint par la reprise de cette concession qui a été, par ailleurs, réattribuée, par un arrêté du 16 novembre 2015, à M. A... et aux membres de sa famille, qui n'ont aucun lien de parenté avec les appelants. Dans ces conditions, la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître la demande des requérants tendant à la condamnation de la commune à réparer les conséquences de cette dépossession, dont ils soutiennent qu'elle est irrégulière. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. H... B... et Mme L... B... doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes, y compris celles aux fins d'injonction sous astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Martin-en-Bière et de M. J..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que M. H... B... et Mme L... B... demandent au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. H... B... et de Mme L... B..., ensemble, le versement d'une somme de 1 000 euros à la commune de Saint-Martin-en-Bière et d'une somme de 1 000 euros à M. J..., sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions indemnitaires présentées par M. H... B... et Mme L... B... sont rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : M. H... B... et Mme L... B..., ensemble, verseront à la commune de Saint-Martin-en-Bière une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : M. H... B... et Mme L... B..., ensemble, verseront à M. J... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B..., à Mme L... B..., à la commune de Saint-Martin-en-Bière, à M. I... J... et à M. E... A....
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme d'Argenlieu première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06480